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« Politisation de l’armée » : la France bouleversée

« Politisation de l’armée » : la France bouleversée

Une tribune signée par une centaine de hauts gradés et plus d’un millier d’autres militaires français, tous à la retraite, a été publiée mercredi 21 avril.

La tribune bouleverse tout le pays, par le timing et le support choisis et surtout par sa teneur. Le texte a été publié dans le magazine ultraconservateur Valeurs actuelles, 60 ans jour pour jour après la tentative de putsch d’Alger le 21 avril 1961 par les partisans de l’Algérie française, et reprend la rhétorique de l’extrême-droite vis-à-vis des sujets sensibles de l’identité, de l’immigration et de l’Islam.

Les militaires appellent le président Emmanuel Macron à « défendre le patriotisme » et dénoncent un certain « délitement » qui menace la France.

Un « délitement qui, avec l’islamisme et les hordes de banlieue, entraîne le détachement de multiples parcelles de la nation pour les transformer en territoires soumis à des dogmes contraires à notre constitution ».

Les signataires appellent les politiques à « trouver le courage nécessaire à l’éradication de ces dangers », en appliquant « sans faiblesse des lois qui existent déjà ».

Avant de passer à des menaces. « Si rien n’est entrepris, le laxisme continuera à se répandre inexorablement dans la société, provoquant au final une explosion et l’intervention de nos camarades d’active dans une mission périlleuse (…)  La guerre civile mettra un terme à ce chaos croissant, et les morts, dont vous porterez la responsabilité, se compteront par milliers. »

Les militaires à la retraite se disent enfin « disposés à soutenir les politiques qui prendront en considération la sauvegarde de la nation ».

Sans surprise, la présidente du rassemblement national (extrême-droite), Marine Le Pen, a presque sauté sur l’occasion. « Je vous invite à vous joindre à notre action pour prendre part à la bataille qui s’ouvre (…) qui est avant tout la bataille de la France », écrit-elle à l’adresse des militaires mécontents.

« Je souscris à vos analyses et partage votre affliction. Comme vous, je crois qu’il est du devoir de tous les patriotes français, d’où qu’ils viennent, de se lever pour le redressement et même, disons-le, le salut du pays », ajoute-t-elle. Si l’initiative a été saluée par Marine Le Pen et d’autres voix de la même famille politique, le reste des réactions en France expriment la condamnation et l’indignation.

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« Les armées ne sont pas là pour faire campagne »

À commencer par le gouvernement qui a régi par la voix de la ministre des Armées Florence Parly. « Les armées ne sont pas là pour faire campagne mais pour défendre la France », déclare la ministre, soulignant que la tribune « est uniquement signée par des militaires à la retraite, qui n’ont plus aucune fonction dans nos armées et ne représentent qu’eux-mêmes » et rappelant que « deux principes immuables guident l’action des militaires vis-à-vis du politique : neutralité et loyauté ».

Florence Parly réserve l’autre partie de sa réponse à la présidente du RN dont les mots « reflètent une méconnaissance grave de l’institution militaire », ce qui est « inquiétant pour quelqu’un qui veut devenir cheffe des armées ».

C’est sans doute plus cette prise de position de Marine Le Pen que la tribune en elle-même qui bouleverse une partie de la classe politique et de la société française.

Les accointances entre ex-militaires « mécontents » et milieux conservateurs et d’extrême-droite se font de plus en plus visibles. La semaine passée, Valeurs actuelles avait publié une tribune de Philippe de Villiers au titre évocateur et provocateur : « J’appelle à l’insurrection ».

Il est le frère de l’ancien chef d’état-major des armées Pierre de Villiers. Celui-ci avait démissionné quelques mois après l’élection avec Emmanuel Macron. Son nom est cité depuis quelque temps comme possible candidat à la présidentielle de 2022.

« La politisation des armées suggérée par Mme Le Pen affaiblirait notre outil militaire et donc la France. Les armées ne sont pas là pour faire campagne mais pour défendre la France et protéger les Français », juge la ministre des Armées.

Mais c’est à gauche que l’appel a suscité les réactions les plus indignées.

Jean-Luc Mélenchon, leader de la France Insoumise, a dénoncé  la « stupéfiante déclaration de militaires s’arrogeant le droit d’appeler leur collègue d’active à une intervention contre les islamo-gauchistes », estimant qu’ « il est temps de se mobiliser pour défendre les valeurs que ces gens piétinent ».

Le député du même parti Eric Coquerel parle de militaires qui appellent à « une chasse aux sorcières ».

Benoît Hamon, du Parti socialiste, évoque la menace d’un « coup d’État militaire » et Pierre Laurent, vice-président du Sénat et ancien secrétaire national du Parti communiste, demande l’engagement de poursuites judiciaires à l’encontre des signataires de la tribune et du journal qui la publiée.

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