Les manifestations contre le 5e mandat et contre le pouvoir, organisées depuis le 22 février par les Algériens à travers tout le territoire, semblent avoir levé le voile sur quelques phénomènes considérés tabous, notamment en ce qui concerne les relations hommes-femmes et la séduction.

Au fil des semaines, un climat de confiance s’est installé après les marches pacifiques, climat dans lequel les Algériennes se réapproprient petit à petit l’espace public. Un vendredi après l’autre, elles sortent sans peur ni appréhensions manifester aux côtés de leurs compatriotes du sexe opposé. Dans la foule, elles brandissent leurs revendications sur des pancartes et crient leur mécontentement avec une aisance sans précédents.

Marcher ensemble vers un objectif commun, c’est apparemment ce qu’il fallait pour que les Algériens apprennent à partager la rue avec les Algériennes. Ce respect renouvelé entre les hommes et les femmes a introduit une nouvelle forme plus saine de dialogue inter sexes et, parfois, de séduction.

En temps normal, les femmes se sont habituées à ignorer les remarques ou les tentatives de drague dans la rue, qui, souvent prennent la forme d’agressions. Cependant, la tendance est au changement comme on a pu le voir ces dernières semaines durant les manifestations. Vendredi dernier, trois jeunes femmes reposaient sur les marches d’un des nombreux escaliers d’Alger-centre, lorsque deux jeunes manifestants se sont approchés. L’un des deux jeunes hommes, disant vrai ou pas, a demandé à une des jeunes filles de lui prêter son téléphone, « pour passer un appel urgent », prétendant ne plus avoir de batterie. La jeune fille a accepté immédiatement et sans la moindre hésitation. De là est partie une conversation des plus chaleureuses et, qui sait, peut-être une histoire qui se poursuit jusqu’à présent.

Sur les réseaux sociaux, les témoignages et les photos relatant ce genre de prises de contact, de tentatives, souvent fructueuses, de séduction lors des marches se multiplient, décrivant avec humour la drague à l’Algérienne pendant les marches. Parmi les exemples les plus mémorables, on retrouve celui du jeune manifestant qui a été pris en photo brandissant une pancarte sur laquelle il écrit : « Un câlin pour le pays ».

Des démonstrations d’affection publiques étaient impensables avant le 22 février, date de la première marche contre le cinquième mandat et le pouvoir. Depuis, on voit dans ces manifestations, des couples jeunes ou moins jeunes, mariés ou non, marcher ensemble, en se prenant la main, en s’enlaçant. De la tendresse affichée en pleine rue, au milieu de milliers de citoyens, sans qu’il n’y ait aucune réaction négative. Chose difficile à imaginer jusque-là.

Sur la toile, les internautes accompagnent leur élan patriotique par un regard nouveau posé sur leurs compatriotes, rendant hommage à la beauté des manifestants. « C’était une belle manifestation, avec de belles manifestantes » peut-on lire sur cette page algérienne.

Avec beaucoup d’humour, les Algériens ont réussi à lier l’utile à l’agréable et à se réconcilier avec le concept de l’amour et de la romance. Pour les hommes comme pour les femmes, il est devenu beaucoup plus facile, par le biais des récentes manifestations, de faire état de l’attirance qu’ils éprouvent les uns envers les autres.

Les Algériens et Algériennes se découvrent beaux et le font savoir. Certains utilisent même ce nouvel élément pour convaincre les plus réticents à manifester. La page Facebook « Femmes Insoumises » l’illustre parfaitement à travers cette publication sur laquelle on peut lire au-dessus de la photo d’un jeune manifestant algérien : « Voilà une bonne raison de manifester ».

Avant la première grande marche du 22 février, il était très difficile pour les Algériennes de se déplacer dans les rues du pays sans être victime de harcèlement de rue. La jeunesse algérienne semblait avoir perdu ses codes de conduite quant à l’abord de l’autre à des fins romantiques. La confiance entre les hommes et les femmes semble revenir petit à petit grâce aux manifestations.

À travers ces dernières, les clichés tombent et le peuple Algérien semble se diriger vers un renouvellement de ses standards que nous connaissons depuis plusieurs années. Ils nettoient après leur passage, redoublent de civisme et maintiennent leur pacifisme. Pourvu que ces changements ne se cantonnent pas au vendredi, ou à la situation politique.