search-form-close
Planche à billets, dinar…Dialogue de sourds entre l’Algérie et le FMI

Planche à billets, dinar…Dialogue de sourds entre l’Algérie et le FMI

C’est dans la plus grande discrétion qu’une mission d’experts du FMI vient d’achever un séjour d’une semaine en Algérie. On n’a pas eu droit, cette fois, au communiqué officiel sur les départements ministériels rencontrés. Pas non plus de conférence de presse organisée à la veille du départ de la délégation contrairement aux dernières années.

Révision du cadrage macroéconomique

Interrogé sur le peu d’échos réservé à cette visite, un haut fonctionnaire, proche du dossier, commente de façon lapidaire : « Ils sont venus et ils sont repartis ». Il nous invite à nous armer de patience en attendant le mois de mars prochain pour connaître le point de vue du FMI sur les nouvelles orientations économiques du gouvernement algérien.

Pour notre interlocuteur, la mission effectuée entre fin novembre et début décembre a été essentiellement consacrée à collecter des informations destinées à la révision du cadrage macroéconomique du FMI sur l’Algérie qui ne tenait pas compte jusqu’ici du virage économique opéré au cours de l’été 2017 et des nouvelles données contenues dans la Loi de finances 2018.

On se souvient qu’au printemps dernier, les prévisions de croissance du FMI pour l’Algérie en 2017 et 2018 avaient été jugées très « inquiétantes » par beaucoup d’observateurs. Elles annonçaient une forte baisse de la croissance, estimée à 1,6% en 2017 et à moins de 1% pour l’année prochaine. Ces estimations, très pessimistes, étaient accompagnées, de surcroît, de prévisions annonçant une hausse importante du taux de chômage.

À la fin du mois d’octobre dernier c’est à partir de Washington que le ministre des Finances, Abderrahmane Raouya, a indiqué que son département prévoyait « des taux de croissance un peu plus élevés » que ceux anticipés par l’institution de Bretton Woods. « Le ministère des Finances et le FMI procéderont à un recoupement de leurs prévisions lors de la prochaine mission du Fonds en Algérie » avait ajouté M. Raouya.

Un rapprochement des prévisions de croissance

Sur ce chapitre, Abderrahmane Raouya se montrait très confiant en estimant que « les corrections que le FMI apporte à ses prévisions initiales rejoignent souvent les taux projetés par l’Algérie ».

Interrogé sur  les écarts, qui restent importants, entre ces prévisions et celles du FMI, le ministre les imputaient aux « hypothèses baissières » sur les dépenses d’équipement prises en compte par cette institution.

« Il s’agit de prévisions qui peuvent être révisées », indiquait M. Raouya qui ajoutait que « les experts du Fonds monétaire international, en se référant aux données récentes obtenues concernant la courbe ascendante de l’investissement public pensent à revoir leurs prévisions préliminaires ».

Nos interlocuteurs confirment ce pronostic même s’ils ne s’attendent pas à un rapprochement des prévisions de croissance aussi sensible que celui évoqué par le ministre des Finances. Au mois de novembre dernier,  dans ses réponses aux questions formulées par les députés, M. Raouya confirmait que la Loi de finances 2018 tablait sur un taux de croissance, jugé très optimiste par beaucoup d’observateurs, de 4% pour  l’année prochaine.

Les experts du FMI de leur côté pourraient rejoindre ceux de la Banque mondiale. Dans son rapport rendu public en octobre dernier, elle estimait que « la croissance du PIB en Algérie devrait s’établir à 2,2% pour l’année 2017 », et qu’« elle peinera à franchir la barre de 2% en 2018-2019 ».

Un dialogue de sourds 

Ce rapprochement probable des prévisions de croissance entre les autorités algériennes et le FMI donne une indication trompeuse sur la qualité du dialogue entre les autorités algériennes et le FMI. Il est, en réalité, très loin de marquer une convergence des analyses sur la situation économique de notre pays. On peut considérer au contraire, selon nos sources, que ces dernières n’ont jamais été aussi éloignées qu’au cours des derniers mois.

Qu’il s’agisse des déficits publics, du recours à la planche à billet, de la gestion de la valeur de la monnaie nationale, ou de l’endettement extérieur, sans même parler du chantier de longue haleine des « réformes de structures », les options récentes du gouvernement algérien tournent résolument le dos aux recommandations du FMI.

