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Fin de l’accord sur les céréales en mer Noire : l’Algérie impactée ?

Fin de l’accord sur les céréales en mer Noire : l’Algérie impactée ?

La non-reconduction de l’accord sur les céréales en mer Noire aura-t-elle un impact sur l’Algérie qui est parmi l’un des plus grands importateurs de céréales au monde ?

L’accord sur les céréales en mer Noire portant sur la sécurisation du corridor en mer Noire garantissant le transport de céréales de l’Ukraine a permis l’exportation de 33 millions de tonnes (Mt) de céréales.

Il a également eu un effet sur les prix qui sont passés de 350 € la tonne à 230 € en Europe. On peut se demander dans quelle mesure sa non-reconduction, qui a été annoncée par Moscou lundi 17 juillet, pourrait affecter les achats de céréales de l’Algérie.

À ce jour, cette annonce n’a pas entraîné de hausse significative des prix du blé sur les marchés. Cependant les marchés restent fébriles. Jusque-là, la réélection du président Erdogan avait consolidé la tendance à la baisse. Les marchés ayant apprécié ses efforts pour la défense et la reconduction de l’accord russo-ukrainien sur les céréales.

Cet accord signé en juillet 2022 pour permettre à l’Ukraine d’exporter des céréales depuis trois ports de la mer Noire a déjà été reconduit à deux reprises.

Il a expiré officiellement lundi soir à minuit. Sa reconduction restait fragile. En mai dernier il n’avait été prorogé que de soixante jours contre le double initialement prévus.

Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a mis des conditions pour une éventuelle reconduction : « Dès que la partie concernant la Russie sera satisfaite, la Russie reviendra immédiatement à l’accord sur les céréales ». Les autorités russes demandent la levée des sanctions bancaires occidentales qui pénalisent ses exportations de céréales et d’engrais.

Fin de l’accord sur les céréales en mer Noire : quel impact sur l’Algérie ?

Avec le contexte géopolitique marqué par la guerre en Ukraine, le niveau du prix des céréales dépend des disponibilités mondiales en céréales et de la logistique.

Sur le marché mondial, les quantités de céréales ne manquent pas grâce aux excédents russes suite à une récolte record de 153 millions de tonnes en 2022. L’année en cours s’avère presque aussi bonne avec 123 Mt prévues.

Le cabinet UkrAgroConsult table sur un potentiel russe d’exportation de 45 Mt en 2023 contre 42 Mt en 2022. Pour Damien Vercambre, du cabinet Inter-Courtage, « l’essentiel du blé exportable est en Russie, avec environ 12,5 millions de tonnes de stocks, et c’est le blé le moins cher du monde ».

À cela s’ajoute l’actuelle bonne récolte des pays de l’Union européenne. Une augmentation de production liée à des allègements de la politique agricole commune (PAC) concernant le gel des terres jusque-là mises en jachère.

La récolte en cours en France s’annonce excellente avec des rendements de 75 quintaux par hectare même si elle n’égale pas ceux de 2019 avec 79 quintaux par hectare. Or, il s’agit d’un pays qui, sur 2 tonnes récoltées en exporte une. Ces dernières années, sur 5 tonnes exportées, 2 voire 3 certaines années allaient vers l’Algérie.

Du côté des baisses de récolte, le conflit en Ukraine a provoqué une diminution de la production locale qui est passée de 33 Mt en 2022 à 19 Mt en 2023. Quant aux États-Unis, en 2022 les mauvaises conditions climatiques ont été à l’origine de la plus mauvaise récolte depuis ces 50 dernières années. La situation est telle que les États-Unis sont devenus importateurs de céréales.

La perte de parts de marché de l’Ukraine a été compensée par une augmentation de production dans les pays de l’UE et les importations des États-Unis n’ont pas eu d’effets sur les prix du fait des larges excédents russes.

Par ailleurs, si les marchés n’ont réagi que par 1 % de hausse à l’annonce de la non-reconduction de l’accord en mer Noire, c’est qu’il n’y a pas eu d’effet de réelle surprise. La situation actuelle n’est plus celle de février 2022 marquée par le début du conflit et la brusque fermeture des exportations à travers la mer Noire.

Reste le niveau des importations chinoises de blé. À ce jour, la bonne récolte réalisée en Chine ne semble pas inquiéter les observateurs.

Le casse-tête de la logistique

Le deuxième facteur pouvant jouer sur les prix du blé concerne la logistique. Mais, aujourd’hui jusqu’à 50 % de la production de céréales ukrainiennes passent par des corridors terrestres et fluviaux européens, les Solidarity Lanes à travers la Pologne et la Roumanie.

