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Idir, l’astre qui scintille plus fort que les autres

Idir, l’astre qui scintille plus fort que les autres

Signifiant littéralement « qu’il vive ! », Idir est un prénom que les Kabyles, par impuissance, donnaient aux enfants dans l’espoir qu’ils puissent être épargnés par ces nombreuses maladies auxquelles, à une certaine époque, seuls les plus robustes des nouveaux nés résistaient.

Un jeune d’Ath Yanni, Hamid Cheriet, choisit précisément ce prénom fétiche pour lancer sa carrière artistique, au début des années 1970. Il y a du vrai dans la superstition : près de cinquante ans plus tard, l’homme meurt, l’artiste continuera à vivre, avec son œuvre immense et inégalée.

Les grands destins tiennent parfois à peu de choses. Pour Idir, à un détour par le siège de Radio Alger en 1973 où on lui demande une improvisation improbable : remplacer la chanteuse Nouara, qui était déjà une diva.

Le jeune Hamid, 24 ans (il est né en 1949), relève le défi et subjugue les auditeurs par sa chanson Vava Inouva. Le succès est immédiat, instantané.

Alors qu’il se trouvait sous les drapeaux, la radio continuait à diffuser son chef-d’œuvre. Témoignage de Lounis Aït Menguellet, sur BRTV. « Je sortais de l’armée. J’ai rencontré mon ami Hamid Cheriet et dans notre discussion, je lui avouais mon admiration pour ce nouveau chanteur qui s’appelle Idir. Je ne savais pas que c’était lui ».

La légende dit que même la mère du chanteur ne savait pas que cette belle voix qu’elle a entendue à la radio, à l’époque unique média diffusant des contenus en Kabyle, était celle de son fils.

En 1975, le jeune homme fait définitivement le choix entre son diplôme de géologie et sa guitare. Direction Paris. Son premier album connait un succès inespéré parmi la communauté kabyle.

La même année il remplit l’Olympia, la salle mythique parisienne. Un exploit pour un chanteur débutant. Grâce à Idir et Vava Inouva, la culture kabyle entre de plain-pied dans l’universalité.

Le tube, tiré d’un vieux conte où il est question de méchant ogre, de fillette et de neige, sera diffusé dans 77 pays et traduit en 15 langues.

Pendant toute sa carrière, Idir fera, comme les fameux orfèvres d’Ath Yanni, un travail de ciseleur. Il se distingue de tous les chanteurs kabyles de sa génération par une production peu abondante.

Sept albums en 45 ans de carrière au moment où la « norme » était d’en sortir un chaque été. Il se distingue aussi par sa façon de travailler. Chaque tâche est confiée à un professionnel. Son parolier par exemple est le grand poète Benmohamed. Le résultat est que chaque album est un succès, presque chaque chanson un tube.

Idir chantera tout. D’abord la culture et l’identité ancestrales, la liberté, l’émigration (puis plus tard l’immigration), l’intégration, l’enfance. Mais jamais l’amour.

Il travaille et chante avec les grands de la chanson française. Charles Aznavour, Maxime Leforestier, Jean-Jacques Goldman, et beaucoup d’autres. Sa thématique est de plus en plus portée sur les questions de l’immigration et de l’intégration en France, le racisme (albums France des couleurs, Identités, Ici et ailleurs..) mais il est resté attaché à la Kabylie et à l’Algérie, dont il suivait l’actualité et la commentait volontiers.

Pendant tout son exil, il se rendait régulièrement au pays, mais il n’y a jamais chanté depuis le grand départ, en 1975. En 2018, il décide enfin de le faire. Pèlerinage d’adieu, prémonition du chanteur qui se savait atteint d’une fibrose pulmonaire ?

Idir sera à Alger en janvier 2018 où il remplit deux jours de suite la Coupole olympique. En avril 2019, il commentait dans le Journal du Dimanche l’actualité bouillonnante de son pays. « L’État de droit est plus lent à atteindre mais il offre la possibilité à celles et ceux qui en disposent de mieux pratiquer la démocratie. De toute façon, nous sommes condamnés à réussir. Continuons donc à réfléchir en termes de nation algérienne vers le progrès. Si nous restons unis, rien ni personne ne pourra nous défaire. Mon cousin et ami Cherfi Amar m’a appris ce beau proverbe mexicain : Ils veulent nous enterrer, mais ils oublient que nous sommes des graines », disait Idir du hirak de la jeunesse algérienne.

Une année plus tard, il s’en va, à 70 ans. Dans un de ses textes-hommage, il disait : « Si vous voyez dans le ciel une étoile plus scintillante que les autres, sachez que c’est Lui qui vous dédie un poème ».

Idir, le chanteur, le poète, l’artiste n’est pas mort, son œuvre est éternelle. La vraie place d’une étoile, c’est le ciel. Idir et Vava Inouva continueront à briller et à éblouir. Pour l’éternité.

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