search-form-close
Normalisation avec Israël : qu’est-ce qui fait courir l’Arabie saoudite ?

Normalisation avec Israël : qu’est-ce qui fait courir l’Arabie saoudite ?

Les États arabes tombent un à un dans l’escarcelle américaine de la normalisation avec Israël. Très probablement, c’est un gros domino qui s’apprête à tomber après les déclarations du prince héritier d’Arabie saoudite Mohamed Ben Salmane annonçant l’imminence d’un accord avec Israël.

La sortie de Mohamed Ben Salmane est survenue alors que des informations de presse faisaient état de la décision du royaume de suspendre les discussions avec les États-Unis sur une éventuelle normalisation.

On pouvait croire encore à un attachement de celui qui est considéré comme le leader du monde sunnite à la cause palestinienne, malmenée comme jamais depuis le retour au pouvoir en novembre 2021 de Benyamin Netanyahou à la tête du gouvernement « le plus à droite » de l’histoire d’Israël.

Mais il n’en est rien. MBS a démenti dans une interview à la chaîne américaine Fox News tout arrêt des pourparlers avec Israël, annonçant même que chaque jour qui passe rapproche les deux parties d’un accord. Netanyahou a confirmé de son côté.

Pour les observateurs, les dés sont jetés et l’annonce de la normalisation des relations entre Israël et le pays qui abrite les lieux saints de l’Islam n’est plus qu’une question de temps.

Sous l’égide des États-Unis de Donald Trump, Israël a pu normaliser ses relations en 2020 avec quatre pays arabes (Émirats arabes unis, Maroc, Soudan et Bahreïn). L’objectif suivant était l’Arabie saoudite.

À la veille de son retour au pouvoir, Benyamin Netanyahou avait déclaré qu’il fera de la normalisation des relations avec la monarchie du Golfe la priorité de son mandat. Cela permettra, avait-il dit, de régler définitivement la question palestinienne.

Le poids de l’Arabie saoudite dans le monde arabe et musulman est en effet indéniable, et il n’est pas exagéré d’entrevoir un effet déterminant sur l’évolution de la question palestinienne d’un éventuel rapprochement entre Tel-Aviv et Ryad. Dans l’un ou dans l’autre sens.

En mars 2022, Mohamed Ben Salmane a fait des déclarations inédites sur la question, ouvrant la porte pour la première fois à la normalisation, lorsqu’il a qualifié Israël d' »allié potentiel« .

La suite, c’est une succession d’informations de presse, jamais confirmées ou démenties officiellement, jusqu’à l’intervention de l’homme fort de l’Arabie saoudite il y a une semaine. Selon de nombreux médias internationaux, des discussions sous l’égide des États-Unis ont été engagées et la partie saoudienne a exigé le préalable de la solution à deux États.

Les deux parties sont donc au bord d’un accord historique et nul ne sait qu’elles concessions ont été faites de part et d’autre. Beaucoup d’observateurs écartent toutefois que ce soit le gouvernement « le plus à droite de l’histoire d’Israël » qui acceptera un État palestinien souverain et indépendant à côté d’Israël et qui fera la moindre concession sur le statut de la ville sainte.

L’Arabie saoudite est-elle en train de brader la cause palestinienne ?

Serait-ce alors l’Arabie saoudite qui lâche définitivement la cause palestinienne ? Rien ne permet de l’affirmer, même si certains se sont empressés d’interpréter les propos de MBS sur « l’amélioration des conditions des Palestiniens« , comme le signe d’une résignation saoudienne sur la question de la création d’un État palestinien.

Quoi qu’il en soit, en faisant cavalier seul, l’Arabie saoudite a tordu définitivement le cou au plan de paix arabe qu’elle a elle-même initié en 2002.

Le plan, dont il était encore question lors du sommet arabe d’Alger en novembre 2022, propose la création d’un État palestinien dans les frontières du 4 juin 1967 en contrepartie de la reconnaissance d’Israël par les États arabes dans le cadre d’une paix globale. Tous les pays arabes avaient approuvé le plan, hormis la Libye de Mouammar Kadhafi et l’Irak de Saddam Hussein. Le gouvernement israélien de l’époque, dirigé par Ariel Sharon, l’avait aussi rejeté.

Avant même l’engagement de discussions entre Ryad, Tel-Aviv et Washington, il ne restait presque rien de l’initiative de 2002. La reconnaissance promise contre l’établissement d’un État palestinien et d’importantes concessions territoriales, Israël l’a entre-temps obtenue sans contrepartie, à travers les accords d’Abraham de 2020 qui ont porté à six le nombre de pays arabes qui entretiennent des relations diplomatiques avec Israël.

Le « front du refus » est désormais circonscrit à quelques États du Moyen-Orient sans réel poids dans la région et trois pays du Maghreb, l’Algérie, la Tunisie et la Libye.

Celle-ci a limogé fin août sa ministre des Affaires étrangères Najla Al Mangoush qui a rencontré secrètement son homologue israélien à Rome. Le président algérien Abdelmadjid Tebboune a réitéré son attachement au plan de paix de 2002 dans son discours devant l’Assemblée générale des Nations-Unies le 19 septembre dernier et son homologue tunisien Kais Saied a de nouveau qualifié la normalisation avec Israël de »trahison« .

Les pays du camp de la normalisation ont expliqué avoir opté pour une démarche pragmatique, défendant d’abord leurs propres intérêts. La contrepartie pour le Maroc par exemple a été la reconnaissance par les États-Unis, puis par Israël, de sa « souveraineté » sur le Sahara occidental.

D’aucuns se demandent quels sont les calculs de Mohamed Ben Salmane, qui a aussi arrondi les angles avec l’Iran en mars dernier, et, surtout, qu’elle sera sa « contrepartie » à lui ?

La presse américaine spécule sur des promesses de Washington d’aider Ryad à se doter de l’arme nucléaire, évoquée d’ailleurs par MBS dans son entretien à Fox News.

Le prince héritier de l’Arabie saoudite a dit que si l’Iran se dotait de l’arme nucléaire, son pays n’aurait pas le choix que de faire la même chose. Or, l’Iran est accusé par les Occidentaux et Israël d’être proche de se fabriquer sa propre arme de destruction massive.

Même Riyad et Téhéran ont rétabli il y a quelques mois leurs relations diplomatiques après des années de rupture, l’Arabie saoudite considère toujours l’Iran comme un adversaire stratégique, en plus des ambitions sans limites de MBS de faire du royaume une grande puissance économique et militaire dans le monde.

Néanmoins, le véto pourrait venir de là où il l’attend le moins : Tel-Aviv. Le média i24 News a fait état d’un rapport dans lequel de hauts cadres sécuritaires israéliens ont exprimé leur refus de mettre l’arme nucléaire à la disposition de l’Arabie saoudite dans le cadre d’un accord de normalisation.

Leur crainte est de voir ces armes tomber entre les mains de nouveaux dirigeants potentiellement hostiles à Israël en cas de changement de régime à Ryad. « Au Moyen-Orient, tout est possible« , ont-ils mis en garde.

  • Les derniers articles

close