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Le retrait des médecins résidents met à nu les dysfonctionnements des CHU

Le retrait des médecins résidents met à nu les dysfonctionnements des CHU

Depuis dimanche, les médecins résidents n’assurent plus les gardes dans les hôpitaux universitaires. Dès l’annonce de ce retrait, les directions des CHU ont dû prendre des dispositions pour pallier le manque de personnel soignant, notamment pendant les gardes de nuit.

La plupart des CHU ont dû avoir recours aux réquisitions, mais au-delà de ce colmatage d’urgence des brèches par du personnel médical interne ou externe aux hôpitaux, les directeurs ont été obligés de revoir complètement l’organisation des services hospitaliers et des gardes. Résultat : des hôpitaux en situation de crise qui mettent enfin en place des mesures, qui devaient être prises il y a longtemps.

Renforcement de la sécurité et tri des patients

La plus grande crainte que le retrait des résidents a suscitée auprès des directions des hôpitaux était l’installation de l’anarchie et d’une situation de panique dans les services d’urgences, ce qui les a poussés à prendre des mesures consistant principalement en un tri rigoureux des patients admis aux urgences et en un renforcement des mesures de sécurité.

Le nombre de médecins réquisitionnés ne pouvant être suffisant, les hôpitaux ont décidé de limiter autant que possible le nombre de patients pris en charge dans les urgences.

« Ils ont installé des centres de tri pour ne prendre en charge que les cas graves », selon le Dr Taileb qui ajoute que les établissements publics hospitaliers (EPH ou hôpitaux) ont reçu l’instruction de ne transférer vers les CHU que les cas réellement graves qu’ils ne peuvent pas prendre en charge.

L’accès aux services des CHU a également été restreint pour éviter tout débordement et pour ce faire, des CHU, comme celui de Bab El Oued à Alger, ont renforcé les mesures de sécurité en mobilisant un nombre plus important d’agents de sécurité.

Ces mesures de tri des patients à l’admission auraient dû être la règle depuis toujours pour le Dr Taileb. « Le problème dans les CHU est que, dans les urgences il n’y a habituellement pas de centres de tri et tous les cas sont pris en charge de la même façon quelle que soit la gravité de leur cas, une grippe ou une angine est traitée dans le même ordre de priorité qu’un infarctus, ce qui est très grave », déplore le membre du Camra.

Le renforcement de la sécurité dans les hôpitaux, notamment dans les pavillons d’urgences, est une des revendications récurrentes des résidents et de la plupart des médecins hospitaliers mais à laquelle les autorités ne répondent que par la promesse de l’installation de postes de police dans les hôpitaux. Promesse jamais tenue jusqu’à présent.

« D’habitude, tout le monde peut pénétrer dans n’importe quelle partie d’un hôpital, on trouvait des intrus dans les services même à 2h00 du matin et il y a eu de nombreux vols et agressions », signale le Dr Taileb.

Autre changement constaté dans les CHU, notamment ceux de la capitale, les membres de l’encadrement de ces établissements, comme les directeurs généraux, les chefs de services, les surveillants médicaux sortent de leurs bureaux où ils sont habituellement confinés pour la plupart, et vont au contact des citoyens pour remédier au désordre provoqué par le manque de personnel soignant.

La « réquisition farfelue » des résidents

Un bon nombre de résidents grévistes ont reçu des ordres de réquisitions selon le Dr Taileb mais aucun n’y a répondu favorablement. L’argument utilisé par les médecins grévistes est leur statut d’étudiants.

Dans les ordres de réquisitions envoyées aux résidents, les autorités « se réfèrent à des articles du Code du travail et du Code de la fonction publique qui ne concernent pas les résidents, puisqu’ils ne sont pas fonctionnaires et ne sont pas non plus des travailleurs, comme l’a avoué le ministre du Travail en personne », a affirmé le Dr Taileb.

Pour le Dr Lyes Merabet, président du Syndicat national des praticiens de la santé publique (SNPSP), il s’agit de « réquisitions farfelues » car les résidents sont des médecins généralistes qui poursuivent leur formation pour devenir spécialistes et ne sont pas compétents pour assurer des gardes spécialisées, une tâche qui incombe surtout aux spécialistes hospitaliers qui sont, selon lui, « astreints par leurs statuts à assurer les gardes le plus normalement du monde ».

Le SNPSP a réitéré, lundi 29 avril, sa « solidarité et soutien inconditionnel au Collectif autonome des médecins résidents algériens » et a dénoncé et rejeté le « recours de l’administration de tutelle à des solutions hasardeuses et inadaptées à la solution induite par l’arrêt des médecins résidents de toutes les activités de garde, par le recours systématique aux réquisitions administratives des praticiens médicaux généralistes et spécialistes de santé publique ».

L’arrêt des gardes par les résidents a provoqué une « situation de crise absolue » pour le Dr Merabet, mais reste une action compréhensible car, selon lui, « Lorsqu’on ne perçoit pas de salaire pendant trois mois, on est en droit de se demander pourquoi continuer à assurer les gardes ».

L’arrêt total des gardes par les résidents a mis le ministère de la Santé en face de ses responsabilités tout en faisant éclater au grand jour la réalité de la situation des hôpitaux, notamment en ce qui concerne la gestion des gardes de nuit et de week-end.

Pour le Dr Merabet, le retrait des résidents des CHU depuis quelques jours, malgré les « dommages collatéraux » qu’il a provoqués et qui sont supportés par les autres praticiens de la santé publique, a des effets positifs, notamment celui de « démontrer la désorganisation qui régnait dans les hôpitaux et de dévoiler une situation cachée de la réalité des services spécialisés qui ne fonctionnent pratiquement qu’avec des médecins résidents ».

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