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Maghrébins en France : l’extrême-droite franchit une autre ligne rouge

Maghrébins en France : l’extrême-droite franchit une autre ligne rouge

La mort de Thomas, un jeune Français de 16 ans lors d’une rixe à Crépol dans la Drôme (France) s’est retrouvée au cœur de manœuvres politiques où l’extrême-droite veut imposer son récit pour entretenir un discours anti-maghrébin.

L’extrême-droite s’est saisie du drame pour le transformer en conflit entre les Français sur la base de leurs origines. Dans cette affaire, ce sont les Français d’origine maghrébine qui sont visés. L’extrême-droite n’en démord pas malgré l’enquête policière qui dément le récit de l’extrême-droite sur la mort de Thomas.

C’est un os que l’extrême-droit ne veut pas lâcher. Quitte à manipuler la réalité et les faits. L’affaire de Crépol, ce village de la Drôme où une bagarre entre jeunes s’est terminée par la mort de Thomas Perotto, met en émoi la France.

Non seulement pour la mort tragique d’un adolescent, mais aussi pour la charge symbolique de ce conflit entre jeunes. Une charge montée de toutes pièces par les figures d’extrême-droite qui ont vu à travers ce drame la preuve que la France est entrée dans un conflit civil sourd et une guerre de territoire entre les Français d’origine maghrébine et les Français blancs.

La raison invoquée ? Les prénoms des personnes mises en examen à l’issue de ce drame. L’une d’entre elles se prénomme Ilyes. Cette information a suffi à l’extrême-droite pour transformer ce fait divers en acte de racisme anti-blanc, puisque l’un des jeunes impliqués portait un prénom d’origine maghrébine.

Les figures extrémistes évoquent une sorte de guerre sourde et assumée lancée par les jeunes de cités de Romans-sur-Isère à l’encontre des rugbymen du village de Crépol.

Marine Le Pen est allée jusqu’à évoquer la présence de « milices armées qui opèrent des razzias ». Le mot « razzia »  est fortement connoté en France. Ce terme d’origine arabe invoqué ici sert une rhétorique connue de l’extrême-droite, celle d’une nouvelle croisade.

Ces jeunes d’origine étrangère auraient volontairement organisé une expédition punitive à Crépol selon les figures de l’extrême-droite. Une théorie basée uniquement sur le prénom de ce jeune Français d’origine maghrébine. Un peu léger. Mais cela fonctionne auprès d’une partie de l’opinion publique française acquise aux thèses de l’extrême-droite.

Affaire Crépol : une enquête qui contredit le récit de l’extrême-droite

Que s’est-il réellement passé à Crépol ? Le journal Le Parisien a publié, mardi 5 décembre, des éléments importants de l’enquête menée par les gendarmes de la section de recherches de Grenoble sur ce drame.

Neuf suspects ont été interrogés par les gendarmes sur leur implication présumée dans le drame. La première information majeure qui vient démentir les interprétations de l’extrême-droite est que ces jeunes s’étaient rendus au bal où a eu lieu le drame pour s’amuser et rencontrer des filles. Ils avaient trouvé l’événement sur les réseaux sociaux et s’étaient décidés à participer aux festivités.

Leur présence au bal a été remarquée, mais plutôt en raison de leur décalage d’attitude et vestimentaire dans ce village de Crépol où l’on apprécie peu les jeunes de Romans-sur-Isère. Une mauvaise ambiance régnait, mais rien ne laissait penser à cette fameuse expédition punitive brandie par l’extrême-droite.

La soirée a dérapé lorsque Thomas L., un rugbyman de Crépol, est allé tirer les cheveux longs de Ilyes au moment de la diffusion de la chanson « Tchikita » du chanteur Jul.

Thomas lui a tiré les cheveux en le comparant à la Tchikita (fille en espagnol) de la chanson, ce qui a mis le feu aux poudres. Les deux jeunes en sont venus à une confrontation tendue et violente qui s’est terminée par une explication à l’extérieur de la salle des fêtes. D’après les gendarmes, c’est ce conflit qui aurait pu déclencher la rixe entre les jeunes de Romans et de Crépol.

