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Franco-Algériens stigmatisés : un ministre français sonne l’alarme

Franco-Algériens stigmatisés : un ministre français sonne l’alarme

Par Oleksii / Adobe Stock

Mieux vaut tard que jamais  Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a mis en garde contre les conséquences pour la France de continuer à faire de l’Algérie un sujet de politique intérieure, au risque de « causer du tort » aux très nombreux français d’origine algérienne

En comptant tous ceux qui ont un lien direct avec l’Algérie, les immigrés algériens, les Français d’origine algérienne et les porteurs de la double nationalité, la communauté franco-algérienne est très importante en France.  

Depuis quelques années, elle est pointée du doigt et stigmatisée dans le débat public par une partie de la classe politique française, l’extrême-droite et la droite dure, qui ont fait de l’Algérie un tremplin pour leurs ambitions politiques et un sujet de politique intérieure, particulièrement depuis le déclenchement de la crise entre les deux pays l’été dernier.

Pour Jean-Noël Barrot, ce n’est pas ce qu’il y a de meilleur à faire. « Nous avons intérêt à ne pas faire de l’Algérie un sujet de politique intérieure », a-t-il déclaré lundi 5 mai sur RTL.  

« Lorsque nous le faisons, a poursuivi le chef de la diplomatie française, nous prenons le risque de causer du tort à nos compatriotes franco-algériens, et c’est lorsque la relation est à peu près équilibrée que l’on obtient des résultats. » 

Cette déclaration sonne comme un énième rappel à l’ordre à l’égard de son collègue de l’Intérieur Bruno Retailleau qui, depuis quelques mois, s’est emparé du dossier Algérie comme s’il s’agissait effectivement d’un sujet de politique intérieure. 

« Il faut que la discrimination cesse à chaque fois qu’il s’agit d’un Français d’origine algérienne »

De nombreuses voix se sont élevées pour mettre en garde contre la stigmatisation continue de l’Algérie et des Algériens. "Il faut que la discrimination cesse à chaque fois qu’il s’agit d’un Français d’origine algérienne, car aujourd’hui, être Algérien en France ou franco-algérien est en fait devenu problèmatique", a alerté le recteur de la Grande mosquée de Paris, Chems-Eddine Hafiz, cette semaine dans le journal Echorouk. 

Le recteur de la plus importante et plus ancienne institution musulmane de France a rappelé que « l’extrême-droite a mobilisé toutes ses capacités pour inciter à la haine et au ressentiment contre l’État algérien et l’Algérie en tant que pays, mais surtout contre la communauté algérienne en France, comme si elle était la source de tous les problèmes ». 

Poids de la diaspora algérienne en France : une prise de conscience tardive ? 

Abdelaziz Rahabi, diplomate et ancien ministre algérien, avait lui aussi exprimé en mars dernier sur TSA la crainte que « le débat interne en France sur l’immigration ait des répercussions sur les Algériens, en les faisant passer aux yeux de l’opinion française pour des délinquants ». 

Ceux qui croient tirer des dividendes de la stigmatisation des Algériens « ne réalisent pas que cette singularisation va paradoxalement nourrir, à court terme, le repli communautaire des Algériens, toutes catégories confondues, et qui ont des traditions historiques d’organisation et un lien très fort avec le pays d’origine », a souligné l’ancien ambassadeur d’Algérie au Mexique et en Espagne. 

Les Algériens de France ont en effet le triple poids du nombre, de l’attachement à leurs origines et de la réussite de beaucoup d’entre eux dans la société française. Il y a  parmi eux des ministres, de nombreux médecins, des juges, des avocats, des ingénieurs, a souligné Chems-Eddine Hafiz. 

Les dividendes électoralistes des attaques contre l’Algérie se limitent à l’électorat extrémiste. Bruno Retailleau est, par exemple, donné favori dans la course à la présidence des Républicains qui se tiendra dans une dizaine de jours, mais beaucoup d’observateurs estiment que pour un destin national, « l’électorat algérien » a son importance. 

Ce n’est pas un hasard si Alger était un passage obligé pour les candidats à la présidence de la République en France ces dernières décennies. Emmanuel Macron s’y est rendu en février 2017 et y a qualifié le colonialisme de « crime contre l’humanité ». Il se dit même que Nicolas Sarkozy n’a pas été réélu en 2012 contre François Hollande car il se serait aliéné les voix de beaucoup de franco-algériens.   

La dernière mise en garde de Jean-Noël Barrot à propos de l’Algérie et des franco-algériens peut être lue comme une prise de conscience, certes un peu tardive, du poids de l’une des plus fortes communautés d’origine étrangère en France, sinon la plus forte, et du tort qui lui ai injustement causé par les extrémistes.  

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