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Lutte anti-Covid : la stratégie « incomprise » de l’Algérie

Lutte anti-Covid : la stratégie « incomprise » de l’Algérie

L’Algérie fait face à une flambée inédite de la pandémie de Covid, avec un nouveau record historique de 2215 cas recensés en 24 heures lundi 24 janvier. Le même jour, le gouvernement a reconduit le même dispositif anti-Covid, en vigueur depuis plusieurs moins.

Aucune nouvelle mesure pour endiguer la propagation du virus n’a été prise, ce qui suscite l’incompréhension chez les spécialistes. Ceci, alors que le nombre des contaminations quotidiennes a franchi la barre des 2 000 cas enregistrés en 24h depuis le 23 janvier.

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Pour le Pr Salah Lellou, chef de service pneumologie à l’EHU d’Oran, la fermeture des écoles, qui a été annoncée mercredi 19 janvier, est non seulement « insuffisante » mais elle est venue « très en retard ».

« L’Omicron se propage facilement. Ce n’est pas en fermant les écoles qu’on va l’arrêter, et ce parce qu’il y a foule dehors dans les marchés. Il y a plusieurs moyens pour qu’il se propage », relève-t-il, ajoutant qu’il aurait fallu prendre, en amont, les dispositions générales lorsque ce variant n’était pas encore arrivé en Algérie, en renforçant les mesures de contrôle aux frontières, en faisant respecter les gestes barrières et en imposant le passe vaccinal.

Le Pr Salah Lellou dit espérer que cette nouvelle vague ne sera pas aussi meurtrière que la précédente qui a frappé violemment l’été dernier l’Algérie, faisant plusieurs morts et provoquant la pénurie de l’oxygène dans les hôpitaux.

Faute d’avoir anticipé sur cette nouvelle propagation de l’Omicron mais aussi le Delta, on se met à gérer les conséquences, pointe le Pr Lellou. « Maintenant, il faut qu’il y ait plus de lits pour recevoir les patients qui nécessitent une hospitalisation, qu’il n’y ait pas de pénurie de produits médicamenteux, d’oxygène, etc. », préconise le pneumologue.

Le constat est partagé par le Pr Idir Bitam, spécialiste des maladies transmissibles et des pathologies tropicales, qui critique des « mesures très insuffisantes pour la situation que nous vivons maintenant » marquée par un taux de contaminations exponentiel.

« On a deux courbes en même temps : Delta et Omicron. Nous assisterons à une hausse encore plus importante jusqu’à la première ou deuxième semaine de février », anticipe le spécialiste.

« D’ici le pic, les personnes contaminées peuvent l’être avec le variant Delta qui est plus virulent et donne des symptômes plus graves », met-t-il en garde.

Pour le Pr Bitam, le variant Omicron est source d’espoir « car il ne fait pas autant de dégâts que le Delta ». « Il y a eu plusieurs cas d’hospitalisation en Afrique du Sud et en Europe à cause de l’Omicron mais pas de décès. On espère vraiment que la majorité des Algériens soit contaminée par Omicron, sauf les personnes âgées et les malades chroniques qui ne sont pas vaccinés et susceptibles d’avoir des complications », explique-t-il.

L’urgence, selon le Pr Bitam, c’est de relancer les campagnes de sensibilisation dirigées vers le personnel médical et universitaire. L’objectif, précise-t-il, est de « vacciner cette tranche de la population algérienne surtout qu’il s’agit d’une catégorie qui peut comprendre les termes scientifiques et techniques et ainsi les transmettre aux gens », argue-t-il.

Vaccination : « Sans sensibilisation, ça ne marchera pas »

Le ministère de la Santé a annoncé, ce mardi sur Echorouk News, que le taux de vaccination contre le Covid-19 en Algérie ne dépasse pas 13 % de vaccinés rapportés à la population générale (29 % de la population adulte). Pourquoi un si faible taux ?

« Il n’y a pas eu une bonne stratégie de sensibilisation » en Algérie, répond Idir Bitam qui exhorte à faire intervenir les spécialistes dans la recherche médicale pour mieux donner des informations scientifiques au personnel médical et universitaire.

« On ne fait toujours pas confiance aux chercheurs dans le domaine de la sensibilisation alors qu’ils peuvent contribuer plus efficacement », déplore-t-il. Et alors que le ministère de la Santé a annoncé le lancement d’une nouvelle campagne nationale de vaccination contre le Covid, sa réussite dépend du niveau de sensibilisation auprès de la population et des catégories professionnelles (médecins, enseignants), met en garde le Pr Idir Bitam. « Sans sensibilisation ça ne marchera pas. Les gens ont toujours peur des vaccins », prévient-il.

Des tests anti-Covid toujours aussi chers

Les plus de 2.000 cas positifs au Covid-19 recensés ces tout derniers jours ne reflètent pas la réalité des contaminations, concède le Dr Mohamed Yousfi, président de la Société algérienne d’infectiologie (SAI).

« C’est beaucoup plus important, 5 ou 6 fois plus », tranche l’infectiologue chef de service à l’EPH de Boufarik (Blida). Et d’expliquer que la majorité des tests sont réalisés « en externe » et que les tests antigéniques et PCR réalisés dans des laboratoires privés « ne sont pas comptabilisés dans la plateforme du ministère de la Santé ».

« Les chiffres annoncés proviennent des cas testés. Or, beaucoup de personnes ne le font pas. Il est question de familles entières », selon le Dr Yousfi qui explique ce fait par la cherté des tests anti-Covid dont les prix demeurent hors de portée pour une majorité d’Algériens.

Ce qui ne manque pas, ajoute-t-il, de mettre à mal le déroulement des enquêtes épidémiologiques. « Un chef de famille qui est contaminé peut infecter le reste de sa famille, mais il ne se fait pas tester parce que le prix n’est pas à sa portée », déplore le Dr Mohamed Yousfi.

« Si on veut vraiment prendre en charge cette pandémie sous tous les aspects, il faut une prise en charge par l’Etat de ces tests. Pourquoi ne pas les rendre gratuits », plaide l’infectiologue.

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