Autre élément qui change la version politisée de l’extrême-droite. Le Thomas qui est allé provoquer Ilyes aurait signifié à une amie, avant la bagarre, qu’il avait envie de « taper des bougnoules ».

Selon le Parisien, le meurtrier n’est toujours pas identifié. Deux jeunes sont soupçonnés d’avoir porté le coup fatal à Thomas P : Ilyès Z., 22 ans, d’origine maghrébine, et un adolescent de 17 ans qui « porte un prénom et un nom historiquement français », selon Le Parisien. L’identité de ce dernier n’a pas été divulguée parce qu’il est mineur.

L’extrême-droite ne démord pas

Ces détails de l’enquête de la gendarmerie dévoilent les réelles circonstances de ce drame. Si l’on pressent une tension ancienne entre jeunes de deux territoires distincts, nous sommes loin d’une forme d’attaque franche menée par des jeunes d’origine arabe qui cherchent à conquérir un village de Français blancs, comme l’a soutenu l’extrême-droite.

Pourtant, ces éléments n’ont pas fait reculer le Rassemblement National ou encore le parti Reconquête d’Éric Zemmour. Pas de mea culpa de leur part, mais plutôt une insistance.

Le compte officiel du mouvement jeune de Reconquête sur X, persiste et signe sur les origines des jeunes de Romans et l’affaire de Crépol.

Au lendemain de la publication des détails de l’enquête, sous le #Crepol, le compte diffuse une interview de Marion Maréchal Le Pen qui appelle à déchoir de leur nationalité les binationaux fichés S. Le lien entre cette affaire drômoise et le système de fichage des personnes à surveiller dans le cadre de la lutte anti-terroriste est grossier. Mais il sert encore une fois la rhétorique d’extrême-droite, évoquant une idée de guerre de territoires.

Même du côté médiatique, les éléments de l’enquête des gendarmes sont démontés par les figures qui servent le discours de l’extrême-droite.

Sur Cnews, Pascal Praud va jusqu’à décrédibiliser ces informations diffusées par Le Parisien, car elles ne servent pas la version de la « razzia ».

Pour le journaliste devenu célèbre pour ses dérapages xénophobes, cette version de l’enquête n’a pas été officiellement diffusée par la gendarmerie et n’a donc aucune valeur. Plus grave, Pascal Praud accuse ce qu’il appelle le système de chercher à déformer le récit de ce qui s’est passé à Crépol, ou plutôt celui donné par l’extrême droite.

Les faits n’ont plus d’importance, le projet politique semble être plus important dans cette triste affaire. Cela donne un aperçu sur ce que ferait l’extrême-droite des enquêtes judiciaires concernant des affaires où sont impliqués des Français d’origine immigrée s’il prendrait le pouvoir en France.

Le système qui s’organise pour diffuser ces campagnes d’informations mensongères est aussi très inquiétant. Outre l’appui de certains médias, l’extrême-droite française a révélé à travers cette affaire ses soutiens au sein des services de police et de gendarmerie.

En effet, la fachosphère s’est très vite procurée les identités des personnes suspectées dans cette affaire, notamment leurs prénoms. C’est ainsi qu’elle a pu monter en épingle cette histoire d’attaque organisée par des Français musulmans.

Le Canard Enchaîné s’interroge sur la diffusion de ces informations supposées être confidentielles. « Les liens entre forces de l’ordre et ultra-droite inquiètent l’Intérieur qui surveille déjà de nombreux flics et gendarmes… », publie Le Canard Enchaîné sur X.

L’extrême-droite n’est pas la seule à faire du moindre drame une excuse pour alimenter la haine anti-immigrés et anti-musulman en France.

Elle est largement soutenue par des acteurs au sein des médias et des services de sécurité. Alors qu’elle n’est même pas encore au pouvoir, l’extrême-droite française se révèle de plus en plus solide et soutenue.

À trois ans du prochain scrutin présidentiel, cette position et ces forces que l’extrême-droite a su développer sont inquiétantes pour l’avenir de la France.

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