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L’Algérie n’est plus une démocratie et elle ne peut pas récuser sa mauvaise note

L’Algérie n’est plus une démocratie et elle ne peut pas récuser sa mauvaise note

La publication par The Economist Intelligence d’une étude sur l’état de la démocratie dans le monde coïncide avec l’approche de l’élection présidentielle algérienne. Et que dit le rapport de l’organisme britannique ? Que l’Algérie est encore loin des normes qui font d’un pays un État démocratique.

Dans le classement annuel des démocraties publié cette semaine, l’Algérie occupe une peu glorieuse 126e place sur 167 pays étudiés. À la lecture du classement, les mauvaises nouvelles se succèdent. D’abord l’Algérie est qualifiée de « régime totalitaire ». Ensuite, elle est classée derrière ses voisins, la Tunisie et le Maroc, qui font nettement mieux et, surtout, elle est presque ex-aequo avec l’Égypte menée d’une main de fer par le maréchal Sissi depuis bientôt cinq ans.

Il est vrai que les concepteurs de l’étude ont placé la barre très haut puisque seuls vingt pays semblent satisfaire pleinement aux critères fixés -même la France et l’Italie ont dû se contenter de la mention de « démocratie imparfaite »-, mais il faut reconnaître que s’agissant de l’Algérie, il n’y a pas lieu de crier à l’impartialité ou à la tentative de déstabilisation pour exécuter quelque agenda.

Ce n’est du reste pas la première fois qu’elle est clouée au pilori par des ONG et organismes internationaux sur la question. Les textes ont beau garantir toutes les libertés, tous les droits et même l’alternance démocratique au pouvoir par le suffrage universel, sur le terrain, les autorités ne font rien pour polir l’image que renvoie le pays. On se demande même si elles s’en soucient.

Hormis ses réponses aux amalgames entretenus durant les années de terrorisme et, plus récemment, aux accusations de mauvais traitement envers les migrants, l’Algérie ignore royalement les critiques qui viennent de l’étranger. Sans doute que les griefs qui touchent à l’alternance démocratique et au respect des libertés fondamentales ne sont pas faciles à récuser tant des cas concrets de dépassements sont enregistrés quotidiennement et à large échelle : soupçons de fraude électorale à chaque scrutin, limitation des libertés comme celle de manifester qui demeure officiellement interdite à Alger et très limitée dans les autres wilayas, atteintes aux libertés religieuses, pressions les partis politiques et tentatives de musellement de la presse.

Faut-il rappeler le triste sort du journaliste Mohamed Tamalt, mort en prison en 2016 des suites d’une grève de la faim ? Aujourd’hui encore, de nombreux confrères sont détenus ou poursuivis. Il y a encore quelques années, les autorités se vantaient d’avoir « la presse la plus libre du monde arabe ». Aujourd’hui, l’argument ferait rire.

Sur le plan politique, la Constitution est triturée au grand jour comme on le ferait avec un simple texte d’application à chaque fois que ses dispositions ne cadrent pas avec les projets des tenants du pouvoir. On en est à se demander à quoi sert la loi fondamentale du pays puisque, à trois mois de l’élection présidentielle, on parle d’une énième volonté de la revisiter pour pouvoir traverser une situation que personne n’a vu venir, sans rien céder sur l’essentiel.

Le rapport de The Economist Intelligence Unit ne pouvait pas mieux tomber tant la scène politique nationale n’a jamais été aussi sclérosée depuis 30 ans, soit depuis l’adoption de la constitution libérale de 1989. La classe politique, y compris les partis réputés proches du pouvoir, est réduite au fatalisme et à la résignation. De même que tout ce que compte le pays comme institutions, organisations, mouvement associatif, organes de presse…

Le débat qui, en pareille circonstance, devait porter sur les programmes et les projets de société ou les questions économiques et sociales, est réduit à des prophéties sur le plan qui finira par être retenu parmi les options qu’on dit sur la table du pouvoir.

Le peuple et la classe politique ont une belle palette de choix : un cinquième mandat pour le président Bouteflika en dépit de son âge (82 ans) et son état de santé sur lequel même les plus zélés de ses défenseurs ne se font plus d’illusions, un successeur issu du système et faisant l’objet d’un consensus parmi les « décideurs » qu’aucun texte n’évoque mais qui tout de même font et défont même les présidents, une révision (encore) de la constitution pour justifier un prolongement du mandat actuel du chef de l’État ou la création d’un poste de vice-président qui garantirait une succession en douce, au cas où…

Rien que pour cela, l’étude de l’organisme britannique est inattaquable. La « démocratie » algérienne est certes la première à voir le jour dans la région Mena, mais 30 ans après, il est difficile de nier que ses acquis, dont le pluralisme politique et médiatique, sont réduits à de simples faire-valoir.

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