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Migration : du Maroc à Barbès, le long voyage des mineurs vagabonds

Migration : du Maroc à Barbès, le long voyage des mineurs vagabonds

Cachés dans les ferries au départ de Ceuta, Melilla ou bien Tanger, de jeunes marocains tentent de rejoindre l’Europe. Une poignée de ceux qui y parviennent finissent par atteindre Paris, où leur isolement et leur mode de vie préoccupent la Mairie et les associations d’aide aux mineurs étrangers. Qui sont-ils ? D’où viennent-ils ? Eléments de réponse

Ils seraient une centaine à errer dans Paris, selon les estimations de l’Office français de l’immigration et de l’intégration rapportées par Le Monde. La Mairie de Paris, que la situation inquiète, a pu en identifier 24, âgés de 9 à 16 ans. Regroupés dans le quartier de Barbès, situé dans le XVIIIème arrondissement, ils suscitent l’inquiétude de plusieurs riverains qui décrivent des faits de bagarre, d’agressions, de vols et de dégradations diverses, relate Le Monde. Une délinquance parfois exacerbée par l’inhalation de colle, une pratique qui ne concerne « pas l’ensemble des jeunes », rappelle l’association Hors La Rue, contactée par Le Desk et chargée d’accompagner les mineurs étrangers.

Afin de leur venir en aide, la mairie a mandaté l’association Trajectoires pour déterminer les profils et les parcours migratoires de ces mineurs en situation de rue, qui vivent regroupés et peuvent être sous l’emprise de drogues. Pour Alexandre Le Cleve, l’un des dirigeants de Trajectoires, le caractère inédit de la combinaison de ces trois facteurs complique la tâche des structures de la capitale.

Ceuta et Melilla, portes d’entrée vers la « ville lumière »

Chez Hors la Rue, on tente de « tisser un lien de confiance » avec des jeunes parfois déboussolés et méfiants vis-à-vis des instituions. Les premiers contacts font ressortir quelques lieux : Tanger, Fès, Rabat. L’Allemagne, la Suède et l’Italie aussi, pour certains des adolescents présents depuis puis longtemps. La majorité sont passés par l’Espagne, où une partie d’entre eux auraient été pris en charge une première fois avant de quitter les lieux. A Melilla, ils passent la frontière avec les journaliers, puis se cachent entre les tracteurs et les attelages des camions qui franchissent le détroit, entassés sur les ferries.

Les études menées par Trajectoires, qui n’en sont qu’à leur début, mettent elles aussi l’accent sur Tanger, où s’effectueraient la majorité des passages, via les poids lourds mais aussi, parfois, les campings-cars de touristes sur le départ. C’est là que se lieraient les adolescents, dont les profils ne sont pas forcément similaires, comme le rappelle Alexandre Le Cleve. Aux enfants déjà en situation de rue au Maroc s’ajoutent d’autres mineurs, « qui ne seraient pas forcément en rupture familiale » –  certains même, originaires de Tanger, tenteraient le passage « à la sortie de l’école » –  et deviendraient véritablement enfants des rues lors du débarquement en Europe.

D’autres passent par Ceuta, comme le relate le journal espagnol El Mundo. Agés de 11 à 14 ans, ils y vivotent dans un hangar, en attendant l’opportunité de partir pour ce qu’ils pensent être « la belle vie ». L’enclave espagnole craint aussi ces mineurs désorientés : la mort, il y a trois semaines, d’un jeune ceuti agressé sur la plage par un des mineurs vagabonds qui tentait de lui dérober son portefeuille et sa chaîne en or attise les tensions, rapporte le quotidien madrilène.

Le reporter, qui les a rencontré dans le bâtiment militaire désaffecté qu’ils occupent, décrit des adolescents perdus, issus des milieux populaires ou déjà enfants de la rue de l’autre côté de la frontière, pour lesquels le haschich, le rhum et la colle sont devenus des échappatoires quotidiens. Les 15 jeunes du hangar se seraient glissés parmi les journaliers qui franchissement légalement la frontière de Tarajal. Trois adultes vivent également avec eux. L’un d’eux, surnommé Berkani, ancien narco-trafiquant revendiqué à Almeria, se charge de leur fournir la drogue et profite de leur addiction pour commettre des abus sexuels, constatés par le journaliste et le photographe d’El Mundo et dénoncés devant le juge des mineurs de Ceuta. La police, chargée légalement de les conduire au centre d’hébergement des mineurs, se contente d’effectuer des visites quotidiennes.

Maria Antonia Paloma, responsable d’une association de protection des mineurs interrogée par le journal, évoque un centre surchargé, d’une capacité théorique de 70 personnes où logent actuellement plus de 160 jeunes. Ceux qui y sont accueillis bénéficient de cours d’espagnol destinés à préparer leur entrée au collège, et d’une formation professionnelle à partir de 16 ans. Mais certains s’échappent, pour soulager leurs addictions hors du centre, ou tenter de traverser le détroit, comme 350 d’entre eux l’an dernier, relate El Mundo.

La prise en charge des mineurs à Paris, « un travaille de durée »

À Paris, la mairie assure que « tous les services de la ville ont été mandatés pour trouver une solution ». La capitale n’est pas le seul lieu d’errance des mineurs isolés : les premières investigations de l’association Trajectoires font état de passages à Montpellier, Marseille ou encore dans le Sud-Ouest du pays. La centralisation des informations est difficile, puisque le dispositif de protection de l’enfance est géré par les départements.

La prise de contact entamée par l’association Hors la rue s’inscrit dans le temps long : « il peut y avoir beaucoup de méfiance. Ce sont des jeunes qui ont vécu plusieurs ruptures […] et peuvent être méfiants vis-à-vis des institutions » commente Séverine Canale, la responsable de communication de l’organisation. Les adolescents avec qui le lien se noue peuvent alors entamer les démarches pour bénéficier de l’aide sociale à l’enfance, qui leur permettront d’obtenir un logement. Dans son centre d’accueil de jour, à Montreuil, l’association permet aux jeunes qui le désirent d’avoir accès à des sanitaires, des activités socio-éducatives, des cours de français, de préparer les repas en commun ou encore d’échanger auprès des éducateurs et d’une psychologue. Histoire d’alléger le quotidien de jeunes parfois « inscrits dans l’errance » depuis déjà trop de temps.

 En partenariat avec Le Desk

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