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Procès anti-corruption : une saison II qui s’annonce haletante

Procès anti-corruption : une saison II qui s’annonce haletante

Le premier grand procès anti-corruption post-Bouteflika a eu lieu entre le 6 et le 10 décembre 2019 au tribunal de Sidi M’hamed d’Alger. Du beau monde, des personnages comptant parmi le gratin politique de l’Algérie de ces deux dernières décennies ont été jugés.

Les voir dans cette posture était tout simplement inimaginable quelques mois auparavant. A pareille période de l’année 2018, ils préparaient sereinement la réélection pour un cinquième mandat de celui à qui ils devaient tout et qui les entraînera quelques mois plus tard dans sa chute.

Durant tout l’été 2019, les Algériens ont suivi avec un intérêt mêlé d’incrédulité le feuilleton des convocations et arrestations de responsables de haut rang.

Ils ont pu voir les silhouettes des anciens Premiers ministres Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal et d’autres anciens ministres et hommes d’affaires, embarqués dans les paniers à salades de la police, de la Cour suprême ou du tribunal de Sidi M’hamed, vers la prison d’el Harrach.

Le 6 décembre, au principal tribunal d’Alger, s’est ouvert le premier procès des affaires instruites pendant l’été et l’automne, celui des usines de montage automobile et du financement occulte de la campagne électorale pour le cinquième mandat.

A la barre, les anciens Premiers ministres Ouyahia, Sellal et Yousfi (qui a occupé le poste par intérim), plusieurs anciens ministres de l’Industrie, des walis, des hommes d’affaires dont Ali Haddad, Baïri, Mazouz et Arbaoui et du menu fretin fait de petits fonctionnaires notamment du ministère de l’Industrie.

L’intrigue de l’affaire est assez complexe : les responsables cités sont soupçonnés d’avoir illégalement concédé des facilités aux hommes d’affaires incriminés dans la mise en place d’usine d’assemblage de voitures en contrepartie de pots-de-vin ou de financement de la campagne électorale du président.

De lourdes peines seront prononcées le 10 décembre, notamment à l’encontre d’Ahmed Ouyahia qui a écopé de 15 ans ferme, Abdelmalek Sellal (12 ans), Abdeslam Bouchouareb (en fuite, 20 ans).

Seul Abdelghani Zaâlane, jugé en tant que directeur de campagne de Bouteflika, poste qu’il a occupé pendant une semaine seulement, a été acquitté. Le procès en appel aura lieu en mars et les peines seront réduites presque pour tout le monde, sauf pour Ouyahia et Bouchouareb.

Ali Hadad a ouvert le bal

Lors du procès, le frère du président, Saïd Bouteflika, ramené de sa cellule à la prison militaire de Blida, a refusé de témoigner. Saïd purgeait -et purge encore- une peine de 15 ans de prison qui lui avait été infligée lors d’un autre procès qui s’est tenu en septembre, celui dit du « complot contre l’autorité de l’Etat ».

Il était accusé avec les anciens chefs des services, les généraux Toufik et Tartag, la secrétaire générale du parti des travailleurs Louisa Hanoune et l’ancien ministre de la Défense Khaled Nezzar (en fuite) de complot ayant pour but de porter atteinte à l’autorité militaire et de complot contre l’autorité de l’Etat, après avoir tenu une réunion secrète à la villa Dar El Afia, avec l’objectif d’éviter la destitution de Bouteflika.

Les prévenus seront lourdement condamnés (20 ans pour Khaled Nezzar et son fils, 15 ans pour les autres). Les peines seront confirmées en appel en février, sauf pour Louisa Hanoune, condamnée à huit mois ferme et libérée.

Les procès de Sidi M’hamed et du tribunal militaire de Blida n’étaient néanmoins pas les premiers impliquant des hommes proches de l’ancien président.

Le tout premier a eu lieu en juin 2019 et a vu l’homme d’affaires Ali Haddad condamné à six mois de prison ferme pour détention de deux passeports. Haddad était le premier personnage de l’ancien cercle présidentiel à être arrêté. Il avait été intercepté à la frontière tunisienne dans la nuit du 31 mars, deux jours avant la démission de Bouteflika.

En février, c’est Kamel Chikhi, le fameux « Boucher » qui est jugé, mais pas dans l’affaire des 7 quintaux de cocaïne dans laquelle il est le principal suspect. Chikhi sera condamné le 27 février pour corruption de fonctionnaires dans le cadre de ses promotions immobilières, à 8 ans de prison, une peine réduite de moitié en appel début juin.

Fin mars, le tribunal de Sidi M’hamed a abrité le deuxième procès anticorruption retentissant, celui de Abdelghani Hamel et sa famille. Le 1er avril, l’ex-patron de la police, son épouse et leurs enfants ainsi que plusieurs anciens walis ont été condamnés à des peines comprises entre 2 et 15 ans de prison pour notamment enrichissement illicite. Leur patrimoine dévoilé au cours du procès a choqué : des dizaines de biens immobiliers, dont des logements en principe destinés aux franges défavorisées.

En attendant les autres…

Après une pause imposée par la crise du coronavirus, la saison II du feuilleton des procès anti-corruption est lancée début juin 2020. Hamel est de nouveau jugé, cette fois par le tribunal de Boumerdès pour détournement de foncier agricole. Il écope de 12 ans de prison.

Le 18 juin, de lourdes peines sont requises par le procureur du tribunal de Sidi M’hamed à l’issue du procès de l’homme d’affaires Mourad Oulmi, le deuxième concernant l’industrie d’assemblage de véhicules. Oulmi est propriétaire du groupe Sovac, représentant des marques de Volkswagen en Algérie. Il risque 15 ans de prison. Dans la même affaire étaient jugés également Ahmed Ouyahia et Abdeslam Bouchouareb, entre autres anciens hauts responsables.

Ce lundi 21 juin s’est ouvert au même tribunal le procès de l’affaire Ali Haddad, peut-être le plus attendu de tous. Plusieurs grands projets d’infrastructures publiques sont au centre de cette affaire, dont l’autoroute Boudouaou-Zéralda, la pénétrante de l’aéroport international d’Alger, l’autoroute Est-Ouest… Aussi, du beau monde à la barre : Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal, les anciens ministres Abdelghani Zaâlane, Amar Ghoul, Youcef Yousfi, Boudjemaâ Talai, Amara Benyounès, Mahdjoub Bedda, Mohamed Hattab et l’inévitable Abdeslam Bouchouareb, en fuite.

Le procès a été interrompu après le décès de Laifa Ouyahia, frère et avocat de l’ex-premier ministre Ahmed Ouyahia. Ce dernier a été autorisé par le tribunal à assister aux obsèques de son frère. Le procès reprendra demain mardi.

D’autres procès retentissants ne tarderont pas à suivre, à l’image de celui de Tahkout, propriétaire de l’usine Hyundai de Tiaret et magnat du transport universitaire et ceux des dizaines de ministres et hommes d’affaires emprisonnés ces 12 derniers mois, touchant quasiment à tous les secteurs. La saison II du feuilleton s’annonce haletante.

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