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La Chine en Algérie : le commerce en attendant les investisseurs

La Chine en Algérie : le commerce en attendant les investisseurs

La Chine est l’invité d’honneur, avec quelque 56 opérateurs économiques exposants, de la 51e édition de la Foire internationale d’Alger (FIA) au Palais des expositions (Alger) qui s’est ouverte mardi 8 mai.

L’ambassadeur de Chine en Algérie, Yang Guangyu, a salué récemment à Alger des relations entre la Chine et l’Algérie, qui « repose sur la fierté, la confiance réciproque et la détermination ». M. Guangyu a rappelé l’« excellence des liens » entre les deux pays et le diplomate chinois a mis en exergue la volonté des deux chefs d’État, Abdelaziz Bouteflika et Xi Jinping, exprimée officiellement en 2014, de porter les relations bilatérales au niveau de « partenariat global ».

Une relation économique fortement déséquilibrée

L’« excellence » des relations entre la Chine et l’Algérie est en effet d’abord une réalité politique. Le gouvernement algérien, à l’image de nombreux pays africains, semble apprécier particulièrement le fait que les autorités chinoises ne tentent pas d’imposer leur façon de voir le monde, l’économie ou la gestion des affaires de leurs partenaires. C’est sans doute une des raisons essentielles du succès et de la popularité des entreprises chinoises dans notre pays.

La seule problématique qui semble intéresser les dirigeants chinois est d’ordre économique et leur stratégie de coopération parait avoir pour seul objectif de sauvegarder pour leurs entreprises un accès privilégié aux marchés – et éventuellement aux ressources – du pays partenaire.

À vrai dire, les relations économiques entre l’Algérie et la Chine sont en effet « excellentes », mais excellentes surtout pour le partenaire chinois en raison d’abord d’un très fort déséquilibre commercial.

Depuis 2013, la chine est devenue le premier fournisseur de l’Algérie. En 2016 et en 2017, elle a renforcé cette position avec une part de marché de près de 18% et plus de 8 milliards d’exportations annuelles, selon les chiffres officiels des Douanes algériennes. Un responsable de la Chambre algérienne de commerce et d’industrie note toutefois : « La Chine exporte beaucoup en Algérie, mais en revanche, elle ne nous achète rien ou quasiment rien. Elle est loin d’être le premier investisseur malgré la présence de très nombreuses entreprises chinoises en Algérie ».

Mais dans la période la plus récente, cette solidité de la performance commerciale chinoise dans notre pays semble cependant être mise à l’épreuve. Au cours des premiers mois de l’année 2018, la part de marché chinoise s’est en effet sensiblement réduite et ne représente plus que 15% de nos approvisionnements extérieurs. Selon des sources concordantes, il s’agit même d’un des arguments avancés par les autorités algériennes dans les négociations en cours avec l’Union européenne.

Les explications de ce recul récent pourraient venir des mesures de suspensions d’importation adoptées par les autorités algériennes depuis le début de l’année qui, en ciblant les produits finis, auraient pénalisé particulièrement les produits chinois. Une autre explication évoque les mesures adoptées par la Banque d’Algérie en matière de domiciliation des importations qui auraient rendu plus compliquée la pratique courante des surfacturations des marchandises importées.

Des dizaines de milliards de dollars de contrats publics

La Chine ne fait pas seulement de bonnes affaires commerciales avec l’Algérie. Les entreprises chinoises sont également depuis plus d’une décennie les premières bénéficiaires des gigantesques programmes d’investissements publics lancés par le gouvernement algérien. Depuis les autoroutes et les aéroports jusqu’aux programmes de logements publics en passant par le chantier de la grande Mosquée, les entreprises chinoises ont quasiment tout raflé en ne laissant que des « miettes » aux concurrents .

Le « China Global Investment Tracker », un site d’intelligence économique mis en place par l’American Enterprise Institute et la très conservatrice « Heritage Foundation », pour mesurer – on s’en doute sans aucune bienveillance – la présence chinoise dans le monde estimait récemment que, de janvier 2005 à juin 2016, la Chine a obtenu 29 contrats en Algérie pour une valeur totale de 22,22 milliards de dollars. Ces contrats obtenus en moins d’une décennie ont fait de l’Algérie le deuxième marché le plus important pour la Chine dans la zone Mena.

