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Pourquoi le huitième vendredi sera décisif

Pourquoi le huitième vendredi sera décisif

Le discours du chef d’état-major de l’ANP de ce mercredi 10 avril était très attendu, car survenant au lendemain de l’application effective de l’article 102 de la Constitution qu’il a lui-même suggérée, et dans un contexte tendu marqué par la persistance des manifestants à rejeter l’option d’une transition gérée par le système décrié.

Le jour même de l’intronisation de Abdelkader Bensalah comme chef de l’Etat par intérim, on a assisté à la répression par la police d’une manifestation d’étudiants au centre d’Alger, une première depuis le début de la contestation le 22 février.

L’attitude des forces de l’ordre avait été diversement interprétée et seul ce qu’avait à dire le chef de l’armée était de nature à rassurer ou, au contraire, donner des raisons d’entrevoir la suite avec pessimisme. A partir d’Oran où il se trouve en visite depuis trois jours, le général de corps d’armée a donc parlé, mais il n’a fait que confirmer l’inconfortable posture dans laquelle se trouve l’armée depuis qu’elle a investi le champ du débat politique en proposant une solution à la crise.

Le dilemme est en effet presque insoluble étant donné que l’ANP s’est engagée à être du côté du peuple et de le protéger, au moment où ce même peuple veut plus que la solution « constitutionnelle » en dehors de laquelle Ahmed Gaïd-Salah ne voit pas d’issue à la crise.

Ce mercredi, il a donc sans surprise réitéré son soutien aux revendications « légitimes » du peuple tout en donnant sa bénédiction à la désignation de Abdelkader Bensalah à la tête de l’Etat. Ne pas le faire, c’est se déjuger lui et l’institution qu’il dirige car l’idée de faire partir Bouteflika en actionnant la Constitution vient de lui, et depuis le 2 avril, elle est assumée par tout le haut commandement de l’ANP. Il tient toujours donc à ne pas sortir du cadre constitutionnel, mais il ne dit pas comment il compte rassurer la rue que la transition, même avec les « trois B » aux commandes, débouchera sur le changement escompté.

Ahmed Gaïd-Salah a lancé un appel à peine voilé à mettre un terme aux manifestations, évoquant le risque de voir la situation économique se compliquer, mais il est difficile de dire avec exactitude à quelle partie il est adressé : aux manifestants qui doivent mettre de côté leurs revendications jugées « irréalisables » ou à ce qui reste du régime de Bouteflika, dont le président par intérim, le Premier ministre, le président du Conseil constitutionnel et tous les autres qui devraient donc partir parce que le peuple ne veut pas d’eux ?

En revanche, lorsqu’il parle de bande qui a dilapidé les richesses du pays et menace de déterrer des dossiers de corruption qu’on croyait définitivement clos, on sait que le cercle proche de l’ancien président qui est directement visé. L’énigme reste toutefois entière quand il évoque des tentatives « de la part de certaines parties étrangères, partant de leurs antécédents historiques avec notre pays, poussant certains individus au-devant de la scène actuelle en les imposant comme représentants du peuple en vue de conduire la phase de transition. » Les « antécédents historiques » pourraient faire penser à la France, et les « représentants du peuple » à toutes ces personnalités présentées comme consensuelles et jouissant d’une certaine crédibilité faisant d’elles des candidats en puissance pour siéger dans l’instance présidentielle collégiale suggérée pour mener la transition.

L’essentiel du message du chef de l’armée n’est pas là, mais dans cette problématique qui se pose à lui et tout le pays : quelle solution acceptable par tous pourrait être apportée pour sortir de la crise ? Quoi que l’on dise, le chef d’état-major n’a fermé aucune porte dans son discours de ce mercredi. Il ne le dit pas, mais la remise des clés de la transition à une instance consensuelle est toujours possible, ou du moins le partage de la poire en deux avec le maintien de Bensalah et le remplacement du gouvernement par exemple.

Quoi qu’il en soit, tout devrait s’éclaircir à l’issue de la journée de ce vendredi 12 avril. Une énième forte mobilisation populaire, ce à quoi il faudra s’attendre au vu des premières réactions sur les réseaux sociaux au discours de Gaïd, justifierait sans doute une petite entorse à la Constitution qui n’aura rien de dramatique. En revanche, si les marches annoncées ne drainent pas autant de monde que les précédentes, ceux qui ont opté pour le fait accompli auront réussi leur coup.

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