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L’Algérie berceau de l’humanité : le chercheur algérien répond aux archéologues français

L’Algérie berceau de l’humanité : le chercheur algérien répond aux archéologues français

Le magazine Le Point.fr vient de publier un article intitulé : « Non, l’Algérie ne serait pas un berceau de l’humanité » par Fréderic Lewino, mettant en doute la datation de 2,4 millions d’années des outils taillés associés aux restes fossiles portant des traces de découpes découverts sur le site archéologique d’Ain Boucherit (Sétif, Algérie) fouillé par le CNRPAH* dont les résultats viennent d’être publiés dans la revue Science le 29 novembre 2018. Dans cet article, ce journaliste n’apporte aucune preuve appuyant ses assertions, se contentant seulement de rapporter la critique du Professeur J-J. Hublin selon laquelle le paléomagnétisme n’est pas adapté à la datation des découvertes de Ain Boucherit.

Cependant, il est clair que le journaliste Fréderic Lewino, à dessin et malveillant, n’a pas rapporté honnêtement toutes les données des datations publiées dans l’article de Science. En effet, les trouvailles d’Ain Boucherit ont été datées en se basant non seulement sur le paléomagnétisme mais aussi sur la datation de Résonance Paramagnétique Électronique (RPE) ou (ESR) de grain de quartz blanchi, la biochronologie des grands mammifères et le taux d’accumulation sédimentaire (SAR).

L’étude paléomagnétique a été entreprise par le Professeur Josep Maria Pares qui est un grand spécialiste dans ce domaine et connu mondialement par ces travaux de datation des plus anciens sites archéologiques notamment dans la Péninsule ibérique et dans la région méditerranéenne. Les preuves paléomagnétiques d’Ain Boucherit sont convaincantes montrant d’une manière remarquablement claire les inversions du champ magnétique à travers le temps sur une séquence stratigraphique de 50 m. Les niveaux archéologiques successifs, contenus dans cette séquence stratigraphique, sont corrélés avec l’échelle paléomagnétique globale (GPTS) en s’appuyant sur la datation absolue RPE effectuée par le français Dr. Mathieu Duval grand spécialiste du ESR de l’Université de Griffith (Australie) connu par ses travaux de datation par cette méthode notamment des sites anciens du pourtour méditerranéen. La datation RPE de 1,92 million d’années corrèle sans aucune ambiguïté les niveaux archéologiques d’Ain Boucherit avec la période ancienne de la polarité inverse de Matuyama.

La datation des découvertes d’Ain Boucherit est aussi étayée par la méthode de la biochronologie des grands mammifères, conduite par le paléontologue hollandais Jan van der Made du Musée des Sciences Naturelles de Madrid (Espagne) spécialiste mondial des grands mammifères. Le Professeur J. van der Made est connu pour ses travaux paléontologiques et biochronologiques des suidés qui sont précis, crédibles et respectés par les paléontologues de sa spécialité du monde entier. Enfin, les résultats de ces trois méthodes ont permis de raffiner l’estimation des âges d’Ain Boucherit de 1,92 et 2,4 millions d’années par la méthode du Sedimentary Accumulation Rate (SAR) très utilisée dans le monde entier et notamment pour estimer des âges de sites archéologiques anciens en Afrique. Les résultats obtenus de la combinaison de ces quatre méthodes de datation ont convaincu les éminents reviewers évaluant l’article, qu’ils ont validé et unanimement recommandé sa publication dans la revue Science.

Il est surprenant que la critique de la méthode du paléomagnétisme vienne du Professeur J-J. Hublin parce qu’il n’est spécialiste ni de cette méthode ni d’une autre technique de datation. Son expertise n’a rien à voir avec les datations absolues ou le domaine des plus anciennes occupations humaines (sujet de l’article de Science), et n’a jamais visité le site de Ain Boucherit. Il est plutôt anthropologue spécialiste de l’étude des restes d’hommes modernes (Homo sapiens) datant de moins de 300 000 ans. Il est intéressant de noter, cependant, que le Professeur Hublin n’est pas cohérent avec ses critiques du paléomagnétisme d’Ain Boucherit. En effet, il est cosignataire d’un article (1) portant sur l’âge du site à hominidés de Tighennif (ex. Ternifine) qu’ils ont estimé à 700 000 ans en se basant également sur le paléomagnétisme mais qui est présenté par eux comme une méthode crédible et précise. Autrement dit, le Prof. Hublin voudrait transmettre que ce qu’ils publient eux est incontestable et valable et ce que publient ces algériens et leurs collaborateurs étrangers n’est que basé sur des méthodes grossières ; et selon le journaliste Fréderic Lewino, ils « poussent le bouchon un peu loin ».

Que ceux qui sont en cours de rédiger un « papier remettant les pendules à l’heure », comme le rapporte le journaliste, exposent les preuves irréfutables en leur possession susceptibles de contredire les conclusions publiées dans l’article d’Ain Boucherit de Science. Toutefois, il faut qu’ils soient honnêtes parce que la dernière fois ils ne l’étaient pas quand ils ont contesté la datation de 1,8 million d’années du site d’Ain Hanech bien qu’il ne s’agît pas encore de « berceau d’humanité en Algérie ». En effet, ils sont allés jusqu’à mentir pour faire valoir leurs travaux conduits dans un pays voisin et dire qu’Ain Hanech ne date que d’environ 1 million d’années. Nous avons répondu à ces critiques malveillantes par deux articles (2,3) en exposant leurs mensonge et malhonnêteté et en démontrant sans ambiguïté aucune, qu’Ain Hanech date bien de 1,8 million d’années. Nous répondrons de la même manière à ce soi-disant « papier en cours de rédaction » pour réaffirmer que les trouvailles d’Ain Boucherit datent bien de 2,4 et 1,9 millions d’années.

 

*Centre National de Recherches Préhistoriques Anthropologiques et Historiques (CNRPAH)

(1) Geraads D, Hublin J-J., Jaeger J-J., Tong H., Sen S., Toubeau Ph. The Pleistocene hominid site of Ternifine, Algeria: New results on the environment, age, and human industries. Quaternary Research 25, 380-386 (1986).

(2) Sahnouni M. Hadjouis D., van der Made J., Derradji A., Canals A., Medig M., Belahrech H., Harichane Z., Rabhi M. On the earliest human occupation in North Africa: A response to Geraads et al. Journal of Human Evolution 46, 763-775 (2004).

(3) Parés J.M., Sahnouni M., Van der Made J., Pérez-González A., Harichane Z., Derradji A. Medig M. Early human settlements in Northern Africa: Paleomagnetic evidence from the Ain Hanech Formation (northeastern Algeria). Quaternary Science Reviews 99, 203-209 (2014).

 

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