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Les boulangeries ferment les unes après les autres à Alger

Les boulangeries ferment les unes après les autres à Alger

Ce sont les premiers commerces de proximité. Et pourtant, à Alger, il ne se passe pas un mois sans qu’une boulangerie ne baisse rideau. Résultat : les Algérois doivent parfois parcourir des kilomètres pour s’approvisionner en baguettes de pains.

Selon Youcef Kalafat, président de l’Union nationale des boulangers algériens, depuis janvier 2016, 4000 boulangers ont mis la clef sous la porte à l’échelle nationale dont 700 environ pour la seule wilaya d’Alger.

L’augmentation des prix des matières premières et des charges inhérentes à ce métier très exigeant, y sont pour beaucoup dans ces fermetures. Afin de juguler les pertes, de nombreux boulangers mettent le paquet sur la vente de pâtisserie, viennoiserie et pains spéciaux dont les prix sont libres. Les consommateurs, eux, grincent des dents. Les boulangeries de proximité qui vendent la baguette à 10 DA se raréfient au grand dam des consommateurs, dans un pays, où le pain constitue l’aliment de base pour de nombreuses familles.

Reconversion tous azimut des ex-boulangeries

Plus de 700 boulangeries ont baissé rideau dans la wilaya d’Alger. À la rue Ferhat Boussad (Ex- Meisonnier), la boulangerie Boukadoum s’est transformée en commerce de fringues.

Du côté du Debussy, deux boulangeries ont carrément mis la clef sous le paillasson. Au Telemly, trois boulangeries ont disparu. Sur les hauteurs d’El Biar, « Vitamine » une grande boulangerie-pâtisserie qui avait pignon sur le Boulevard Bougara a laissé place à une supérette. « La Duchesse », autre boulangerie connue à El Biar, n’existe plus non plus. A sa place, trône une pizzeria.

On peut multiplier ainsi les exemples à l’envie. Dans de nombreux quartiers d’Alger, il faut souvent battre le pavé avant de dénicher une baguette de pain. Un véritable casse-tête chinois pour les citoyens. « Au Telemly où j’habite, il ne reste plus qu’un seul boulanger. Pourtant, il y à peine trois ou quatre ans, il y en avait plusieurs, révèle un sexagénaire. Je dois marcher jusqu’à l’avenue Pasteur pour acheter mon pain quotidien. Ce n’est pas la porte d’à côté. En plus, le pain ordinaire vendu à 10 DA se fait rare. A partir d’une certaine heure, il n’est plus disponible. On est alors obligé d’acheter des pains spéciaux dont les prix peuvent atteindre jusqu’à 100 DA dans certains boulangerie comme El Biar, Hydra ou Draria. Un coup de massue pour les petites bourses ».

Fermeture en cascade des boulangeries

Youcef Kalafat président de l’Union nationale des boulangers algériens confirme la tendance. « Depuis janvier 2016, nous assistons à des fermetures en cascade des boulangerie. Elles sont 4000 à avoir baissé rideau à travers notre pays et près de 700 dans la wilaya d’Alger. En trois ans, les prix des matières premières comme la farine, la semoule, la levure, l’huile, le sel, les améliorants se sont envolés. Avant, le quintal de farine coûtait 1500 da. Aujourd’hui, il s’affiche à 2000 da, auquel il faut ajouter les frais de transport et de déchargement. L’améliorant a suivi la même courbe. Son prix est passé de 150 da le kilo, à 340 da. Le boulanger est soumis a beaucoup de charges : les impôts, les salaires, la location, les pièces de rechange…D’où la disparition de centaines de boulangeries. Ceux qui tiennent le coup se rattrapent sur la pâtisserie et les pains spéciaux dont les prix sont libres, comme stipulé par la loi », développe-t-il.

Youcef Kalafat pointe la pénurie d’une main d’œuvre professionnelle, qui a également participé à la déperdition de ce noble métier. « Il y a un foisonnement d’écoles privées et étatiques qui forment au métier de pâtissier mais rien concernant la boulangerie. Dénicher de la main d’œuvre dans ce domaine est devenu problématique. Cette pénurie pousse de nombreux boulanger à fermer boutique ».

Pâtisserie et pains spéciaux à la rescousse

Les boulangers qui ont résisté, ont dû trouver une entourloupe afin de dégager des bénéfices : mettre le paquet sur les viennoiseries, pâtisseries orientales et fines ainsi que sur les pains spéciaux (seigle, son, complet, olives…).

Salim (36 ans), tient une boulangerie à la rue des Frères Berrazouane (Alger Centre). Il avoue avoir sa stratégie pour garder la tête hors de l’eau. « Si je devais vendre la baguette ordinaire à 8, 50 da selon le prix fixé par la loi, j’aurais fait faillite depuis longtemps » avoue- t- il. « Tous les produits ont connu une hausse vertigineuse : levure, huile, farine, améliorant…Pour compenser ces augmentations, je commercialise du pain d’orge, pain au lait, semoule…Bien sûr, il y a aussi la baguette dite normale à 10 da mais à partir de 16 h, j’arrête d’en préparer pour mettre en avant les pains spéciaux. Sans ces pains ainsi que les gâteaux et autres viennoiserie, je baisserai rideau. Il n’y aurait aucune rentabilité pour moi. Et cela, certains clients ne le comprennent pas. Il y en a même qui font un scandale lorsqu’ils ne trouvent plus de baguettes ordinaires. Mais à la fin du mois, ce n’est pas eux qui doivent payer les salariés et toutes les autres charges ».

Boulanger : un métier très exigeant

Le métier de boulanger est très exigeant. Le travail commence lorsque les autres sont en plein sommeil. Youcef Kalafat (62 ans) tient une boulangerie à Meftah, dans la wilaya de Blida.

« Cela fait 21 ans que je suis au fournil. Je commence le travail à 1h00 du matin afin d’honorer les commandes des cantines scolaires, celles des entreprises, des réfectoires de la police et de la protection civile. À 5h00 du matin, tout est prêt. Ce métier requiert sérieux, passion et sacrifice. Sinon, mieux vaut prendre une autre voie », explique-t-il.

Le manque de main d’œuvre qualifiée, l’envolée des prix des matières premières, la cherté des loyers, la hausse des prix des transports et autres charges salariales mettent en danger le premier commerce de proximité en Algérie. La disparition de nombreuses boulangeries est accompagnée d’une détérioration de la qualité du pain à cause de l’utilisation des fours rotatifs et des améliorants.

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