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« Il faut avoir le salaire d’un député pour vivre décemment en Algérie »

« Il faut avoir le salaire d’un député pour vivre décemment en Algérie »

À peine l’année amorcée, voilà que les premiers signes d’une crise économique sans précèdent se font ressentir en Algérie. Viandes, légumes, fruits de saison, légumineuses… affichent une nette augmentation.

Alors que les commerçants se frottent les mains, les consommateurs algériens ne savent plus à quel saint se vouer. Si les raisons de cette spéculation sont nombreuses, le dindon de la farce est quant à lui tout trouvé : c’est le client !

D’aucuns l’auraient remarqué. Les prix de tous les produits de large consommation ont pris leur envol ces derniers jours. Depuis début janvier, la mercuriale s’est affolée, provoquant le désespoir chez les consommateurs dont le pouvoir d’achat n’a jamais été aussi malmené.

Alimentation générale, viandes, légumineuses, fruits et légumes de saison… Rien n’échappe à cette flambée sans précédent. Dévaluation du dinar qui a plongé sur le marché interbancaire perdant près de 20 % de sa valeur en une année par rapport à l’euro, météo pluvieuse, spéculation des commerçants, approche de la fête de Yennayer… A chacun son interprétation.

Une chose est sûre : les ménages ont de plus en plus de mal à mettre un bout de viande ou même des légumes dans leur assiette, tellement la vie est chère. Même les fruits de saison, comme les oranges ou les mandarines, sont inaccessibles aux bourses modestes.

Vendues jusqu’à 250 DA le kilo au centre-ville, elles détrônent les bananes qui viennent du bout du monde et s’affichent autour de 200 DA.

Une mercuriale déjantée

En ce début de janvier, les visages s’allongent et les fronts se plissent. Dans les marchés d’Alger, la morosité est palpable côté clients. Les prix semblent être devenus complétement fous.

Sur les étals du marché Ferhat Boussaad (Ex-Meissonnier), dans le centre-ville d’Alger, très peu de commerçants osent afficher les prix de leur marchandise sur les ardoises, comme l’exige la réglementation.

Il faut alors demander « Ch’hel badenjel » ? (c’est combien les aubergines), « Ch’hel el karnoune » (c’est combien les artichauts ?), « Ch’hel ch’lata » (c’est combien la salade ?)  

Les prix annoncés font détaler les clients à la quatrième vitesse. Petits pois et courgettes : 200 DA, haricots verts : 380 da, poivrons : 140 DA, pommes de terre : 55 DA, fenouil : 100 DA, aubergine : 100 DA, artichaut : 140 DA, tomates : 80 DA, oignon : 80 DA, laitue : 170 DA, chou-fleur : 120 DA, navet : 150 DA.

La saison des agrumes bat son plein et pourtant, oranges, mandarines et pamplemousse se vendent entre 150 et 300 DA. La fraise, qui n’est pas un fruit de saison, est proposée à 650 DA la barquette.

Quant aux fruits d’importation, leur présence sur les étals frise l’indécence : 1400 DA le kilo de kiwi,  500 DA la pomme Pink Lady, avocat : 1700 DA…

« Il faut avoir le salaire d’un député pour vivre décemment en Algérie », s’emporte un quinquagénaire. « Je parle des fruits et légumes de saison que les modestes bourses ne peuvent plus se permettre actuellement ! Où va-t-on avec ces prix ? De la courgette et des petits pois à 200 DA ? Avec mon diabète, je ne peux même pas respecter mon régime en m’achetant des légumes ! »

La météo a bon dos !

Nous avons voulu savoir la raison de cette flambée soudaine des fruits et légumes de saison. Explication d’un des commerçants. « À cause des récentes pluies et neiges, les fellahs n’ont pas pu procéder à la récolte des fruits et légumes dans les exploitations agricoles. Il y a donc moins de marchandises et les propriétaires en ont profité pour augmenter leurs prix dans les marchés de gros ! Et bien entendu, c’est le client qui trinque en bout de chaine », affirme l’un d’eux.