On doit relever que ces contrats qui se chiffrent sur la décennie écoulée à plusieurs dizaines de milliards de dollars ne constituent bien sûr pas des « investissements » réalisés par les entreprises chinoises qui déménagent leur bases de vie et rapatrient la main d’œuvre dès que le chantier est terminé. Ajoutons que ces contrats qui ont eu la faveur des autorités algériennes depuis plus de 10 ans ont en outre la particularité d’utiliser le plus souvent une main d’œuvre exclusivement chinoise, ce qui renseigne sur le « transfert de savoir-faire » qui s’effectue à l’occasion de leur réalisation.

La relation restait jusqu’à une date récente tellement à sens unique, qu’en forme de remerciements, le partenaire chinois n’a pas hésité à faire des présents spectaculaires au pays d’accueil. C’est ainsi que l’Algérie a bénéficié de la réalisation « à titre gracieux » de la salle d’Opéra d’Ouled Fayet.

En attendant les investisseurs chinois

Les autorités algériennes qui ont pris conscience tardivement du caractère déséquilibré de la relation avec le partenaire chinois ont commencé à le lui faire savoir au cours des toutes dernières années. « Il faut aller au-delà du simple commerce », a plaidé récemment Ali Haddad, estimant que l’Algérie doit constituer « un tremplin stratégique et dynamique pour aller vers l’Afrique ».

Le climat dans ce domaine semble changer progressivement notamment depuis le voyage effectué par Abdelmalek Sellal en Chine au printemps 2016. Dans le prolongement de cette visite et des préoccupations exprimées par les autorités algériennes un accord relatif à la coopération entre l’Algérie et la Chine avait été signé en 2016 à Alger et ratifié en août 2017 par un décret présidentiel.

C’est sans doute dans le sillage de ces nouvelles orientations que l’ambassadeur de Chine en Algérie, Yang Guangyu mentionnait voici quelques jours le décollage de l’implication des opérateurs chinois dans le secteur des hydrocarbures avec « des investissement qui s’élèvent à 2,6 milliards de dollars essentiellement dans les domaines pétrolier et gazier » en estimant que le climat d’affaires demeure « favorable » pour rehausser, encore plus, le partenariat économique bilatéral.

Il déclarait également que les deux pays auront encore des projets « extrêmement importants dans la période et les années à venir » précisant que des « discussions sont en cours ».

Le diplomate chinois faisait sans doute allusion aux cinq projets industriels et d’infrastructure portuaire qui ont été retenus « pour discussion » par un groupe de travail algéro-chinois installé au début de cette année à Alger .

Ces projets qui devraient être réalisés en partenariat entre des entreprises publiques algériennes et des sociétés chinoises concernent les filières des véhicules utilitaires, de l’industrie électronique, des mines et d’infrastructure de transport maritime.

Il s’agit, dans le détail, d’un projet algéro-chinois de production et de commercialisation de camions petit tonnage inférieur à six tonnes avec une intégration progressive avec la Société nationale des véhicules industriels de Rouiba (SNVI). Le deuxième porte sur la fabrication de Terminaux de paiement électronique (TPE) par l’Entreprise nationale des industries électroniques (ENIE) de Sidi Bel-Abbes (filiale du groupe industriel Elec-El Djazair) en partenariat avec le chinois ZTE Corporation. Un troisième projet vise à développer et à exploiter des gisements de marbre et de granit avec le groupe industriel public Manadjim El Djazair (MANAL), alors que le quatrième concerne l’exploitation et le développement des gisements de phosphate de l’Est algérien. Le dernier enfin est plus connu et concerne la réalisation du nouveau port du Centre d’El Hamdania (Cherchell).

Cette première vague de projets ne serait qu’une étape et une vingtaine de partenariats seraient encore dans les cartons d’un Comité mis en place cette année pour coordonner la coopération entre les deux pays. Beaucoup de bonnes intentions donc…

Mais notons quand même que les chinois savent ce qu’ils font et gardent les pieds sur terre. Les financements des Fonds d’investissement chinois qui gèrent une partie des immenses réserves de change du pays sont conditionnés par l’attribution des marchés aux entreprises chinoises et aux services et fournitures de biens chinois pour les besoins des projets.

Sans stratégie de partenariat du côté algérien, le recours à ce type de financement fait donc augmenter les importations et accroît notre dépendance technique et financière si ces projets ne sont pas mis à profit pour capitaliser le savoir-faire.

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