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La rentrée sociale s’annonce compliquée

La rentrée sociale s’annonce compliquée

Sur le mouvement populaire qui réclame un changement politique profond depuis plus de six mois, risque de se greffer une contestation sociale de grande ampleur qui ne fera que compliquer les efforts de sortie de crise.

Les premières actions de protestation ont été signalées dès le début de ce mois d’août et, à moins d’une semaine de la rentrée, elles commencent à faire tâche d’huile. Aux quatre coins du pays, les citoyens se sont remis à la vielle habitude de bloquer la route au moindre dysfonctionnement dans l’approvisionnement en eau ou en énergie, pour une liste de bénéficiaires de logements sociaux jugée inéquitable, une négligence du personnel hospitalier ou même un accident de la route.

Cette semaine a été marquée par plusieurs actions de ce genre dans diverses wilayas, comme Tizi Ouzou, Béjaïa, Biskra, Oum El Bouaghi, Souk Ahras, Tiaret, Mostaganem où des axes névralgiques ont été coupés pour réclamer du logement, le bitumage de la route, l’électricité ou carrément pour chasser un directeur d’hôpital jugé incompétent comme cela a été le cas à Aïn M’lila.

À Annaba, ce sont les agents de la Protection civile, un corps constitué assigné pourtant à l’obligation de réserve et de discipline, qui sont sortis dans la rue pour exiger le départ leurs responsables assimilés à une « issaba ».

La semaine passée, l’actualité nationale était marquée par le retour à la charge des retraités de l’armée, faisant vivre à des milliers de citoyens un véritable cauchemar sur les autoroutes, bloquées par les gendarmes pour empêcher les contestataires d’atteindre la capitale.

Tous ces mouvements risquent de se durcir à la rentrée et rien ne garantit que d’autres corporations ne déterreront pas leurs vieilles revendications. Plusieurs éléments sont en effet de nature à aggraver la tension sociale.

L’État n’a plus les moyens de se montrer généreux

Il y a d’abord l’impopularité du gouvernement. Nommé par Bouteflika juste avant sa démission, l’actuel exécutif est rejeté par le hirak et la classe politique et plusieurs de ses ministres ont dû annuler des visites sur le terrain sous la pression des citoyens. Cette semaine, plusieurs ministres ont été chahutés alors qu’ils effectuaient des visites sur le terrain.

La nomination d’un nouveau gouvernement demeure une carte que le pouvoir pourrait toujours sortir pour apaiser le front social et, sur le plan politique, donner plus de chances au dialogue en cours d’aboutir, d’autant que la revendication fait partie des préalables posés par une partie de l’opposition pour y prendre part.

L’autre élément qui risque de compliquer la situation, c’est la crise économique qui se profile. Les principaux indicateurs, notamment les prix du baril et le niveau des réserves de change, ne sont pas à même de permettre aux autorités de dépenser sans compter pour acheter la paix sociale, comme cela a été le cas durant les années précédentes.

À moins de se déjuger en retournant à la planche à billets dénoncée comme une déviance de « l’ancien » régime et qui a même valu à Ahmed Ouyahia une convocation chez le juge, le pouvoir n’a plus les moyens de se montrer généreux sans rapprocher dangereusement l’échéance du tarissement des ressources disponibles.

Et comme pour ne rien arranger, la machine économique est tétanisée par la crise politique et les retombées de la vague de poursuites judiciaires qui touche des patrons et des fonctionnaires. L’investissement est au point zéro et l’outil productif déjà en place ne tourne pas à plein régime.

La situation des entreprises des oligarques emprisonnés risque aussi de jeter des contingents entiers de travailleurs dans les bras de la contestation. Des dizaines de milliers d’employés sont sans salaire depuis plusieurs mois du fait du gel judiciaire des comptes bancaires des entreprises concernées et du tarissement de la commande publique. Inévitablement, le coût social de cette situation est aggravé par la mise en difficulté des prestataires et partenaires des grands groupes économiques rattrapés par la justice.

Autre mauvaise nouvelle, le gouvernement devra s’attendre à l’entrée en lice des corporations qui ont l’habitude de mettre à profit les échéances politiques importantes et le désarroi du pouvoir pour tenter de lui arracher le maximum. La rentrée sociale s’annonce plus que jamais compliquée.

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