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D’autres pointent du doigt l’approche de la fête de Yennayer, le nouvel an berbère, célébré chaque année le 12 janvier. « Chaque année c’est la même rengaine », nous lance un vendeur. « Les navets et courgettes indispensables à la préparation des traditionnelles ‘rechta’ et ‘cherchoukha’, sont majorés. Les viandes blanches, reines de ces repas festifs, n’échappent pas à la spéculation ».

Viandes, ça flambe !

Un petit tour du côté des présentoirs de viande, et le verdict est le même. Ça flambe ! Poulet : 310 DA le kilo, 130 DA la cuisse de poulet, escalope de dinde : 700 DA, côtelettes d’agneau : 1600 DA, rumsteck : 1400 DA, entrecôtes: 2000 DA, steak de bœuf : 1600 DA, filet : 3500 DA…  Les œufs ont eux aussi pris leur envol : entre 13 et 15 da pièce.

Du jamais vue !

En hiver, rien de tel qu’une soupe de lentilles ou de haricots secs pour se réchauffer le corps. Autrefois, ces plats étaient bon marché. Mais cette époque est révolue à jamais. Les prix de ces légumineuses ont pris l’ascenseur : lentilles (corail) : 200 DA, lentilles noires : 180 DA, haricots secs : 270 DA, pois-cassés : 200 DA… « Du jamais vue ! », se plaint une dame qui se fait servir une livre d’haricots blancs. « Je suis retraitée de l’éducation nationale », précise-t-elle. « Je dois dépenser 2000 DA pour un repas sans viande, chaque jour. C’est intenable ! La classe moyenne devient pauvre. C’est mon constat ! »

Même les cacahuètes prisées par les consommateurs, à cette période de l’année, ont vu leurs prix passer de 350 DA à 420 DA en quelques jours seulement. « La faute à l’arrêt des importation pour cause de fermeture des frontières », argue un commerçant.

Dans les superettes et magasins d’alimentation générale, la tendance haussière des produits de base se confirme. Pâtes, couscous, semoule, farine… Des augmentations de 20 à 50 % sont constatées.

« Je viens d’acheter un paquet de spaghettis à 120 DA au lieu de 50 DA, il y a  à peine quelques semaines », nous dit une cliente rencontrée dans l’un de ces commerces. « Avant, j’avais l’habitude d’acheter 5 à 6 paquets pour en avoir toujours sous la main. C’est un budget que je ne peux plus me permettre aujourd’hui, alors j’achète par petite quantité. »

Précieux métal jaune 

Autre lieu, autre domaine, même constat. Les augmentations n’ont pas touché uniquement les produits de large consommation et autres fruits et légumes.

Le cours de l’or est lui aussi monté en flèche ces derniers mois. Confirmation de Kenza Hammar, qui tient la bijouterie Hammar (rue Ben M’hidi) dans le centre d’Alger.

« En fait, le prix de l’or suit celui de l’euro », nous explique-t-elle. « Les bijoux que vous voyez en vitrine sont importés d’Italie pour la plupart. Les prix de l’or ont augmenté. Aujourd’hui, le gramme est passé de 8000 DA à 13 000 DA.  Résultat : nos bijoux sont plus chers et la clientèle a considérablement baissé. Les futurs maris qui offraient des parures à 300 000 DA et plus se contentent d’un bracelet ou d’une paire de boucles d’oreilles pour leur promises. Même pour la traditionnelle ‘’mhiba’’ (cadeau pour la fiancée) n’est plus d’actualité. Au lieu du traditionnel bijou en or, les familles offrent désormais un coupon de tissu ou un parfum », regrette-t-elle.

Tout au long de la rue Larbi Ben M’hidi, le business de l’or cassé est en plein essor. Des jeunes n’hésitent pas à vous aborder avec la sempiternelle question « Kech cassé ? » (De l’or cassé à vendre ?). Ces bijoutiers ambulants sont à la recherche du précieux métal jaune. « Vous allez faire une bonne affaire madame ! Je rachète l’or local à 7500 DA le gramme et à 8000 DA s’il  provient d’Italie », insiste l’un d’entre eux.

Dévaluation du dinar, flambée des prix, cherté de la vie… La nouvelle année qui commence à peine n’augure rien de bon pour le portefeuille des Algériens. Les ménages l’ont compris. Ils vont devoir encore serrer la ceinture, rogner et se priver de beaucoup de choses, en attendant des jours meilleurs.

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