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Maroc : trois questions pour comprendre la protestation dans le Rif

Maroc : trois questions pour comprendre la protestation dans le Rif

La tension reste à son extrême dans la région du Rif. Depuis des mois, cette région berbère du nord marocain vit au rythme d’un mouvement de manifestations et de protestations populaires. Jusque-là pacifique, ce mouvement a, toutefois, pris une tournure violente vendredi dernier lorsque la police marocaine a tenté d’employer la force pour arrêter Nasser Zefzafi, leader du mouvement de contestation. Comment est né ce mouvement et quelles sont ses revendications ?

Comment est né le mouvement ?

Tout a commencé le vendredi 28 octobre 2016, quand Mouhcine Fikri, poissonnier à Al-Hoceïma , a tenté d’empêcher des agents de la ville de détruire sa marchandise, des espadons, dont la pêche est interdite durant la saison. Happé par la benne à ordures sous les yeux des forces de l’ordre, le trentenaire est mort dans des circonstances atroces. Une photo de lui a circulé sur les réseaux sociaux, le montrant mort, sa tête et son bras dépassant le mécanisme de compactage.

Cette tragédie a très vite mobilisé les foules dans toute la région du Rif. Plusieurs manifestations ont été organisées ou improvisées pour dénoncer la « hogra », exiger des autorités marocaines de faire la lumière sur cette affaire et demander une peine sévère pour les coupables.

Face à ces premières tensions, les autorités marocaines ont tenté de jouer la diplomatie. Le roi Mohamed VI, qui se trouvait à l’époque en Tanzanie pour plaider le retour de son pays à l’Union africaine, a dépêché son ancien ministre de l’Intérieur, Mohammed Hassad, à Al-Hoceïma pour présenter « les condoléances et la compassion » du monarque à la famille du défunt. Il a également ordonné l’ouverture « d’une enquête minutieuse et approfondie ».

Mais la réaction, en apparence positive, du makhzen n’a pas fait cesser les manifestations. Début novembre, cette ville côtière de 55.000 habitants a été le théâtre d’une autre manifestation monstre pour rendre hommage au défunt. Munis de bougies à la main, les manifestants ont scandé encore des slogans à l’adresse du « Makhzen ».

C’est à ce moment que les autorités marocaines sont passées à l’offensive pour circonscrire la protestation. Le makhzen, qui montrait des signes d’inquiétude quant à l’embrasement de la situation, a utilisé internet pour véhiculer ses mises-en-garde. En effet, « des robots » ont fait leur  apparition sur Twitter afin de « relayer la communication royale et l’état d’avancement de l’enquête sur la mort de Mouhcine Fikri », écrivait le Desk. Et d’ajouter : « Bien que non identifiés, ces robots reflètent l’inquiétude suscitée par la mobilisation populaire en mettant en avant le risque de ‘fitna’ qui guetterait le pays ».

Que revendique le mouvement ?

Les inquiétudes du Makhzen se sont avérées justes. Les Rifains n’ont pas abandonné le terrain. Leurs revendications, quant à elles, dépassent désormais le cadre de la vérité sur la mort de Mouhcine Fikri.

Portées par un mouvement contestataire de plus en plus organisé, ces revendications sont devenues sociales, économiques et culturelles. À la tête de ce mouvement : Nasser Zefzafi, 39 ans. Ce militant, inconnu du grand public avant ces événements, s’est distingué par ses discours virulents et sa défiance au Makhzen.

Dans un entretien accordé au quotidien Le Monde, il n’a pas hésité à critiquer Mohamed VI. « Le roi n’est pas sacré. On lui doit le respect mais il peut et doit être critiqué », a-t-il déclaré. Lors de ses sorties sur les réseaux sociaux ou bien sur le terrain, il garde la même virulence. Sur l’une de ses vidéos, il n’hésite pas à défier des militaires qui tentaient de l’empêcher d’assister à une manifestation. « Allez-y à Guerguerat (un petit hameau du sud-ouest du Sahara occidental occupé où les troupes du Polisario ont empêché l’armée marocaine de construire une route) », a-t-il lancé en leur direction.

De son côté, le pouvoir marocain a opté pour l’offensive, allant jusqu’à accuser les protestataires de « séparatistes », pour ensuite faire machine arrière. Soufflant le chaud et le froid, le Makhzen a fini par sortir son chéquier après la dernière manifestation monstre du 18 mai : près d’un milliard de dollars pour relancer plus de 530 projets de développement.

Risque d’embrasement

Toutefois, les tentatives du pouvoir marocain de mettre fin à la contestation dans cette région se sont soldées toutes par un échec total. Les manifestations dans le Rif ne se sont pas estompées. Et le mouvement de protestation ne cesse de prendre de l’ampleur.

Ce mouvement, qui se voulait pacifique, a connu une escalade subite vendredi dernier lorsque des policiers sont venus arrêter Nasser Zefzafi sur ordre du procureur du roi. Accusé d’avoir « empêché le prédicateur de poursuivre son prêche » lors de la grande prière du vendredi, l’insurgé du Rif a vu toute une escouade de policiers débarquer chez lui pour l’arrêter.

| LIRE AUSSI : Le leader de la contestation du Rif recherché par la police

Une escouade très vite repoussée par les partisans du mouvement à coups de projectiles. Depuis le début de la contestation du Rif, c’est la première fois où la région connait des émeutes. Une série d’arrestations a eu lieu par la suite. L’on parle de 40 personnes, selon la presse marocaine. Quant à Zefzafi, il est en cavale.

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