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L’Algérie à la croisée des chemins

L’Algérie à la croisée des chemins

L’Algérie s’est réveillée ce lundi 27 mai avec une très grosse interrogation : que fera le pouvoir maintenant que l’élection présidentielle, sur laquelle il avait tout misé pour sortir de l’impasse, semble définitivement compromise ? La veille à minuit expirait le délai de dépôt des candidatures et seuls deux inconnus ont déposé leurs « dossiers ».

L’annonce du report ou de l’annulation du scrutin est imminente et une nouvelle étape devra commencer pour le mouvement populaire et la crise politique qui secoue le pays. L’échec de l’élection pourrait en effet constituer le précurseur d’une nouvelle approche pour une sortie de crise rapide.

L’obstination du pouvoir à rester dans les limites du cadre constitutionnel, donc à organiser le scrutin dans les délais, est la principale cause du blocage, l’opposition politique et les manifestants refusant catégoriquement d’aller aux urnes dans les conditions politiques et institutionnelles actuelles.

Ne pas organiser le scrutin le 4 juillet, c’est sortir de facto du fameux cadre constitutionnel. Quelle que soit l’option qui sera retenue, et pour l’élection et pour l’intérim à la tête de l’Etat, elle sera puisée en dehors de la loi fondamentale qui ne prévoit pas de situation de vide à l’issue de la période d’intérim.

Durant ces deux derniers mois, le chef d’état-major de l’ANP expliquait son attachement à la solution constitutionnelle par son appréhension des conséquences du vide institutionnel. Que fera le pouvoir maintenant que son obsession a fini par provoquer paradoxalement la situation redoutée ? Il devra improviser, à moins qu’il n’ait dès le début échafaudé un plan B. Quoi qu’il en soit, il se retrouve, le pays avec, à la croisée des chemins. En fait, devant deux choix aux antipodes l’un de l’autre.

Le plus souhaitable est qu’il opte pour la voie la plus courte qui mène au changement, en commençant par mettre de côté le préalable du scrupule de la légalité constitutionnelle qui n’a plus lieu d’être brandi. Révoquer les personnages indésirables ne devrait être contrarié par aucune embûche juridique ou légale, de même que la mise en place d’une instance de transition, maintenant que les dispositions de la Constitution sont épuisées. La solution est à portée de main et il suffit d’une volonté politique sincère pour la mettre en œuvre. Or, c’est là où semble résider tout le problème.

Depuis le début de la crise, le pouvoir n’a fait que manœuvrer et préconiser de fausse solutions, misant tantôt sur l’essoufflement de la mobilisation, tantôt sur la répression ou la division pour tordre le coup à la contestation. Hélas, rien dans son attitude ne laisse penser qu’il a désespéré d’imposer sa solution. Ce lundi, alors que le report ou l’annulation du scrutin n’est pas encore acté officiellement, El Moudjahid prête au gouvernement l’intention de créer incessamment une commission d’organisation des élections, comme suggéré par le chef de l’armée dans son discours de la semaine passée. On parle de magistrats, de représentants de la société civile et de syndicalistes pour y siéger. C’est louable, mais il aurait été plus rassurant que cette configuration soit décidée en concertation avec le mouvement populaire, du moins avec l’opposition politique.

Cette précipitation et cette manière de faire cavalier seul laissent redouter la réédition des commissions fantoches qui n’ont pas empêché la fraude de se faire à large échelle ces deux dernières décennies. Si telle est son intention, le pouvoir aura pris le risque de tourner en rond et de faire perdre un temps précieux au pays. La présidentielle qu’il compte « reprogrammer » subira le sort de celle qui vient de s’envoler et, quand bien même il réussirait à l’imposer par la force et la manœuvre, elle ne fera que ramener le pays à la situation d’illégitimité des institutions d’avant le 22 février.

Le pouvoir pourra avec sa puissance répressive reprendre, la rue, les médias, le mouvement associatif, mais il restera un espace, le plus important, qu’il ne pourra reconquérir ni par la matraque ni par l’intrigue : l’esprit des citoyens.

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