Il y a une année éclatait en France le scandale de l’ingérence d’États étrangers via des réseaux de corruption, ayant notamment conduit à l’inculpation du journaliste franco-marocain de BFMTV, Rachid M’barki.
Révélée par Le Monde, France Info et Forbidden Stories, l’affaire a été prise en main par la justice. En une année, le Parquet national financier français a démêlé les rouages des réseaux de corruption mis en place pour manipuler l’opinion et influencer la politique française.
Alors que les investigations se poursuivent, Le Monde et France Info reviennent ce jeudi 15 février sur les développements de cette affaire et les éléments que la justice et la police françaises ont pu élucider.
En décembre 2023, le journaliste franco-marocain Rachid M’Barki a été mis en examen pour abus de confiance et corruption passive. Après avoir tout nié devant une commission d’enquête parlementaire, le journaliste d’origine marocaine a fini par avouer devant les policiers avoir été rémunéré pour un total de 8.000 euros.
Rachid M’barki a été sollicité par le lobbyiste Jean-Pierre Duthion afin de passer des sujets à l’antenne pour le compte de pays étrangers, selon l’enquête.
Parmi les sujets pointés du doigt par la direction de BFMTV dans l’enquête interne qui avait conduit au licenciement du journaliste en février 2023, des reportages sur le Sahara occidental reprenant la rhétorique et les thèses marocaines sur le dossier.
L’enquête judiciaire s’est ensuite intéressée au rôle de l’homme qui le payait directement.
Jean-Pierre Duthion est lui aussi mis en examen pour corruption. Selon les informations du Monde, une partie de l’argent qu’il distribuait, Duthion le recevait d’un autre lobbyiste qatari du nom de Nabil Ennasri, lui aussi inculpé. Il aurait rémunéré le lobbyiste français pour 7.500 euros par mois pendant au moins un an.
L’enquête a pu en outre mettre en lumière l’implication d’un homme politique, le député écologiste Hubert Julien-Laferrière, présenté comme étant l’un des hommes clés du dossier.
Ingérences du Maroc en France : Rachid M’barki n’est pas seul
Selon Le Monde, le lobbyiste Jean-Pierre Duthion se vantait en privé d’avoir « la mainmise » sur l’élu. Celui-ci aurait reçu, pendant près d’un an également, au moins 5.000 euros par mois, des fonds en provenance d’une ambassade du Qatar et du Comité national qatari des droits de l’homme. Les intermédiaires sont Nabil Ennasri et Jean-Pierre Duthion, précise-t-on.
Outre l’influence des médias et des hommes politiques, l’affaire porte aussi sur la manipulation des réseaux sociaux à travers de faux comptes.
Les frères Sellem, Jonathan et Samuel, sont des communicants franco-israéliens spécialisés dans l’influence. Ils sont notamment soupçonnés d’avoir mené avec Jean-Pierre Duthion et la boîte de désinformation israélienne Team Jorge, des campagnes pour le compte de responsables africains et d’oligarques russes.
Jean-Pierre Duthion a reconnu en garde à vue qu’il a travaillé avec un client franco-israélien dans le cadre de certaines de ses campagnes impliquant Rachid M’Barki, sans mentionner les frères Sellem.
Rachid M’barki n’est pas l’unique Marocain soupçonné d’être impliqué dans cette affaire. Devant les enquêteurs, Duthion a aussi impliqué la lobbyiste marocaine Rania Eddaqqaq.
Dans le cadre de ses activités, le lobbyiste a aussi entretenu des relations avec la société Digital Big Brother (DBB), impliquée à travers une de ses filiales dans l’affaire des faux comptes qui ciblaient les détracteurs du Paris-Saint-Germain.
Mais « l’acteur central » de cette affaire reste la société israélienne Team Jorge.
Après la divulgation de l’affaire, environ « 2 000 comptes X et plusieurs centaines de comptes Facebook » ont été supprimés, mais certains ont échappé à la suppression et d’autres ont été recréés, écrit Le Monde qui assure recenser « plus d’un millier de comptes X attribués à Team Jorge ».
En octobre dernier, la plateforme qatarie EEKAD avait révélé l’existence de 22.000 faux comptes marocains sur X, destinés à faire croire que la population marocaine soutient la normalisation avec Israël.