Le Fonds fiduciaire d’urgence de l’UE pour l’Afrique (FFU), lancé fin 2015 pour endiguer l’afflux de migrants en Europe, met en danger l’objectif à long terme de lutte contre la pauvreté sur le continent, a dénoncé lundi l’ONG française Action santé mondiale (ASM).
Pour lutter contre les « causes profondes de la migration irrégulière », l’UE avait créé en décembre 2015 ce fonds d’aide d’urgence à l’Afrique, le dotant d’un budget initial de 1,8 milliard d’euros.
Après avoir enquêté au Sénégal et au Niger, ASM écrit dans un rapport que cet instrument a surtout été « conçu pour répondre à l’urgence politique en Europe, plutôt qu’aux impératifs de développement dans les pays partenaires ».
« L’approche sous-jacente du FFU », conçue par les 28 après l’arrivée sans précédent de réfugiés chassés par les conflits en Syrie, en Irak ou en Libye, est « inefficace d’un point de vue politique et de développement », juge l’organisation non gouvernementale basée à Paris.
« Le risque important est que l’aide publique au développement cesse d’être considérée en premier lieu comme un instrument de lutte contre la pauvreté et que l’aide européenne continue d’être utilisée pour faire pression sur les pays partenaires en devenant une incitation à coopérer en matière de migration, en échange de quoi ils recevraient des fonds complémentaires, comme c’est le déjà le cas en Libye ».
Selon des experts au Sénégal et au Niger cités par l’ONG, la « priorité » était de « communiquer sur une réponse européenne rapide », alors que le versement effectif des financements a parfois pris plus d’un an et demi.
« Ce ne sont plus les besoins d’un pays qui déterminent l’attribution de l’aide mais les mouvements migratoires », critique également ASM, selon qui « les régions d’origine ou de transit des migrants » sont devenues prioritaires, au « détriment du développement à long terme ».
Les projets financés par l’UE, en limitant les déplacements transfrontaliers entre pays voisins, notamment pour le travail saisonnier, ou en empêchant les transferts d’argent, perturbent les économies locales, fragilisant encore plus des populations déjà précarisées, selon ASM.
Alors que les ministres des 28 chargés du développement tiennent une réunion informelle lundi à Tallin, ASM demande à l’UE de « dissocier les politiques sur la migration des politiques de développement ».