
Débarrassée de l’écueil Bruno Retailleau, la relation France – Algérie sera-t-elle relancée ? L’interrogation est d’autant plus pertinente qu’immédiatement après le changement survenu à la tête du ministère français de l’Intérieur, le président français Emmanuel Macron a fait un geste à l’égard d’Alger pour la première fois depuis plusieurs mois.
A l’occasion de l’anniversaire des massacres du 17 octobre 1961 à Paris, le président français a chargé Stéphane Romatet, l’ambassadeur de France en Algérie rappelé depuis avril dernier, d’assister personnellement aux commémorations de “cet épisode sombre”, au bord de la Seine où des immigrés algériens ont été noyés il y a 64 ans.
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« Un geste pour dépasser la crise bilatérale »
Il s’agit d’un “geste pour dépasser la crise bilatérale”, a confirmé une source diplomatique à TSA. Le dernier geste mémoriel fait par le président français remonte à près d’une année, lorsqu’il a reconnu, le 1er novembre 2024, jour de la célébration du déclenchement de la révolution algérienne, la responsabilité de la France dans l’assassinat du héros national algérien Larbi Ben M’hidi.
Depuis avril dernier et l’échec du processus de rapprochement entamé avec la visite à Alger du chef de la diplomatie Jean-Noël Barrot, Emmanuel Macron a adopté une autre posture.
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Le 6 août, il s’est carrément aligné sur la ligne du “rapport de force” voulu par Bruno Retailleau en instruisant le gouvernement d’agir « avec plus de fermeté et de détermination » vis-à-vis de l’Algérie.
La succession des événements peut effectivement laisser entrevoir une certaine volonté de briser la glace entre les deux capitales. Le 12 octobre, Bruno Retailleau a quitté le ministère de l’Intérieur après 13 mois pendant lesquels il s’est posé comme le principal élément de blocage pour la reprise du contact entre Paris et Alger.
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Un homme sans antécédents anti-algériens
Son successeur, le préfet de police de Paris Laurent Nunez, un homme sans antécédents anti-algériens, a entamé son mandat par des propos apaisés, au moins sur la question de l’immigration.
Nunez a récusé le terme de ”submersion migratoire”, assurant qu’il est un “homme de concorde et de dialogue” et que le sujet, c’est “le respect des valeurs de la République” et rien d’autre.
Sur la question précise des clandestins Algériens, le nouveau ministre n’a rien brandi.
“Actuellement dans les centres de rétention administratifs, nous avons 40% d’Algériens que nous avons du mal à reconduire. C’est un sujet que je vais regarder de très près. C’est l’une de mes préoccupations les plus fortes”, a-t-il simplement dit sur BFMTV le lendemain de sa nomination.
Bruno Retailleau, lui, avait fait de l’Algérie et de son immigration une obsession. Pour sa première sortie médiatique en tant que ministre, il avait proposé au Maroc un dialogue sur la question des reconduites aux frontières et promis un bras de fer à l’Algérie sur le même sujet, alors que les deux pays maghrébins avaient quasiment les mêmes statistiques concernant l’exécution des OQTF.
Néanmoins, avec ou sans Bruno Retailleau au ministère de l’Intérieur, le courant extrémiste et anti-algérien est vent debout contre toute tentative de rapprochement avec l’Algérie.
La participation de l’ambassadeur Romatet aux commémorations du 17 octobre est très mal vue par le Rassemblement national (RN).
“Alors qu’Alger multiplie les provocations et qu’un rapport parlementaire estime à 2 milliards d’euros par an la prise en charge de migrants algériens, Emmanuel Macron continue de se mettre à genoux et d’humilier la France”, a fustigé sur X Jordan Bardella, pour qui “la repentance ne sert à rien”, appelant à “couper immédiatement le robinet de l’immigration et des aides au développement” et à “enfin engager le bras de fer”.
Le rapport auquel fait référence Bardella a été élaboré par deux députés macronistes et publié le 15 octobre. Il chiffre approximativement le coût de la prise en charge des immigrés algériens, par le fait de l’accord de 1968, à 2 milliards d’euros par an. Comme quoi, la rhétorique et les sujets fétiches de Bruno Retailleau, très porteurs en prévision de la présidentielle de 2027, sont toujours là.
Relation France – Algérie : que fera Emmanuel Macron ?
Il reste toutefois ce fait indéniable : Emmanuel Macron est débarrassé du verrou Retailleau et a maintenant à l’Intérieur un ministre technocrate et sans ambition politique ostentatoire, qui sans doute se contentera d’appliquer la politique du gouvernement sur les questions qui sont de son ressort.
En d’autres termes, Laurent Nunez a moins de raisons d’empiéter sur la politique étrangère, précisément sur la relation avec l’Algérie , et il cherchera d’abord à obtenir des résultats dans la lutte contre l’immigration clandestine.
Débarrassé de son ministre de l’Intérieur belliqueux, le président Macron a en des cartes en main pour débloquer la situation et engager un dialogue apaisé pour précipiter le règlement des questions en suspens les plus urgentes dont la lutte contre l’immigration clandestine et l’affaire Boualem Sansal dont la France espère toujours un geste d’humanité de la part de l’Algérie. Arrêté en novembre dernier à l’aéroport d’Alger, l’écrivain franco-algérien a été condamné en appel à cinq ans de prison ferme.
Pour rappel, l’Algérie avait signifié par la voix de son président qu’elle ne voulait pas de Bruno Retailleau comme interlocuteur. “Tout ce qui est Retailleau est douteux compte tenu de ses déclarations hostiles et incendiaires envers notre pays”, a déclaré Abdelmadjid Tebboune en février dernier dans un entretien au journal français L’Opinion.