Elles annoncent un « dialogue de sourds » qui pourrait bien se poursuivre pendant encore plusieurs années si on en juge par les décisions et les aménagements législatifs adoptés depuis l’été dernier par les autorités algériennes.

Une forte relance des dépenses publiques 

L’une des premières décisions du gouvernement dirigé par Ahmed Ouyahia, et certainement la plus importante, a été de remettre en cause la trajectoire budgétaire 2016- 2019, adoptée l’année dernière par le Conseil des ministres et le parlement, qui prévoyait un plafonnement des dépenses publiques pendant une période de 3 ans dans le but de restaurer l’équilibre des finances publiques .

Même si le gouvernement promet de revenir à plus de modération dès l’année prochaine, la Loi de finance 2018  prend clairement le contre-pied de la tendance que tentait d’imprimer les décisions prises en 2016. La très forte relance des dépenses, en augmentation de près de 25%, annoncée pour  2018, va renforcer la dépendance de l’ensemble de l’économie algérienne à l’égard du  budget de l’État et sera certainement un sujet de friction avec le FMI qui avait approuvé publiquement, et même cité en exemple pour les pays de la région, la démarche inaugurée par la trajectoire budgétaire 2016- 2019.

Indépendance de la Banque d’Algérie et planche à billets

Mais  c’est surtout l’adoption de la nouvelle loi sur le financement non conventionnel et la décision de recourir à la planche à billets pour financer le déficit budgétaire qui sera un sujet qui fâche. En remettant en cause l’indépendance de la Banque d’Algérie, la décision des autorités algériennes s’oppose à un des principes de base de la doctrine des institutions financières internationales. 

De même que sur les questions fondamentales du recours à l’endettement extérieur et de la gestion de la monnaie nationale, les options retenues par les autorités algériennes sont aux antipodes des recommandations du FMI.

Pour le FMI, en matière de financement de ses dépenses, l’Algérie dispose de « marges de manœuvre » qui lui permettent d’adopter une démarche moins risquée pour la croissance. Quelles sont ces marges de manœuvre ? Les experts du FMI les désignent explicitement. Le gouvernement algérien devrait « prendre en considération une gamme plus large d’options de financement, y compris les emprunts extérieurs et la cession d’actifs publics ».

Le FMI recommande donc clairement de poursuivre et d’amplifier la démarche amorcée en 2016 qui a conduit à l’obtention, en décembre 2016, d’un prêt de 1 milliard de dollars auprès de la Banque africaine de développement.

Pour les autorités algériennes, au contraire, cette dernière opération, qui avait pu faire croire à un abandon du « tabou de l’endettement extérieur », restera une exception et les déclarations récentes des responsables économiques algériens écartent toute nouvelle initiative dans ce domaine.

| LIRE AUSSIPlanche à billets : Raouya révèle les besoins du Trésor public

Pas de concession sur la valeur du dinar

Mais c’est certainement à propos de la gestion de la valeur du dinar que les positions de l’Algérie et du FMI sont les plus éloignées.

Les experts du FMI se montrent plus que sceptiques à propos d’une gestion de la monnaie nationale qui a conduit, depuis juin 2016, à stabiliser presque complètement la valeur du dinar par rapport au dollar.

Au printemps dernier, ils affirmaient encore : « Les politiques monétaire, financière et de change devront soutenir l’ ajustement. La poursuite des efforts en vue d’aligner le dinar sur la situation fondamentale de l’économie, combinée à des mesures visant à la résorption du marché des changes parallèle, favoriserait l’ajustement budgétaire et extérieur ». C’est clair pour les experts du FMI : il faut poursuivre la dévaluation du dinar entamée en 2015 et interrompue en juin 2016.

 Abderrahmane Raouya vient de son côté de confirmer, la semaine dernière, devant les sénateurs que le gouvernement algérien est fermement décidé à stabiliser « au cours des trois années à venir » la valeur du dinar au niveau atteint actuellement de 115 dinars pour un dollar. Des positions qui paraissent bien difficiles à rapprocher.

| LIRE AUSSILe dollar à 115 dinars : Raouya rassure les patrons et inquiète les économistes

  • Les derniers articles

close