La force multinationale déployée en Mer Rouge et les frappes américaines et britannique sur les Houthis au Yémen sont-elles inutiles ? De nombreux dirigeants et experts occidentaux le pensent en tout cas. Les Houthis sont déterminés et rien ne semble en mesure de les arrêter. Même le président américain Joe Biden est de cet avis.

Depuis le 19 novembre, en soutien à Gaza qui subit les bombardements israéliens depuis le 7 octobre dernier, les Houthis font la loi dans le golfe d’Aden et en Mer Rouge.

Par leurs attaques contre les navires ayant un lien avec Israël ou se dirigeant vers les ports de ce pays, ils ont contraint de nombreuses compagnies maritimes mondiales à éviter le passage par le canal de Suez, optant pour de longs et coûteux détours par le cap de Bonne Espérance, en Afrique du Sud.

En décembre, les États-Unis ont mis en place avec dix autres pays une force multinationale pour la protection de la navigation maritime dans cette zone névralgique où transitent 12 % du commerce mondial. Depuis le 12 janvier, Américains et Britanniques ont mené plusieurs frappes contre des positions du groupe rebelle sur le territoire du Yémen.

Des actions que même leurs auteurs jugent toutefois peu efficaces. Jeudi 18 janvier, à la veille de nouvelles frappes américaines, le président Joe Biden a reconnu qu’elles ne pourraient pas mettre un terme aux attaques des Houthis, indiquant que ces derniers vont continuer malgré les représailles à s’attaquer aux navires marchands.

Un scepticisme partagé par de nombreux analystes cités par le média britannique The Independant, estimant que les frappes peuvent constituer un palliatif immédiat mais en aucun cas une solution sur le long terme.

« Rien dans le récit des Houthis ne suggère qu’ils ont l’intention de s’arrêter, quel qu’en soit le prix », analyse Alessio Patalano, professeur de stratégie et doctrine maritimes au King’s College de Londres.

Tout en reconnaissant l’efficacité des premières frappes, puisque on est passé « de plus de 20 missiles et drones par attaque à des tirs isolés » contre les navires marchands, le professeur estime néanmoins qu’il serait naïf d’espérer empêcher complètement les attaques des Houthis.

« Convaincre les Houthis d’arrêter leurs attaques en Mer Rouge semble impossible »

Le problème réside dans la capacité des États-Unis à anéantir les moyens des Houthis à plus long terme, indique pour sa part Baraa Shiban, expert du Yémen au Royal United Services Institute (Londres), expliquant que les Houthis sont habitués à ces situations, sont très mobiles et « ont adapté leurs capacités militaires à la manière de soutenir une campagne aérienne contre des frappes ciblées ».

Comme l’a dit Joe Biden, les Houthis constituent toujours une menace, et leur impact économique s’accentuera si les frappes se poursuivent pendant des mois.

Détruire la capacité offensive des Houthis ou les convaincre d’arrêter semble désormais impossible, insiste le professeur Patalano qui estime que les États-Unis chercheront à faire évoluer leur stratégie en gardant à l’esprit cette nouvelle réalité.

« Il faut une combinaison de différentes stratégies qui minimisent les risques dans différents contextes », suggère l’expert britannique.

Outre la difficulté de venir à bout des Houthis, ces derniers risquent aussi d’agrandir leur aura dans la région, souligne Baraa Shiban, qui a négocié par le passé avec le mouvement yéménite pour le compte du gouvernement de Sanaa.

« De nombreux pays arabes célèbrent ce que font les Houthis, le seul groupe à tenter de riposter contre Israël (…) Peut-être qu’ils le font pour d’autres raisons, pour essayer de détourner l’attention des problèmes internes, mais ce n’est pas ce que voient de nombreux Arabes », signale-t-il.

L’autre indice de l’inefficacité des frappes américaines contre les Houthis est le refus de la France ainsi que des pays arabes de la région de participer à la coalition formée par les États-Unis pour assurer la sécurité de navigation en Mer Rouge.