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« Sale Bledard »: ce qui se cache derrière cette insulte faite à Slimani

« Sale Bledard »: ce qui se cache derrière cette insulte faite à Slimani

L’attaquant international algérien du Stade Brestois Islam Slimani a dénoncé dimanche des attaques racistes de la part d’un joueur adversaire. Il a accusé Johan Gastien, capitaine de l’équipe de Clermont Foot 63 de l’avoir traité de « sale blédard » lors d’une rencontre face à son équipe dimanche en Ligue 1 française.

« Je trouve ça grave de se faire traiter de sale blédard de nos jours, moi je suis fier d’être algérien. En Ligue 1, avec toutes les caméras qu’il y a, tu te fais insulter de sale blédard, c’est grave », a estimé le meilleur buteur de l’histoire de l’équipe d’Algérie.

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Johan Gastien a démenti avoir tenu ce type de propos, mais Slimani a maintenu avoir entendu cette « insulte ». Ce n’est pas la première fois que le joueur algérien se plaint d’insultes à l’égard de ses origines.

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Islam Slimani est né à Alger en 1988, mais a évolué en tant que footballeur international en Europe à partir de 2013, année où il quitte l’Algérie. Depuis des années, il a fait sa place en Ligue 1 sans accroc. Il a donc été choqué de recevoir ce type d’insulte sur le terrain. Une enquête va être ouverte par la commission de discipline de la Ligue de football professionnel (LFP) pour vérifier si les insultes « sale arabe » et « sale blédard » ont réellement été prononcées par Johan Gastien. En attendant, le monde du football est gêné par cette affaire.

Blédard, un mot fourre-tout hérité du colonialisme

Pourquoi la phrase « sale blédard » pose-t-elle tant de problèmes au point de bouleverser Islam Slimani ?

Entendre « sale blédard » dans un stade n’est pas si anodin. D’autant plus dans le football qui est de plus en plus le théâtre de commentaires racistes à l’égard des joueurs. Comme l’a souligné Slimani, il est inquiétant qu’un joueur puisse proférer de telles paroles lors d’un événement public sans que personne ne réagisse. Une normalisation du racisme qui semble contaminer tous les stades.

Blédard est un terme employé en France pour désigner de manière négative, des immigrés essentiellement africains et maghrébins qui n’auraient pas su changer leurs habitudes du pays.

Mais c’est aussi une manière pour les personnes issues de l’immigration, de qualifier quelque chose ou quelqu’un lié au pays originel des parents. Souvent connoté négativement, le mot « blédard » est aussi une manière amusante d’évoquer les origines familiales, l’autre pays.

Originellement il vient du mot arabe « Bled » désignant un lieu-dit sans ressources et géographiquement isolé, ou bien la campagne en opposition à la ville. Il était essentiellement utilisé par les personnes issues de l’immigration, puis il s’est finalement propagé à toute la France, au point d’en devenir une tendance linguistique.

Mais avant d’être intégré à la société française, le terme blédard a vu le jour dans les terres colonisées par la France. Dans les années 1920, le terme « blédard » désignait un soldat dit indigène venant d’un pays d’Afrique du Nord. Il s’agissait de nommer un certain groupe de personnes.

Au fil du temps, ce terme est devenu péjoratif, et cela même dans la bouche d’enfants d’immigrés. Il est désormais repris par des personnes racistes pour critiquer avec condescendance le comportement ou l’identité des Maghrébins.

Blédard, entre culture pop et racisme

Pour récupérer le sens de ce terme et quelque part tordre le cou à des clichés racistes, les milieux artistiques, mais aussi la culture pop des Maghrébins de France ont revisité l’image du bléard.

Dans la musique, le blédard est intégré au discours, aux images et à la culture héritée des parents. C’est aussi un terme du vocabulaire permettant de raconter l’histoire de ses parents, grands-parents qui ont fait ce voyage vers l’Europe.

« Avec 2, 3 blédards, on tape la discussion, | Mahmoud peut pas s’empêcher de dire que j’suis dans la chanson », a chanté 113 dans le célèbre titre « Tonton du bled » devenu un hymne pour de nombreux immigrés de France.

« Je viens pas offenser, donc rangez les armes | Mon histoire, c’est juste celle d’un blédard devenu banlieusard », rappe Youssoupha, dans « Ma sueur et mes larmes » pour dénoncer les parcours sociaux difficiles des immigrés en France.

« Et ça f’sait dix ans que j’patinais, woh, woh | Aujourd’hui, blédard est platiné, woh, woh », chante fièrement Soolking qui se dit fier d’être un blédard désormais disque de platine.

Même Gad Elmaleh en a fait un sujet dans son dernier spectacle. « Partout, je me sens d’ailleurs. Le syndrome du blédard, c’est quand tu es invité et que tu crois qu’on ne va pas te laisser entrer », lançait l’humoriste d’origine marocaine sur scène.

Pourtant, s’il a réussi à prendre une dimension affectueuse, rigolote ou légère, le mot blédard semble à nouveau servir un discours excluant et rabaissant.

Toutefois, le conflit entre Islam Slimani et le capitaine de Clermont a permis de relancer le débat autour de ce terme. Le témoignage de Slimani a déclenché une vague de réactions sur les réseaux sociaux. De nombreux Algériens ont publié sur leur compte twitter un message « fier d’être un blédard ».

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