« Ces derniers mois, sur 4,5 Mt de grains exportés par l’Ukraine, seuls 1,5 à 2 Mt passaient par la mer Noire » relève Agritel.

Des progrès considérables ont été effectués même si les difficultés restent importantes. C’est par exemple le cas des écartements des rails entre l’Ukraine et le reste des pays européens.

Si ces pays ont réussi à compenser la réduction de la production ukrainienne, pour la Fondation Farm, un think tank sur les politiques agricoles mondiales, la question de leur capacité d’exportation reste posée.

Toute tension supplémentaire pourrait avoir un effet sur le niveau des assurances du fret maritime selon Arthur Portier du cabinet français Agritel

Conséquences sur les achats de blé de l’Algérie

Sur les 33 Mt exportées grâce à l’accord russo-ukrainien sur les céréales, 64 % sont allées vers des pays en développement. Ces dernières années, l’Égypte et le Maroc se sont tournés massivement vers les blés de la mer Noire.

C’est progressivement le cas de l’Algérie dans le cadre de la diversification de ses partenaires. L’Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC) a revu à la baisse son cahier des charges notamment concernant les blés punaisés.

La stratégie de l’OAIC est de constituer des stocks stratégiques d’une durée minimale de 5 à 6 mois. La récente relance du programme de stockage des céréales entamée par le ministère de l’Agriculture et du Développement rural devrait progressivement permettre d’augmenter le volume de ces stocks. Une manière de contrer d’éventuels épisodes de hausse brusque des prix.

La situation est différente dans le cas de l’Égypte qui pourrait avoir des difficultés de paiement en cas de hausse des prix. Malgré les efforts du président Sissi de développer la production de la culture du blé sous pivot avec l’utilisation de nouvelles variétés de blé égyptien, le niveau des importations reste très important.

Les conséquences pourraient concerner le Yémen, l’Afghanistan et les pays de la Corne de l’Afrique car ces pays dépendent du Programme Alimentaire Mondiale (PAM) auquel l’Ukraine participe à raison de 8 %.

Conséquences sur les achats de maïs de l’Algérie

Le blé n’est pas la seule céréale importée par l’Algérie, il y a également le maïs. Ce sont 4 Mt de maïs grain qui sont chaque année importée pour l’alimentation des volailles.

Or, la production algérienne est minime dans la mesure où la culture de cette céréale d’été nécessite d’être irriguée et qu’elle est concurrencée par le maïs ensilage plus rentable. Les fabricants algériens d’aliments du bétail ont progressivement étendu l’utilisation du maïs grain par commodité aux élevages ovins et bovins pourtant plus rustiques.

L’Ukraine reste un producteur important de maïs même si le département américain de l’agriculture (USDA) table sur une production de 25 Mt en 2023-2024 contre 33 Mt en 2021-2022.

Et cela n’est pas sans conséquence sur les volumes exportés. « En 2023-24, elle (Ukraine) devrait exporter 10 Mt de maïs en moins, par rapport à la campagne précédente », note un analyste d’Agritel. Sur ce marché, il s’agit de tenir compte des achats de la Chine qui constitue le principal importateur de maïs ukrainien. La bonne récolte au Brésil rassure cependant les analystes.

Algérie, l’action des pouvoirs publics

À court terme, l’effet de la suspension de l’accord en mer Noire sur les céréales semble peu avoir d’effets, mais nombreux sont les analystes qui craignent des risques de tension et de hausse des prix à moyen terme.

Face à cette situation, en Algérie, les pouvoirs publics ont adopté une politique volontariste visant l’augmentation de la production locale de céréales.

Le pari est ambitieux. L’objectif est de mettre en culture un million d’hectares de céréales d’hiver (blé et orge) et de céréales d’été (maïs) avec irrigation continue grâce à des pivots d’irrigation.

L’accent est également mis sur les céréales cultivées au nord en développant notamment l’irrigation de complément. Il s’agit des principales zones céréalières avec des réserves de productivité tant au niveau des surfaces emblavées que de l’amélioration des rendements. Cependant, en agriculture, agir sur la production reste une affaire de temps long.

Les deux autres leviers possibles concernent le renforcement des capacités de stockage et le niveau de consommation. En la matière, la lutte contre les détournements de blé tendre vers l’élevage ovin s’est intensifiée, restent les cas de gaspillage du pain régulièrement évoqués par la presse.

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