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Panel de dialogue : le profond spleen de Karim Younès

Panel de dialogue : le profond spleen de Karim Younès

Les manifestants ont réitéré lors du vingt-cinquième vendredi leur refus de la démarche du panel de dialogue et de médiation qui, deux jours auparavant, avait pourtant entamé officiellement sa mission, consacrant le premier round à des discussions avec des « acteurs du hirak ».

Son rejet continu par la rue, son boycott par les poids lourds de la classe politique et le désaveu que lui a infligé le pouvoir en refusant de décréter les mesures d’apaisement posées comme un préalable indiscutable, sont autant d’éléments qui posent question sur les chances de succès de la commission de Karim Younès, voire sur son devenir.

À l’annonce de son installation, le 25 juillet, le chef de l’État s’était solennellement engagé via un communiqué officiel à satisfaire la plupart des points soulevés, dont la libération des détenus du hirak, l’ouverture des accès à Alger les jours de marche et l’ouverture du champ médiatique.

Après deux semaines riches en événements, le bilan que peut arborer le panel sur ce plan est plutôt maigre. Un seul détenu, Nadir Fetisssi, a été relaxé par le tribunal d’Annaba. Les autres, une trentaine, vont passer la fête de l’Aïd derrière les barreaux. Le dispositif sécuritaire autour de la capitale est maintenu lors des deux derniers vendredis et les médias publics, et même privés, demeurent toujours fermés aux avis contraires aux thèses du pouvoir.

Le lendemain même de la constitution du panel, Karim Younès s’était montré intransigeant sur la question de mesures d’apaisement, menaçant clairement de jeter l’éponge. Mais contre toute attente, seuls Smaïl Lalmas et Azzedine Benaïssa démissionnent après le discours du 30 juillet dans lequel le chef d’état-major avait balayé d’un revers de main tous les préalables posés. Younès, lui, décide de poursuivre sa mission après le rejet de sa démission par les autres membres du panel.

Le ton ferme qu’il a utilisé lors de son passage sur Radio M, le 6 août, était une manière de signifier qu’il ne s’était pas dégonflé, assurant qu’il maintenait les préalables et qu’il attendait toujours du chef de l’État qu’il honore son engagement. Jeudi dernier, il a tenu à annoncer lui-même en conférence de presse la relaxe de Nadir Fetissi.

Une prose de Baudelaire en guise de message de l’Aïd !

C’était au lendemain du premier round du dialogue qui a vu le panel recevoir des « acteurs » d’un hirak qui, depuis six mois, répète qu’il n’a pas de représentants ni de porte-paroles et qu’il ne compte pas s’en doter.

À défaut de convaincre l’opposition et les personnalités nationales ayant un prolongement dans le mouvement populaire d’adhérer à sa démarche, la commission de dialogue a opté pour l’illusion, entamant sa mission de la plus maladroite des manières.

Les manifestants, présents en nombre lors du vingt-cinquième vendredi malgré la forte chaleur, le lui ont signifié par des pancartes et des slogans sans concession.

Karim Younès en est-il affecté au point de songer de nouveau à rendre le tablier ? On n’en sait rien, mais ce samedi, pour présenter ses vœux de l’Aïd aux Algériens, il a posté un énigmatique message où il est question de « déménagement ».

« Cette vie est un hôpital où chaque malade est possédé du désir de changer de lit. Celui-ci voudrait souffrir en face du poêle, et celui-là croit qu’il guérirait à côté de la fenêtre. Il me semble que je serais toujours bien là où je ne suis pas, et cette question de déménagement en est une que je discute sans cesse avec mon âme. Enfin, mon âme fait explosion, et sagement elle me crie : « N’importe où ! N’importe où ! Pourvu que ce soit hors de ce monde ! »

Il s’agit d’une prose de Charles Baudelaire, le poète au spleen légendaire…

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