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Le ministre saoudien de l’Intérieur à Alger : les enjeux de la visite

Le ministre saoudien de l’Intérieur à Alger : les enjeux de la visite

Deux ministres, Noureddine Bedoui de l’Intérieur et Tayeb Louh de la Justice, ont fait le déplacement, dimanche 4 mars, à l’aéroport Houari Boumediène d’Alger pour accueillir Abdel Aziz Ben Saoud Ben Nayef Ben Abdelaziz Al Saoud, ministre saoudien de l’Intérieur, en visite officielle de trois jours.

« Cette visite s’inscrit dans le cadre du renforcement des relations historiques privilégiées entre les deux pays et du développement de la coopération bilatérale », a annoncé l’agence APS, sans plus de détails.

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Aucune déclaration à la presse

Contrairement aux habitudes protocolaires, Abdel Aziz Ben Saoud Ben Nayef Ben Abdelaziz Al Saoud n’a fait aucune déclaration au salon d’honneur de l’aéroport. Il a été reçu par le président Abdelaziz Bouteflika lundi 5 mars en fin de journée. Au sortir de l’audience, il n’a pas fait de déclarations de presse.

Nommé en juin 2017, le ministre saoudien effectue sa première visite en Algérie. Son prédécesseur, Mohamed Ben Nayef ben Abdelaziz Al Saoud, qui était également prince héritier et vice-président du Conseil des ministres, a visité l’Algérie en janvier 2017, deux mois après le déplacement du premier ministre Abdelmalek Sellal à Riyad, et un mois et demi après la visite de l’émir Sultan Ben Mohamed Ben Saoud Al Kabir Al Saoud.

« Lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent »

Les visites des deux responsables saoudiens ont été qualifiées de « fraternelles ». Elles n’avaient donc pas un caractère officiel et n’étaient suivies ni de conférences de presse, ni de communiqués ou de déclarations.

En novembre 2017, Tayeb Louh s’est déplacé à Riyad, porteur d’un message du président Abdelaziz Bouteflika au roi Selmane Ben Abdelaziz Al Saoud. La teneur de cette lettre n’a pas été rendue publique. Tayeb Belaïz et Tayeb Louh sont chargés par le chef de l’État de suivre de près le dossier des relations avec l’Arabie saoudite.

En août 2017, le ministre des Affaires étrangères Abdelkader Messahel s’est déplacé à Djeddah pour rencontrer son homologue Adel Al Jubeir et évoquer certains dossiers comme le Yémen, la Syrie et la crise entre les pays du Golfe (surtout entre Ryad, Doha et Abu Dhabi). Messahel et Al Jubeir ont évoqué « la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent ». Une thématique récurrente dans les discussions entre les deux capitales ces cinq dernières années.

Alger n’adhère pas à « l’Alliance islamique » de Riyad

À Alger, Abdel Aziz Ben Saoud Ben Nayef Ben Abdelaziz Al Saoud, qui est peu rompu aux questions sécuritaires, abordera sûrement cette question avec les responsables algériens pour, au moins, essayer de rapprocher les points de vue.

Alger a officiellement refusé d’adhérer à « l’Alliance islamique » antiterroriste créée par Riyad. Alger craint que cette Alliance soit « orientée » contre l’Iran puisque ses promoteurs ont mis en avant le caractère sunnite du regroupement supposé être opérationnel sur le plan militaire. L’annonce de sa création s’est faite au milieu de la « fièvre » de la crise avec le Qatar, soupçonné par ses voisins d’entretenir des relations stratégiques avec l’Iran, accusé « d’alimenter » le terrorisme dans le Moyen-Orient et dans la région du Golfe.

L’Alliance de Riyad tente de jeter des ponts avec le G5 Sahel, la force militaire composée de cinq pays du Sahel et lancée à l’initiative de Paris pour contrer les mouvements djihadistes dans la zone sahélo-saharienne. Une force que l’Algérie refuse de rejoindre aussi parce que son domaine d’intervention dépasse les frontières des États.

Donc l’approche algérienne de la lutte contre le terrorisme se veut rassembleuse et non-orientée contre un ou des États. Alger cherche à lier la lutte contre l’action subversive des groupes terroristes, considérée comme « un phénomène international », à celle contre le radicalisme religieux qui pousse à la violence sous plusieurs formes.

