
Il passe désormais pour être le souffre-douleur du Maroc : depuis qu’il multiplie, avec constance, des sorties médiatiques en plaidant pour un référendum d’autodétermination au Sahara occidental, l’ancien conseiller à la sécurité nationale des Etats-Unis, John Bolton, est devenu une véritable bête noire à Rabat.
Dans la presse marocaine, on s’épuise à longueur de colonnes à minimiser la portée de ses propos et son influence au sein de l’establishment américain.
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Ses prises de position répétées contre la reconnaissance par les États-Unis de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental — d’abord dans The Washington Times en mai dernier, puis dimanche dernier dans un entretien accordé au quotidien espagnol El Independiente — semblent fortement agacer les autorités marocaines.
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John Bolton, l’homme qui fait enrager le palais royal marocain
Certains articles vont jusqu’à accuser, sans détour, l’Algérie d’être à l’origine de cette «croisade » menée par l’ex-ambassadeur américain à l’ONU, sous la présidence de George W. Bush.
« Le régime algérien s’en remet une nouvelle fois à John Bolton (…) connu autant pour ses échecs diplomatiques que pour son ressentiment personnel à l’égard du Maroc », écrit, sur un ton acerbe, le site marocain Hespress.
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Il faut dire que les déclarations de Bolton heurtent frontalement la ligne diplomatique de Rabat. Non seulement elles ravivent la question du référendum sous l’égide de l’ONU, mais elles ébranlent également les certitudes du royaume, qui pensait avoir clos le dossier depuis que Donald Trump a reconnu, en 2020, la « marocanité » du Sahara occidental en échange de la normalisation des relations entre le Maroc et Israël.
Dans cette nouvelle interview, John Bolton réitère avec force son opposition à la décision de Trump, qualifiant cette reconnaissance d’« inutile ». Selon lui, le Maroc aurait signé les accords d’Abraham avec Israël même sans cette concession territoriale.
Il va même plus loin, affirmant que Trump pourrait revenir sur cette position s’il y voyait un intérêt diplomatique ou personnel.
John Bolton, la voix qui dérange le Maroc à Washington
Fervent défenseur du plan de règlement sous l’égide de l’ONU de 1991, Bolton appelle à l’organisation d’un référendum d’autodétermination, dénonçant les manœuvres marocaines ayant, selon lui, bloqué ce processus depuis 25 ans.
Il réfute par ailleurs les accusations marocaines de radicalisation ou de liens entre le Front Polisario et l’Iran, qualifiant ces allégations de « mensongères » et de « propagande ».
En apparence, les autorités marocaines, à travers leurs relais médiatiques, tentent de dépeindre Bolton comme un ancien haut fonctionnaire marginalisé, sans réelle influence sur la politique étrangère américaine.
Mais en coulisses, le royaume semble moins serein, comme en témoignent les accusations fantaisistes dirigées contre l’Algérie. Aux États-Unis, la diplomatie parallèle, menée à travers think tanks, consultants et anciens officiels, reste un vecteur important d’influence dans les orientations stratégiques.
Contrairement au narratif de Rabat, John Bolton demeure une figure influente dans les cercles néoconservateurs américains. Conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump entre 2018 et 2019, ambassadeur à l’ONU sous George W. Bush, il est proche de nombreux think tanks et lobbies influents.
Son plaidoyer en faveur du référendum pour résoudre le conflit au Sahara occidental, bien que tranchant avec la décision politique de 2020, devrait sans doute trouver un écho dans certains milieux qui persistent à croire à une « solution juste » à la question sahraouie conformément aux résolutions de l’ONU.
Et s’il est bien entendu que Bolton ne détient plus de fonctions officielles, ses interventions perturbent toutefois la stratégie diplomatique de Rabat, qui espérait avoir définitivement verrouillé le soutien de Washington sur le dossier sahraoui. Cette voix critique rappelle si besoin est que rien n’est jamais totalement acquis.
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