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Planche à billets : Ouyahia ne fixe aucune limite

Planche à billets : Ouyahia ne fixe aucune limite

Dans un discours, qui restera certainement célèbre pour de mauvaises raisons, Ahmed Ouyahia a d’abord cherché, hier, à rassurer les Algériens. Son message était clair : il n’y a aucune inquiétude à avoir, le gouvernement a trouvé la parade à la crise. Elle s’appelle par euphémisme « le financement non conventionnel ». En réalité, il s’agit de recourir à la planche à billets pour financer les dépenses de l’État. Et il y en aura pour tout le monde.

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Subventions et logements

En effet, le Premier ministre a bien pris soin de n’oublier personne. Les bénéficiaires de transferts sociaux peuvent se tranquilliser, on ne touchera pas aux subventions généralisées qui profitent actuellement à tout le monde, y compris les plus aisés.

« L’ensemble des subventions en place sur les produits de base, demeureront en vigueur » tandis que « le niveau des transferts sociaux restera au niveau inchangé de 23% du PIB en 2018 », avec à la clef un programme colossal de 1,6 million de nouveaux logements à livrer d’ici 2019.

Les salaires des fonctionnaires, bien sûr, sont garantis. Concernant les retraités, Ahmed Ouyahia promet que, l’année prochaine, l’État va accroître sensiblement sa contribution au Fonds national des retraites qui assure déjà près d’un quart des dépenses de la CNR.

Pas de soucis non plus du côté des entreprises publiques. Sonatrach et Sonelgaz en tête, qui seront même les principales bénéficiaires du nouveau dispositif en récupérant leurs créances en souffrance depuis plusieurs années. Ces deux groupes attendent des remboursements de respectivement 9 milliards et 6 milliards de dollars, soit un total de 15 milliards de dollars.

Bonne nouvelle aussi pour les entreprises privées qui ont des contrats avec l’État. C’est Ali Haddad qui le dit : « L’État va pouvoir payer ses arriérés » qui avaient plongé beaucoup d’entreprises, dépendantes de la commande publique, dans des difficultés de trésorerie inextricables.

En face de ces dépenses nouvelles, le Premier ministre l’a également expliqué très clairement il n’y aura strictement aucune recette nouvelle et « le gouvernement n’a pas l’intention d’augmenter les impôts » dans la Loi de finances 2018.

La planche à billets combien ça coûte ?

En résumé, le gouvernement à un « dispositif d’exception » pour financer une politique sociale coûteuse, tout en maintenant le train de vie de l’État à son niveau actuel et en remettant a flots les entreprises publiques et privées.

Combien tout cela va-t-il coûter ? On n’en sait rien et M. Ouyahia lui-même ne donne que quelques vagues indications qui ne peuvent être considérées comme un chiffrage précis.

Dans ce qui pourrait être pris comme une estimation maximale, le Premier ministre n’a néanmoins pas hésité à évaluer à environ 20 milliards de dollars par an pendant quatre à cinq ans les besoins en financements de l’État pour combler le déficit budgétaire, renflouer les banques qui manquent d’argent, relancer certains projets et même payer les créances de plusieurs entreprises publiques.

Pour calmer les inquiétudes que pourrait provoquer l’évocation d’une utilisation aussi massive de la planche à billets, Ahmed Ouyahia a ajouté que le niveau actuel de la dette interne dans notre pays, qui ne dépasse pas 20% du PIB, nous laisse encore des marges de manœuvre importantes par rapport à beaucoup de pays voisins où il atteint couramment 70% du PIB. Autrement dit, l’Algérie peut s’endetter encore davantage.

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Pour une transparence maximale et un contrôle parlementaire

Pour l’instant ; la réaction la plus rapide et la plus intéressante face aux considérables finances que le gouvernement s’apprête selon toute vraisemblance à mobiliser est venue d’un ancien membre de la « task force » réunie autour de Abdelmalek Sellal.

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Alexandre Kateb formulait ces derniers jours une proposition dont nos parlementaires gagneraient certainement à s’inspirer. Pour cet expert algérien, « il est impératif, à l’occasion du projet de Loi de finances 2018 d’afficher la nouvelle trajectoire budgétaire et d’annoncer le volume total de la dette publique supplémentaire qui sera acquis par la Banque d’Algérie ».

Alexandre Kateb ne se contente pas de réclamer des informations précises sur le volume de la dette que le gouvernement s’apprête à mobiliser. Il réclame, également et fort logiquement, la plus grande transparence et un contrôle parlementaire sur ce dispositif d’exception.

« Il faudra pari ailleurs expliciter le mécanisme de suivi et de pilotage de cette trajectoire de redressement budgétaire, qui ne pourra être réalisé en circuit fermé au sein de l’administration, et qui devra rendre compte devant le Parlement et devant les citoyens dans leur ensemble, à travers une communication semestrielle, voire trimestrielle, des progrès réalisés, ainsi que des risques de déviation par rapport au cap fixé, à travers l’élaboration et la présentation de scénarios alternatifs et de mesures de prévention des risques identifiés ».

Espérons que cela donnera des idées à nos députés.

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