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« La précarité gagne du terrain, les donateurs se font rares »

« La précarité gagne du terrain, les donateurs se font rares »

Ahcène Menad est à la tête de l’association Al Baraka de soutien aux personnes handicapées à Tizi-Ouzou. Depuis le début de la crise sanitaire liée au Covid-19, il témoigne que d’autres couches sociales s’ajoutent à la longue liste des personnes nécessiteuses qui frappent à la porte de l’association. En face, les dons s’amenuisent et les donateurs traditionnels s’excusent de ne pouvoir apporter leur contribution à cause des difficultés financières.

Le Ramadan arrive bientôt, comment vous préparez-vous pour cette occasion ?

Pour le mois de ramadan, on prépare des couffins pour les familles démunies et beaucoup plus les familles des handicapés.

Nous préparons également des repas que nous acheminons aux domiciles des familles. Cela grâce aux dons des uns et des autres, chacun selon ses moyens. Souvent, les familles habitent des régions enclavées et c’est à nous de nous y rendre.

Bien que bénéficiant d’une allocation de 10.000 DA par mois, mais qui peut vivre avec seulement 10 000 DA ? Aujourd’hui, un handicapé de moins de 18 ans n’a même pas le droit à cette pension.

Avec les bénévoles de l’association, nous nous rendons chez ces familles qui habitent des régions enclavées et difficiles d’accès ce qui complique voire compromet leur mobilité.

Durant le Ramadan de l’an passé, nous avons distribué quelque 2 700 repas. Le mérite revient aux bénévoles de l’association, aux donateurs et donatrices anonymes et connus.

La crise sanitaire de la Covid-19 a aggravé la crise économique en Algérie qui s’est traduite par la mise au chômage forcé de centaines de milliers de salariés. Avez-vous constaté une augmentation de la précarité ? 

Auparavant, nos aides allaient majoritairement aux personnes à mobilité réduite ou souffrant de handicaps. Depuis peu, nous accueillons des gens qui ne sont pas dans cette catégorie et qui demandent de l’aide.

Que doit-on faire ? On doit les écouter et les orienter. Aujourd’hui, les dons se font de plus en plus rares. Nous sollicitons des donateurs (souvent des industriels) qui s’excusent de ne pouvoir nous aider en raison de difficultés financières.  La précarité gagne du terrain et les donateurs se font rares.

Il arrive que des travailleurs des entreprises que nous sollicitons fassent des dons de leurs propres deniers. Cela étant dit, la crise sanitaire a malheureusement renforcé les rangs des personnes nécessiteuses.

De nombreux habitants des régions montagneuses sont sans travail et ce sont autant de citoyens qui tombent dans la précarité. La réalité sur le terrain est amère. Celui qui achetait 10 baguettes de pain par jour, aujourd’hui il en ramène une seule. Celui qui achetait des desserts (des fruits) aujourd’hui il n’en ramène plus.

Quel est le profil des personnes qui sollicitent votre aide et quelles sont leurs demandes ?

Avant, on recevait des gens souffrant de handicaps, maintenant nous accueillons toutes les couches sociales. Quand quelqu’un voit l’enseigne de notre association, il se dit qu’elle est dans l’humanitaire.

Il vient nous solliciter malgré le fait qu’il ne soit pas handicapé. Parce qu’il a perdu son travail, il demande juste de l’aide pour nourrir ses enfants.

On nous sollicite même pour le lait pour bébés. Lorsqu’un homme en vient à verser des larmes parce que ses enfants n’ont pas de quoi s’alimenter, vous voyez où nous en sommes arrivés ?

Quelles sont vos actions en faveur des personnes à mobilité réduite et quelles sont les difficultés qu’ils rencontrent ?

Nous sommes une association de soutien aux personnes handicapées. Nous militons beaucoup plus pour l’autonomie et la prise en charge des personnes handicapées.

Je précise qu’il y a une différence entre une personne handicapée qui habite en ville et celle qui réside dans la campagne, notamment dans les villages perchées sur les montagnes.

Déjà que les infrastructures étatiques sont toutes centralisées dans les villes ; or en Kabylie la plupart habitent la montagne, une situation qui complique au plus haut point la mobilité de ces personnes.

La Kabylie est connue pour sa géographie aux reliefs accidentés. Pour qu’un handicapé se rende dans une administration située au chef-lieu de wilaya, il lui faut louer un transport mais les ressources manquent.

Il y a une absence totale d’accessibilité pour les personnes à mobilité réduite ou souffrant de graves handicaps. Prenez l’exemple des transports. Il n’y a aucun qui soit adapté à cette catégorie.

Les enfants handicapés scolarisés, quels moyens de transport a-t-on mis à leur disposition ? Ce n’est pas en offrant une chaise roulante à un handicapé qu’on a réglé tous ses problèmes. On parle de logement, de travail et de l’accès aux soins de santé. Les choses ne sont pas faciles.

Malheureusement, nous ne disposons pas des statistiques sur le nombre de personnes souffrant de handicaps, des enfants qui n’arrivent pas à se soigner. Nous ne savons pas non plus combien de vieilles et de vieux sont alités…Or, nous sommes un pays riche en termes de lois mais l’application sur le terrain fait tragiquement défaut.

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