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Privatisations : dernier épisode d’un feuilleton interminable

Privatisations : dernier épisode d’un feuilleton interminable

Anis Belghoul / PPAgency

Le dernier épisode de l’interminable feuilleton des privatisations s’est déroulé au cours des tout derniers jours. Il livre plusieurs enseignements, principalement sur les divergences dans ce domaine au sein des cercles dirigeants nationaux, et laisse entière la question de fond de l’avenir du secteur public économique.

Première leçon : il n’existe pas à l’heure actuelle de consensus sur cette question au sein des cercles dirigeants algériens. La tripartite du 23 décembre qui avait pu donner l’impression d’un « feu vert » concerté au redémarrage du processus de privatisation des entreprises publiques a été suivi immédiatement d’une tripartite parallèle organisée par le FLN qui disait le contraire.

Peu avant que la Présidence elle même ne s’en mêle, vendredi dernier, par une « instruction » qui est une véritable motion de défiance à l’égard du Premier ministre et qui attribue au Président de la République un droit de véto sur toutes les décisions du Conseil des participations de l’État (CPE).

Le droit de véto présidentiel

Deuxième enseignement : le texte de cette « instruction présidentielle » « subordonne désormais tout projet d’ouverture de capital ou de cession d’actifs de l’entreprise publique économique à l’accord, préalable, de monsieur le président de la République. Elle précise en outre que « la décision finale conclue reste également de la seule prérogative décisionnelle de Monsieur le Président de la République. »

Ahmed Ouyahia est passé à l’acte

Troisième enseignement : Ahmed Ouyahia avait bien l’intention de passer à l’acte. La tripartite du 23 décembre n’avait formulé que des intentions et la Charte signée avec les partenaires sociaux n’était encore qu’un « guide pratique » des ouvertures de capital et du partenariat public –privé.

Il restait encore à passer à l’élaboration et la publication d’une liste d’entreprises à privatiser c’est-à-dire à un programme concret de privatisations. Selon toute vraisemblance et suivant les informations qui ont filtré ces derniers jours, c’est bien ce qui s’est passé au cours d’une réunion du Conseil des Participations de l’État qui s’est tenu jeudi dernier 11 janvier. Reste à connaître la liste des entreprises et des ouvertures de capital qui avaient été retenues au cours de cette réunion.

Vers la poursuite du gel des privatisations ?

La conséquence la plus immédiate de ces derniers développements est bien sûr un gel, pour l’instant provisoire, des décisions prises jeudi par le CPE. Des interrogations subsistent néanmoins sur la suite des événements. Il n’y a aucun doute sur le fait que le Premier ministre va désormais transmettre pour « approbation » les décisions du CPE au chef de l’État. C’est seulement en fonction du sort réservé à ces propositions qu’on saura si le processus de privatisation se poursuivra et donnera lieu à de nouvelles listes ultérieures d’entreprises à privatiser ou s’il sera gelé. Dans ce dernier cas de figure, il risque de ne pas y avoir de nouvelle réunion du CPE avant longtemps.

Le PPP « oublié » par la présidence

Questions corollaire qui n’a pas retenu l’attention des commentateurs nationaux. Le partenariat public – privé ne se résume pas à la « vente » des entreprises publiques. Il concerne aussi, et peut être principalement, des investissements nouveaux associant des entreprises publiques avec des entreprises privées.

Il porte également sur l’engagement des entreprises privées dans le financement, la réalisation et la gestion des infrastructures publiques que l’État mettra en chantier. L’instruction présidentielle du 12 janvier ne dit rien à ce sujet et semble donc se désintéresser de cet aspect du partenariat en laissant éventuellement les mains libres au gouvernement dans ce domaine.

Un maigre bilan pour les privatisations

Des privatisations partielles ou totales en Algérie, il y en a déjà eu quelques unes. Elles ont connu des fortunes diverses. Certaines ont été un échec, comme celle qui a conduit au rachat récent par l’État du complexe sidérurgique d’El Hadjar dans lequel il a décidé de réinvestir près d’un milliard de dollars. D’autres ont eu plus de succès comme par exemple celle de l’ancien ENAD par le groupe allemand Henkel qui a conduit à la création des produits vendus sous la marque Isis.

Plus récemment le CPE a également approuvé, voici près de 3 ans, sans provoquer de réaction de la Présidence, le projet d’ouverture du capital (à hauteur de 10 à 30%) de 8 entreprises publiques par le biais de la Bourse d’Alger (des entreprises importantes comme Mobilis, le CPA, une filiale de Cosider ainsi que des cimenteries du groupe GICA sont notamment concernées par ce programme qui est actuellement en panne).

L’objectif de ces dernières opérations est de procurer de nouvelles ressources financières à ces entreprises de façon à les rendre moins dépendantes du budget de l’État. Il s’agit aussi de moderniser leur management en le rendant plus transparent grâce aux règles imposées dans ce domaine par le marché financier.

Ce programme est pour l’instant en stand –by depuis l’échec retentissant de la première tentative d’ouverture, par la Bourse, du capital de la cimenterie de Ain Kébira voici un peu plus d’un an.

Un débat vieux d’un quart de siècle

Les « événements » des derniers jours ne tranchent rien sur la question de fond de l’avenir des entreprises publiques. Depuis maintenant un quart de siècle, les cercles dirigeants algériens se livrent à un exercice de surplace en continuant de se demander s’il faut privatiser les entreprises publiques ou non.

L’Algérie figure aujourd’hui parmi les 5 ou 6 derniers pays dans le monde ou le secteur public occupe une position dominante dans le secteur de l’énergie, une grande partie de l’industrie, le secteur financier ou encore les télécommunications.

On dénombre, dans notre pays, environ 1200 entreprises publiques en comptant les filiales de près de 400 « sociétés mères ». Elles emploient environ 400.000 personnes. On estime que près de 90 % de ces entreprises sont des PME et un peu plus de 150 de « grandes entreprises » comptant plusieurs centaines de salariés.

Les bilans effectués au cours des quelques années, montrent que la très grande majorité de ces entreprises ( plus de 80%), au lieu de créer des richesses et de payer des impôts, accusent des déficits permanents et font appel chaque année un peu plus aux ressources du Trésor et des banques publiques.

Le coût financier pour le Trésor public des « assainissements financiers » à répétition des entreprises publiques déficitaires est considérable. Il se mesure en dizaines de milliards de dollars au cours des dernières décennies. C’est la raison pour laquelle le sujet de leur privatisation revient sur le devant de la scène publique chaque fois que le pays est confronté à une crise financière. Si on en juge par les derniers développements, la question de l’avenir du secteur public n’est pas près d’être tranchée et le statu quo risque de durer encore quelques années ….

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