Dans un autre temps, l’Algérie avait accusé l’Arabie saoudite, lors du bel âge wahabite, dans les années 1990, de nourrir la pensée doctrinaire des groupes terroristes qui agissaient en Algérie.

Riyad entend tourner la page du passé et s’inscrire dans la modernité, y compris politique et militaire. Renforcer les liens avec l’Algérie, après l’Égypte, devient stratégique pour un pays qui veut améliorer son image dans les pays islamiques et devant la communauté internationale après des années de doute, né au lendemain des attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis.

Relais solides de Riyad en Libye

Le 1er février 2018, le ministre de la justice Tayeb Louh a rencontré l’ambassadeur d’Arabie saoudite à Alger, Samy Othmane Abdallal Al Salih, pour évoquer « le renforcement » de la coopération des deux pays dans « les domaines juridique et judiciaire ». Donc, le partenariat sécuritaire, en cours d’élaboration avec Riyad, va comprendre plusieurs aspects qui ne se limitent pas aux considérations militaires ou de renseignements.

Alger cherche à fédérer les efforts des pays de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient pour dresser des murs infranchissables devant les ex-membres de Daech, défaits en Syrie et en Irak, qui cherchent à rejoindre la région sahélo-maghrébine profitant de la situation d’instabilité en Libye et au Mali.

Alger sait que Riyad (comme Doha, Ankara, Le Caire et Abu Dhabi) a des relais solides en Libye. Des relais qui peuvent servir à consolider la recherche d’une solution politique consensuelle durable à la crise libyenne (défendue par l’Algérie) et à essayer de « contenir » les trafics d’armes dans la région.

Le commerce illégal de matériel de guerre, entretenu en dehors du continent africain, a évolué ces dernières années d’une manière inquiétante tirant sa sève de plusieurs foyers de tension (Somalie, Mali, Libye, Yémen, Sud Soudan, Syrie, Irak et Centrafrique). Riyad, qui veut augmenter son influence politique et économique en Afrique, cherche à travailler en étroite collaboration avec l’Algérie, toujours attachée à l’approche africaine dans le traitement des conflits et des questions stratégiques de sécurité et de stabilité.

Ce qui sera proposé, entre les deux États, est un donnant-donnant dans le partenariat sécuritaire qui respecte les choix diplomatiques de chaque pays surtout dans les rapports avec des États comme l’Iran, la Syrie, le Soudan, la Libye et le Mali. La Haute commission mixte de coopération se réunira avant juin pour étudier plusieurs dossiers quelque peu gelés en raison d’un léger froid entre les deux pays ces deux dernières années.

Combattre le crime organisé et les réseaux clandestins

Abdel Aziz Ben Saoud Ben Nayef Ben Abdelaziz Al Saoud, 34 ans, a occupé le poste de conseiller du Roi en matière de droit, d’organisation des systèmes et de gestion des frontières. Il participera, les 7 et 8 mars, à la 35e session des ministres arabes de l’Intérieur, au Palais des congrès Abdelatif Rahal, à l’ouest d’Alger.

À cette occasion, l’Algérie proposera une stratégie anti-terroriste qui comprendra des aspects politiques, médiatiques, religieux, sociaux, opérationnels et pratiques. Il s’agit, entre autres, d’échange densifié des renseignements sensibles, d’affichages réactualisés des suspects, de traçage électronique des ex-membres de Daech, de mise à jour des informations sur les organisations criminelles transfrontalières, de refus de payement de rançons aux groupes terroristes, de la lutte contre les sources de « recrutement » des jeunes par les réseaux terroristes et de rapprochement entre citoyens et services de sécurité.

Un soutien saoudien à ce plan serait le bienvenu à la faveur d’une démarche arabe cohérente commune. La rencontre d’Alger abordera aussi d’autres dossiers comme la lutte contre le crime organisé (trafic de drogue et de produits chimiques prohibés), contre les réseaux clandestins de migration, contre la cybercriminalité et contre les systèmes de soutien logistique et financier du terrorisme.

Alger va relancer son idée d’organiser, sous l’égide de l’ONU, un congrès international sur le terrorisme, ses origines, ses causes et ses remèdes. Un congrès qui doit statuer sur définition consensuelle politique du terrorisme en tant que phénomène criminel.

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