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Les propos du commissaire du Sila, symbole de l’insoutenable condition de la femme algérienne

Les propos du commissaire du Sila, symbole de l’insoutenable condition de la femme algérienne

NEWPRESS

8441 plaintes ont été enregistrées par la police durant les neuf premiers mois de l’année 2016 pour des cas de violences faites aux femmes, dont 6080 physiques et 2026  de maltraitance.. En 2015, 9663 cas de violences sur des femmes ont été enregistrés par la police, tandis que 6983 plaintes pour violences contre les femmes ont été déposées en 2014. Le chiffre est en constante progression, année après année, et rien n’indique que la tendance ait baissé durant l’année 2017.

En parallèle, 8094 de femmes en situation difficile ont été prises en charge en 2016 au sein au niveau des centres nationaux d’accueil destinés aux femmes victimes de violences. Il s’agit là de femmes en situation de profonde détresse à la suite de violences, notamment conjugales, qui n’ont nulle part où aller. Le nombre de centres et la prise en charge demeurent d’ailleurs insuffisantes.

Tragiquement, ces statistiques ne reflètent pas l’étendue des violences que subissent les femmes en Algérie. Ces chiffres ne représentent en effet que de femmes ayant effectué des démarches après avoir été victimes. Combien sont-elles à ne pas avoir franchi le pas par peur de représailles, ou par résignation ? Des dizaines voire des centaines de milliers de femmes sont victimes de violences physiques, psychologiques ou sexuelles en Algérie. Ceci sans mentionner les millions de femmes harcelées verbalement ou sexuellement au quotidien. Dire que la situation de la femme algérienne est précaire relève, au mieux, de l’euphémisme. La réalité de la femme algérienne est insondable.

Cette réalité, le commissaire du Salon international du livre d’Alger (Sila) n’a absolument pas semblé en avoir cure lorsqu’il s’est permis le luxe de faire de l’humour au sujet de la violence contre les femmes. Dans un entretien accordé à la chaîne de télévision Ennahar, Hamidou Messaoudi a évoqué une brochure bloquée par le Sila sur les « manières de battre la femme ».

« Dans certains cas, je vous jure que ce livre est utile […] Même s’il frappe, que le mari frappe sa femme avec douceur », a déclaré, hilare, le commissaire du Sila. L’humour est graveleux, abjecte. Indigne pour un citoyen lambda, il devient insoutenable lorsqu’il sort de la bouche de la personne supposée gérer le plus grand rendez-vous littéraire du pays.

Face au torrent de critiques et de dénonciations auquel il a été confronté à la suite de ses propos abjectes, Hamidou Messaoudi a dès le lendemain présenté ses excuses par le biais d’un discret communiqué. « Si j’ai pu, bien involontairement, choquer quelques téléspectateurs et téléspectatrices, je m’en excuse sincèrement auprès d’eux », écrit simplement Messaoudi. Néanmoins, ses excuses dans le communiqué n’interviennent pas avant qu’il ne justifie la polémique par son attachement à « l’humour populaire qui fait partie de la culture et de la sagesse de notre peuple ».

En d’autres termes, l’argument du commissaire du Sila veut ce n’est au fond pas de sa responsabilité si l’humour de la société algérienne puise dans les violences commises contre les femmes. Rien que ça. Dans n’importe quel pays fonctionnel, l’intéressé aurait immédiatement présenté sa démission face à la polémique. Mais l’Algérie n’est pas un pays fonctionnel.

Pire, l’affaire prend une tournure insupportable lorsque le ministre de la Culture, Azzedine Mihoubi, s’est exprimé sur la polémique en apportant son soutien au commissaire du Sila. « Je ne m’attendais pas à ce que les gens transforment une plaisanterie en polémique », a déclaré le ministre. « M. Messaoudi s’est excusé. Il n’avait aucune intention de porter atteinte à la femme », estime M. Mihoubi, reconnaissant simplement que M. Messaoudi a manqué de rigueur dans sa prise de parole

« Nous refusons toute atteinte à la dignité, à la liberté et à la place de la femme », a affirmé par ailleurs Azzedine Mihoubi. Pourtant, qu’a bien pu faire le commissaire du Sila par le biais de ses déclarations si ce n’est porter atteinte à la dignité de la femme ?

Le ministre est un représentant de l’État algérien. En apportant son soutien à un homme reconnu de nonchalance sur un sujet aussi sensible et crucial que la condition de la femme algérienne, en refusant d’appliquer la moindre sanction face à un insoutenable dépassement, Azzeddine Mihoubi envoie le signal clair que le gouvernement algérien cautionne l’intolérable.

Si tel est effectivement le cas, le gouvernement dont fait partie Mihoubi serait mieux avisé de taire ses prétentions de vouloir faire avancer la condition de la femme et d’admettre sa pleine responsabilité dans le maintien de la femme algérienne dans son état de servitude qui ne dit pas son nom.

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