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« Pour le pouvoir, le processus politique n’est pas une priorité »

« Pour le pouvoir, le processus politique n’est pas une priorité »

Quelle est votre lecture politique de la désignation de Slimane Chenine à la tête de l’APN?

Toufik Bougaada, politologue. Je pense que la désignation de Slimane Chenine à la tête de l’Assemblée nationale est le choix de l’impasse que vivent les partis du pouvoir, et démontre que ces derniers sont devenus incapables de manœuvrer et de convaincre y compris leurs propres militants quant à leur place dans sur la scène politique.

Le choix explique aussi l’état d’hésitation qui marque encore la décision politique au regard de la saignée enregistrée au niveau des cadres des partis politiques impliqués soit dans des affaires de corruption et ou bien dans des positions politiques durant le règne de Bouteflika.

Le pouvoir réel s’encombre moins de savoir qui sera à la tête de l’APN pas plus que d’accéder à une demande populaire par le départ de Bouchareb. Parmi les prétendants au perchoir, Slimane Chenine, réputé proche de la mouvance islamiste modérée, a eu par le passé à fournir de services au profit du système. Sa position ne s’oppose donc pas au processus politique qu’emprunte le pouvoir. Par cette désignation, le pouvoir veut réussir d’une pierre plusieurs coups.

Peut-on considérer la désignation de Chenine à la présidence de l’APN comme une concession du pouvoir en vue de solutionner la crise. Cela va-t-il participer à apaiser la rue ?

Oui, c’est une concession tactique mais qui n’est pas pour autant primordiale. La preuve en est que le discours de Chenine est une copie conforme de ceux de ses prédécesseurs. Nous n’avons pas perçu un changement sur la scène politique comme l’aurait fait une véritable personnalité de l’opposition. Mais en même temps, cette désignation peut contribuer à résoudre la crise si tant est que la volonté politique soit sincère.

C’est-à-dire…

Après cinq mois de Hirak, nous constatons que les ficelles de l’action politique ne sont plus entre les mains des institutions civiles dont le peuple réclame le départ. La direction sécuritaire de l’action politique fait que les autres ne sont que des pions sur la scène et qu’ils ne sont pas de véritables acteurs. La désignation de Slimane Chenine peut donner l’image d’un changement dans sa dimension symbolique et morale, mais elle demeure en deçà du véritable changement que le mouvement citoyen réclame.

Comment voyez-vous le développement de scène politique sachant que le Hirak tient à ses revendications et que par ailleurs le pouvoir politique maintient « ses » solutions ?

Le pouvoir ne peut pas rester sur ce dialogue de sourds entre lui et le Hirak ainsi que les partis de l’opposition. Le pouvoir sera certainement appelé à accepter l’une des revendications principales du peuple qu’est le départ du gouvernement Bedoui et proposer des personnalités consensuelles pour diriger le dialogue.

Pour le pouvoir, le processus politique n’est pas une priorité à l’heure actuelle ; mais la lutte contre la corruption et la neutralisation des adversaires est une priorité absolue pour lui. Dans sa vision le pouvoir, en procédant de cette manière, pourra diriger la scène politique avec facilité, loin des pressions.

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