Politique

Le projet de révision de la Constitution adopté : et maintenant ?

Il y a un an, en campagne électorale déjà, le candidat Abdelmadjid Tebboune avait indiqué que ses deux réformes prioritaires sur le plan politique, étaient la révision de la constitution et l’adoption d’une nouvelle loi électorale. Le projet de révision constitutionnelle soumis à l’approbation populaire dimanche 1er novembre 2020, a été adopté. Même si le vote n’a pas eu lieu dans certaines localités, notamment en Kabylie, et nonobstant le taux de participation, enjeu crucial et pour le pouvoir et pour une partie de l’opposition et du Hirak, l’Algérie se dote de nouvelles dispositions constitutionnelles et le président de la République concrétise, moins d’une année après son élection, l’un de ses projets phares.

Le discours officiel répète depuis plusieurs mois que le reste des réformes promises pour concrétiser la « nouvelle Algérie » se feront après l’adoption du projet de révision constitutionnelle. Voilà que c’est fait, même si les choses ne se sont pas passées tout à fait comme prévu.

Le premier défi pour le pouvoir est d’appliquer sur le terrain les dispositions de la nouvelle constitution, et de rompre définitivement avec ses mauvaises habitudes qui consistent à adopter des lois, sans les respecter réellement.

Le deuxième défi est le règlement de la crise politique, que le référendum du 1er novembre, a illustré par une très forte abstention (plus de 76% du corps électoral) pour un projet aussi important pour l’avenir du pays. Le taux d’abstention record pour un scrutin majeur est une nouvelle donne qui pourrait influer sur la suite des événements.

La feuille de route du pouvoir, prévoyant notamment le renouvellement des assemblées élues après le référendum sur la constitution, continuera-t-elle à être mise en œuvre de la même manière avec laquelle l’élaboration de la nouvelle constitution a été faite ?

La défaite du camp du « non »

Il est difficile de faire des pronostics, dans un pays où la carte politique qui a été redessinée par la révolution du 22 février, n’a pas encore pris forme avec l’émergence d’une nouvelle classe politique capable de porter le projet de la « nouvelle Algérie ».

Les appels au boycott ont émané d’une partie de la classe politique, mais essentiellement des acteurs du Hirak populaire. Une nouvelle démarche n’est donc pas à exclure après que trois quarts des Algériens aient exprimé leur désaccord avec celle enclenchée depuis l’été 2019.

Les résultats annoncés consacrent également la défaite du camp du ‘non’ (1.6 million de voix, soit à peine 7% du corps électoral). Les mots d’ordre des deux principaux partis islamistes, le MSP et le FJD, n’ont pas été suivis, mais on retient surtout le rejet massif par le peuple du discours haineux de ceux qui ont appelé à refuser la nouvelle constitution pour la place qu’elle donne à tamazight. Vu sous cet angle, le grand vainqueur de cette consultation c’est la cohésion nationale.

L’autre élément nouveau, inattendu également, c’est l’hospitalisation surprise du président de la République quelques jours avant le scrutin.

Il est hasardeux de spéculer sur la nature de la maladie du chef de l’État, sa durée probable ou ses retombées politiques, mais il reste certain que les choses sérieuses commenceront pour Abdelmadjid Tebboune dès que sa convalescence aura pris fin. Première grosse interrogation : les réformes et les différents chantiers promis pourront-ils être lancés sans le règlement de la crise politique qui dure depuis février 2019, notamment à lumière des retombées de ce référendum du 1er novembre ?

Le règlement de la crise politique, par un dialogue direct avec l’ensemble des acteurs politiques, est au moins tout aussi important pour la suite que l’élaboration et l’adoption de la loi fondamentale amendée. La nouvelle loi électorale, dont l’élaboration est confiée à un comité d’experts, ne sera qu’une formalité, mais il faudra un climat plus apaisé et une large adhésion de la classe politique pour tenir des élections législatives puis locales réellement crédibles. En l’état actuel des choses, le risque est de se retrouver avec un nouveau Parlement, dominé par les mêmes forces politiques qui ont soutenu le président déchu Abdelaziz Bouteflika durant ses vingt ans de règne.

L’économie, prochain défi

Or, pour nombre d’observateurs, le renouvellement des assemblées élues constituera la première grande étape du processus de changement et un sérieux test pour la volonté du pouvoir d’édifier une « nouvelle Algérie » et de couper avec les pratiques de l’ancien régime.

Le volet politique est à lui seul un énorme chantier dont dépendra la conduite de celui, plus important, de la relance économique.

Depuis huit mois, le pays fait face à une double crise sanitaire et économique. La pandémie de Covid-19 ne s’estompe pas, elle revient même en force depuis quelques semaines, avec le risque de voir son coût social et économique s’alourdir et de remettre à plus tard la reprise normale de l’activité.

Le pays a traversé la crise ces huit derniers mois sans impact trop visible sur le plan social. Il dispose encore de quelque 50 milliards de dollars de réserves de change et il pourra encore tenir, comme l’a assuré le président de la République l’été dernier, le temps de relancer la machine économique et l’appareil productif national.

Mais chaque jour qui passe rend cette relance plus qu’urgente. À la fin de l’année prochaine, les réserves de change descendront sous 47 milliards de dollars selon les prévisions de la loi de finances 2021et elles pourraient continuer à fondre si les prix du baril ne remontent pas substantiellement et si l’Algérie ne trouve pas autre chose à vendre que son pétrole et son gaz.

Lors de sa rencontre avec les opérateurs économiques, en août dernier, le président Tebboune avait affiché des objectifs ambitieux concernant les exportations hors hydrocarbures qu’il a dit vouloir porter à 5 milliards de dollars dès l’année prochaine, contre 2.5 milliards actuellement.

La réalisation de cet objectif, et plus globalement celui de la relance économique, appelle l’engagement dès maintenant du processus de réformes, d’ouverture économique et d’amélioration du climat des affaires. Avec le préalable de stabiliser et d’apaiser l’atmosphère politique. C’est le prochain défi du président et de son gouvernement maintenant que les amendements constitutionnels voulus sont approuvés.

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