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Lutte contre le trafic de psychotropes : l’ordonnance à trois souches divise

Lutte contre le trafic de psychotropes : l’ordonnance à trois souches divise

Le trafic de psychotropes a pris une ampleur considérable ces dernières années en Algérie. Régulièrement, les services de sécurité annoncent d’importantes saisies de ces médicaments, objet d’un trafic juteux. Pour lutter contre ce phénomène, le gouvernement a pris des mesures. Ainsi, un décret exécutif fixant les modalités de contrôle administratif, technique et de sécurité des substances et médicaments ayant des propriétés psychotropes, publié dans le Journal officiel du 5 janvier dernier, entre en vigueur le 3 novembre prochain. Mais ce décret ne fait pas l’unanimité parmi les médecins et les pharmaciens.

« Un décret rédigé dans la précipitation sans les psychiatres »

« Ce décret a été rédigé dans la précipitation, en dépit du bon sens, sans avoir consulté les principaux concernés, les psychiatres, et sous la pression du syndicat des pharmaciens, le Snapo », accuse le Dr Mahmoud  Boudarene, médecin-psychiatre, interrogé par TSA.

Selon lui, « ce décret pointe du doigt le médecin et en fait le pourvoyeur des drogues, alors que cela est totalement faux et injuste ». 

« Les médecins et les pharmaciens indélicats existent. Il faut les punir sévèrement s’ils se sont rendus coupables de prescriptions complaisantes de psychotropes mais il ne faut pas stigmatiser les malades, et il ne faut pas montrer du doigt le médecin qui n’est en aucun cas responsable du trafic de psychotropes », clame-t-il.

À la faveur du nouveau décret, « aucune prescription de (ces) médicaments ne sera autorisée avec une ordonnance ordinaire mais une ordonnance à plusieurs copies de différentes couleurs avec un numéro de série ».

Une disposition critiquée par le psychiatre. « Ce type d’ordonnance stigmatise le malade et ne règle pas le problème. Cette procédure complique l’acte médical et le rend d’autant plus complexe qu’un registre doit être tenu par le médecin et qu’il faut le faire parapher tous les mois par la DSP (direction de la santé) », dénonce le Dr Boudarene.

Le SNPAA appelle à reporter l’application du décret   

Le Syndicat national des pharmaciens algériens agréés (SNPPA) pointe la conjoncture dans laquelle le décret a été publié, marquée par la crise sanitaire liée au Covid-19.

« Ceci a poussé le gouvernement à publier le texte dans la précipitation », souligne le SNPAA dans un communiqué. Selon le président du SNPAA, Toufik Bentouila, la non-publication de la liste des produits autorisés dans le Journal officiel rend « impossible » l’application dudit décret et engage les pharmaciens dans des procédures judiciaires qui pourraient les conduire en prison « pour avoir exercé leur métier en délivrant des médicaments qui ne sont pas classés comme psychotropes ».

Le SNPAA « appelle à la nécessité de reporter l’application du décret » et propose de procéder à sa révision « de façon à garantir les droits des malades et des professionnels de la santé et parmi eux les pharmaciens. »

« Tout le monde savait qu’un décret était en préparation »

Le président du Snapo, Messaoud Belambri assure que le décret « n’a pas été fait dans le secret », en réponse aux critiques sur l’exclusion de certains acteurs du secteur pour sa rédaction.

« Tout le monde savait qu’il y avait un décret en préparation qui a été publié au JO le 5 janvier 2020 », se défend M. Belambri dans une déclaration à TSA. Selon lui, le texte devait entrer en vigueur en avril avant qu’il ne soit reporté. « Ceux qui s’opposent au texte devaient prendre leurs dispositions », estime-t-il.

A ceux qui demandent le report, M. Belambri répond qu’il faut « au moins 3 mois » pour le faire, mais que pendant ce temps, à partir du 3 novembre le texte entre en application « par la force de la loi ».

L’institution d’une ordonnance à trois souches vise à « sécuriser, attester la validité et l’authenticité de la prescription », relève Belambri. Il atteste que les pharmaciens ont affaire sur le terrain à beaucoup de fausses ordonnances. « Avec les ordonnances à souches, il y a une sécurisation et une authentification de la prescription », assure-t-il. M. Belambri annonce que l’ordonnance électronique est en projet.

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