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« Le devoir des forces de l’ordre est de protéger les manifestants »

« Le devoir des forces de l’ordre est de protéger les manifestants »

ENTRETIEN. Me Noureddine Benissad, avocat et président de la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme, revient dans cet entretien sur les violences qui ont entaché le huitième vendredi de mobilisation populaire.

Des violences ont eu lieu hier lors du huitième vendredi (12 avril) de manifestations populaires. Mardi, la marche des étudiants a été réprimée à Alger. Comment expliquez-vous ce changement de stratégie de la part des autorités dans la gestion des manifestations ?

Rappelez-vous, bien avant l’annonce même de la candidature de Bouteflika, le pouvoir à travers notamment le chef de l’état-major et l’ancien Premier ministre Ouyahia ont mis en garde contre toute tentative pour les Algériens de recourir à la rue pour s’opposer au 5e mandat. Ouyahia a déclaré que le pouvoir maîtrisait la rue. En décodé, il fallait comprendre que le pouvoir possédait les moyens matériels et humains pour contenir et réprimer toute manifestation. Après les premières manifestations grandioses du 22 février, le pouvoir, ébranlé par l’ampleur du mouvement populaire à travers toute l’Algérie, a surfé, comme à son habitude sur la peur : l’Algérie peut basculer comme la Syrie, la Libye, l’Irak, etc. Toutes ces manœuvres ont échoué face à la grande mobilisation populaire et son caractère pacifique.

Le pouvoir a usé de diverses ruses en répondant partiellement aux revendications, pas de 5e mandat, pas de prolongation du 4e mandat sans élections, annulation de l’élection présidentielle du 18 avril et démission de Bouteflika. Il a aussi parié sur l’essoufflement et l’affaiblissement de la mobilisation populaire. Que reste t’il au système puisque sa dernière carte était l’application de l’article 102 de la constitution et l’intronisation de Bensalah comme chef de l’État par intérim ? Le système autoritaire qui est par nature basé sur la répression, n’a pas d’offre politique à faire. Il revient à ses premières amours, celui de l’autisme et le refus du dialogue. Le changement de stratégie de la part du pouvoir s’explique par tous ces paramètres. Son logiciel est le même.

Quels sont les droits des manifestants ? Et quelles sont les prérogatives des agents des forces de l’ordre dans la gestion des manifestants ?

Le droit de manifester est un droit garanti par la Constitution dont le système se prévaut pour succéder à lui-même. Il est aussi garanti par les conventions internationales relatives aux droits de l’Homme ratifiées par l’Algérie et publiées au Journal officiel. Les manifestations ont été à chaque fois pacifiques. La gestion de ces manifestations par les forces de l’ordre doit être proportionnelle à leur caractère, autrement dit et dès que ces manifestations sont pacifiques, le devoir des forces de l’ordre est de protéger les manifestants.

De nombreux manifestants ont été blessés lors de la marche de vendredi à Alger, certains affirment avoir été injustement réprimés. Quels sont les recours juridiques dont disposent ces manifestants ?

On ne peut pas utiliser la répression à l’égard de manifestants pacifiques sauf à chercher à provoquer et entraîner les manifestants vers le terrain de la violence. Les dernières manifestations antérieures au 12 avril se sont bien passées et le professionnalisme des forces de l’ordre a été salué.

On a parlé de baltaguis infiltrés parmi les manifestants mais je pense que la formation des policiers est à même de les débusquer et de les interpeller pour qu’ils soient jugés conformément à la loi.

Toute personne blessée est en droit de faire constater sa ou ses blessures par un médecin et de porter plainte devant les tribunaux compétents car la violence est proscrite par la loi pénale. Nul n’est au-dessus de la loi. La fin de la hogra, d’ailleurs, est au cœur des revendications du mouvement populaire.

Dans tous les cas, les manifestants doivent faire preuve de calme et préserver le caractère pacifique des manifestations, c’est cela la force du mouvement populaire.

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