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Grande Mosquée de Paris : l’indéboulonnable Boubakeur

Grande Mosquée de Paris : l’indéboulonnable Boubakeur

Aux échecs, il y a des combinaisons stratégiques, et des pièces plus difficiles à déplacer que d’autres. À pousser la comparaison, Dalil Boubakeur serait ce roi solidement accroché à son trône de recteur de la Grande Mosquée de Paris, dont l’éviction serait tout, sauf une simple affaire.

Snobé par Macron

À en croire le journal français Libération, les autorités algériennes et françaises seraient de plus en plus pressées de le voir passer le flambeau. S’il faut déceler une preuve formelle témoignant la volonté de rompre avec le système Boubakeur, sa non-invitation à l’Élysée en janvier dernier pour les vœux qu’a adressé Emmanuel Macron aux autorités religieuses en est une.

À l’heure du grand chantier voulu par le chef de l’État autour de l’islam de France, le recteur de la Grande Mosquée se présente comme un clou dérangeant, privilégiant d’abord ses intérêts au sein de la bulle musulmane minée par les conflits d’intérêts. Il aurait fait en sorte de laisser dans l’ombre certaines structures émergentes afin de maintenir intact son pouvoir, selon le quotidien.

Mais à 78 ans, Dalil Boubakeur, qui a récemment claqué la porte du Conseil français du culte musulman (CFCM), ne se laissera pas dicter ses choix ni ne se résoudra contre son gré à quitter un poste qu’il occupe depuis 1992. Alors que de nouvelles rumeurs évoquant son éventuel départ ont enflé ces dernières semaines, la Grande Mosquée de Paris a tenu à éteindre tout embrasement dans un communiqué publié lundi 19 mars.

« Aux oiseaux de mauvais augure qui colportent avec véhémence toutes ces insanités mensongères, nous opposons le plus ferme démenti », écrit l’institution musulmane, qui a dénoncé vertement des attaques calomnieuses : « Aux rumeurs les plus alarmistes viennent s’ajouter une désinformation des plus immondes et une atteinte à la dignité de personnes dévouées et totalement investies dans le fonctionnement de la Mosquée ».

Boubakeur n’est certainement pas inamovible, mais les marches de manœuvres qu’ont ces opposants sont très limitées, même si l’État algérien délivre chaque année 1,6 million d’euros à la Grande Mosquée, selon Slimane Nadour, le directeur de la communication de l’institution, cité par Libération. Et même si Alger rémunère une centaine d’imams algériens envoyés dans les mosquées françaises.

Dans son communiqué, la Grande Mosquée s’est d’ailleurs félicitée du récent accueil de ce contingent, qui dirigera les prières durant le prochain mois du Ramadan : « La récente arrivée d’imams détachés venus d’Algérie et reçus à la Grande Mosquée de Paris avant leur affectation à travers toute la France s’est passée dans la sérénité la plus totale ».

Des hommes ralliés à sa cause

Dalil Boubakeur contrôle la Société des habous et des lieux saints. Et là est sa principale force. Car l’association, créée à Alger en 1921 et qui revendique la propriété de la Grande Mosquée de Paris, est chargée d’élire le recteur. « Boubakeur y a placé des hommes à lui », confie à Libération une source proche de l’institution religieuse, qui poursuit : « Il y a quelque temps, l’ancien ambassadeur d’Algérie en France l’avait quand même obligé à nommer quatre membres issus d’organisations musulmanes ».

En dépit du vent qui souffle contre lui et de sa détermination à ne pas plier, Dalil Boubakeur songerait tout de même à se retirer, même si voir se concrétiser un tel scénario est « prématuré » pour le communicant de la Grande Mosquée.

S’il faut partir, le recteur aimerait toutefois que la gouvernance reste aux mains de la famille. Parmi les candidats susceptibles de reprendre la succession circule le nom de Sami Boubakeur, qui n’est autre que le propre fils du recteur, actuellement employé à l’Office français de l’intégration et de l’immigration (OFII). Une éventualité qui est néanmoins balayée par un spécialiste des milieux musulmans français. Il explique à Libération que l’âge relativement jeune du fils Boubakeur (il a moins de 40 ans) et son manque de notoriété au sein des cercles musulmans jouent en sa défaveur.

En attendant de voir Dalil Boubakeur faire place nette, Paris et Alger devront encore composer avec lui. Selon le quotidien français, il souhaite profiter de la réorganisation de l’islam de France qui se dessine pour redevenir un maillon fort du circuit. Il peut compter, pour l’heure, sur le soutien des Musulmans de France (ex-UOIF).

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