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Hécatombe routière : tous responsables ?

Hécatombe routière : tous responsables ?

Dans un récent entretien à TSA, le directeur du Centre national de prévention et de sécurité routière (CNPSR) se félicitait presque qu’en 2019, il n’y en a eu « que » 3 275 morts sur les routes algériennes.

Certes, le chiffre, comparé aux hécatombes des années précédentes, s’apparente à une prouesse des autorités chargées d’éradiquer le fléau. En 2015 par exemple, plus de 4 600 Algériens avaient perdu la vie dans des accidents de la route.

La baisse est notable, mais demeure insuffisante. Pour rester dans la comparaison, l’Algérie enregistre à peu près le même nombre de décès sur les routes que la France qui compte près de 25 millions d’habitants de plus et un parc automobile nettement plus fourni (près de 40 millions de véhicules, contre à peine 6 millions en Algérie). L’Algérie peut et doit donc mieux faire.

Le satisfecit du directeur du CNPSR, qui faisait suite à la publication du bilan de l’année dernière, coïncidait aussi avec la recrudescence, depuis le début de l’année, des accidents impliquant des véhicules de transport en commun et la décision des plus hautes autorités du pays de se pencher sur la question.

Le 21 janvier, le président de la République a chargé son Premier ministre de tenir, « dans les plus brefs délais » un conseil interministériel consacré exclusivement à l’examen du fléau des accidents de la route. C’était au lendemain d’une collision entre deux bus du côté d’El Oued qui a coûté la vie à 13 passagers. Ce lundi 3 février, Abdelmadjid Tebboune est revenu à la charge à l’occasion d’un conseil des ministres, exhortant le gouvernement à prendre des mesures supplémentaires comme le recours aux « moyens modernes de contrôle à distance de la vitesse », « la double dissuasion », « le durcissement des mesures rigoureuses à l’encontre de tout comportement criminel dans la conduite », « la mise en place de l’éclairage public, « l’inspection régulière de la signalisation », « l’implication des imams dans la sensibilisation »…

Ces mesures seront-elles de quelque utilité, sachant que, de l’avis du ministre de l’Intérieur lors du même conseil, « toutes les mesures préventives et dissuasives prises pour juguler ce phénomène ont montré leurs limites, d’où l’impératif de changements radicaux » ? En tout cas, le ministre ne croyait pas si bien dire puisque dès le lendemain de son intervention, un autre carnage routier impliquant un bus de transport de voyageurs est signalé du côté de Souk Ahras. Bilan : 7 morts, 20 blessés. Les drames sont quotidiens mais les châtiments exemplaires ne tombent presque jamais.

Le facteur humain, ce n’est pas que le conducteur

Si les autorités algériennes ont échoué à ramener le nombre de victimes sur les routes à un niveau acceptable proportionnellement à la taille du parc automobile national, ce n’est pas faute d’avoir essayé, mais peut-être de ne pas avoir ciblé les véritables causes du fléau.

Sur les routes, les barrages de police et de gendarmerie sont omniprésents mais les infractions qui peuvent être constatées à un barrage de contrôle ne sont pas souvent celles qui représentent le plus grand danger. Il va de soi que tous les criminels de la route, ceux qui zigzaguent entre les véhicules à une vitesse vertigineuse, les conducteurs de bus et de poids lourds qui roulent à tombeau ouvert, ceux qui font des dépassements en plein virage ou sommet de côte, deviennent des anges à l’approche des points de contrôle, de surcroît fixes pour la plupart.

Les mesures répressives appliquées ont aussi montré leurs limites, notamment celle qui est censés être la plus dissuasive : le retrait de permis, que beaucoup récupèrent sur intervention avant même de passer en commission.

Il est peut-être temps de réfléchir à un nouveau barème de sanctions incluant de très fortes amendes (comme cela se fait dans de nombreux pays) et un système permettant leur signalement aux services des impôts dans les minutes qui suivent la constatation de l’infraction.

Il est aussi temps de comprendre que le facteur humain, mis en cause dans 90% des accidents, ce n’est pas seulement le conducteur. Le facteur humain est en fait responsable de tous les accidents. C’est aussi l’ingénieur qui conçoit mal une autoroute, l’entrepreneur qui triche sur les matériaux de revêtement, l’ingénieur qui fait un contrôle technique de complaisance, le responsable qui laisse des routes sans signalisation ou passages cloutés, le ministre qui autorise l’importation de véhicules non conformes, le propriétaire de bus qui laisse un conducteur faire seul un trajet de 1000 kilomètres, le gendarme qui laisse faire.

Les mesures dissuasives promises risquent de s’avérer elles aussi insuffisantes si elles se limitent aux seuls contrevenants au code de la route. Le durcissement de la législation doit concerner toutes les responsabilités.

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