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Seddik Chihab, porte-parole du RND : « Abdelmadjid Tebboune était dans une démarche de confrontation »

Seddik Chihab, porte-parole du RND : « Abdelmadjid Tebboune était dans une démarche de confrontation »

Seddik Chihab, porte-parole du RND

Porte-parole du RND, Seddik Chihab revient sur la nomination d’Ahmed Ouyahia à la tête du premier ministère. Il livre également sa lecture sur les derniers événements qui ont précédé le limogeage d’Abdelmadjid Tebboune.

Pour vous, la nomination d’Ahmed Ouyahia au poste de Premier ministre en remplacement d’Abdelmadjid Tebboune est un changement salutaire. Pourquoi ?

Dans la situation que traverse le pays, nous avons besoin de calme et de beaucoup de sérénités. Dès son élection en 1999, le Président de la République a toujours appelé à la réconciliation nationale. Et personnellement, j’ai toujours pensé que la réconciliation nationale ne se limitait pas au traitement de la tragédie nationale et que l’Algérie avait besoin d’entente et de cohésion nationales. D’ailleurs, le Président de la République avait évoqué la nécessité de construire une société homogène et stable. Il avait également insisté sur la consolidation du front intérieur.

Il ne pouvait pas y avoir de sérénité et d’entente avec Abdelmadjid Tebboune comme Premier ministre ?

Effectivement, je pense qu’il (Abdelmadjid Tebboune) était dans une démarche de confrontation contrairement à ce que tout le monde souhaitait et à leur tête le Président de la République. Ce dernier a toujours appelé à la cohésion nationale et à l’entente. Aujourd’hui, nous avons besoin de mobiliser nos forces. Bien sûr qu’il y a eu beaucoup de manquements au devoir. Mais ce n’est pas une raison pour exaspérer et accentuer le malaise qui est assez perceptible.

Faites-vous allusion à son discours sur la séparation entre l’argent et le pouvoir et l’incident avec Ali Haddad à l’école de la sécurité sociale ?

Je fais allusion à la démarche globale. Au RND, nous avons toujours dénoncé l’intrusion bête et méchante de l’argent dans la politique. Notre Secrétaire général a lui-même dénoncé l’argent sale au profit de la sale politique. Au sein de notre parti, nous avons toujours fait le distinguo entre les investisseurs et les spéculateurs de l’import-import. Nous avons toujours revendiqué à ce que la loi soit appliquée à tout le monde, partout et sans discontinuité. Mais dire que nous allons « séparer entre l’argent et la politique » est un slogan populiste. La solution n’est pas dans les slogans.

Qu’en est-il de l’incident avec Ali Haddad ?

En réalité, l’incident a provoqué l’ire de tout le monde. Il faut savoir que le FCE et son président sont des partenaires du gouvernement. Il faut également rappeler que la sécurité sociale est en partie financée par les entreprises (les charges patronales). Donc Ali Haddad n’assistait pas de façon fortuite à cette cérémonie de remise de diplômes au sein de cette école. Il était à sa place. On ne peut pas exiger d’un partenaire qui contribue à la caisse de la sécurité sociale de ne pas être présent à une cérémonie comme celle-là. On ne peut pas se comporter de cette manière.

C’était donc une erreur…

Une réaction liée à son égo.

Est-ce que vous estimez finalement qu’Abdelmadjid Tebboune n’était pas apte pour ce poste ?

Je pense qu’il n’avait pas les aptitudes pour cette responsabilité.

Dans la semaine ayant précédé son limogeage, des médias ont diffusé des informations concernant Abdelmadjid Tebboune notamment sa rencontre informelle avec le Premier ministre français en évoquant parfois de la « trahison ». Est-ce qu’il s’agit vraiment de trahison  ? 

D’abord, il faut préciser que je ne peux pas être à ce niveau d’informations. Ensuite, nous avons une tout autre conception de l’État et du pouvoir au sein du RND. Quel que soit le rôle qu’on occupe, on doit faire preuve de respect vis-à-vis des institutions et de la hiérarchie. On ne conçoit pas que quelqu’un puisse prendre des libertés sans se référer à l’autorité qui est habilitée de donner des autorisations ou des avis. L’État, c’est d’abord des institutions. Et l’exercice du pouvoir passe d’abord par le respect de ces institutions. Donc s’il y a eu des dépassements ou un cafouillage à quelque niveau, chacun assume ses actes et son comportement.

Vous pensez qu’Abdelmadjid Tebboune n’a pas respecté les institutions et que cette rencontre a eu lieu sans que sa hiérarchie ne soit au courant ?

Je ne peux pas m’attarder sur cette question. Abdelmadjid Tebboune est arrivé à un niveau supérieur de la hiérarchie et il doit savoir à quoi s’en tenir. Mais il est vrai que cette rencontre était quelque chose de surprenant et d’inhabituel dans les démarches diplomatiques.

Peut-on la qualifier de faute grave ?

Personnellement, je ne peux pas la qualifier. Mais je pense que ceux qui ont le droit d’apporter des jugements sur la question l’ont classée en tant que telle.

Qu’est ce qui vous fait dire cela ?

Son limogeage.

Il était dû à cette rencontre ?

Probablement.

Le retour d’Ahmed Ouyahia suscite des appréhensions au moment où Abdelmadjid Tebboune a réussi à séduire une partie de l’opinion publique avec son « slogan » sur l’argent et le pouvoir…

D’abord, je ne suis pas d’accord avec vous. Je ne sais pas sur quelle base vous dites cela. Je suis un homme qui vit parmi le peuple. Et dans mon entourage, les gens ont apprécié son retour. Ils disent qu’il n’est appelé que quand la situation est grave. Ensuite, je suis conscient du fait que l’opinion à laquelle vous faites allusion, une opinion dans des cercles bien précis, croit en des slogans populistes. Tous ceux qui veulent l’intérêt de ce pays sont décriés, attaqués et calomniés. Des groupuscules d’intérêts font en sorte que tous ceux qui s’attaquent aux véritables problèmes soient mis à l’index et jetés à la vindicte populaire.

L’image d’Ahmed Ouyahia reste en tout cas associée au limogeage de cadres, à la détention de plusieurs d’entre eux, aux ponctions sur salaires, à la fermeture des entreprises…

Lorsqu’on a fait appel à Ahmed Ouyahia, ce dernier était d’abord jeune. Ensuite, la situation du pays était désastreuse : un baril à neuf dollars, manque d’argent même pour acheter un cargo de blé et politique d’ajustement structurel du FMI. Aucun pays ne pouvait à l’époque nous donner plus de 400.000 dollars. Ce n’est pas tout de même Ouyahia qui a signé les accords avec le FMI. Il y avait deux gouvernements successifs avant le sien qui n’ont pas pu gérer la situation. Ses prédécesseurs n’ont pas eu le courage de mettre en œuvre les accords du FMI. On a fait appel à un jeune téméraire. Les politiques d’ajustement structurel ont été appliquées avec rigueur et sérieux et on en est sorti indemnes. Quant à la détention des cadres, il faut savoir que la décision n’émanait pas du chef du gouvernement mais des plus hautes autorités du pays. Cependant, il faut aussi signaler que certains chefs d’entreprises n’étaient pas aussi intègres que certains voulaient le faire croire. Et pour preuve, lorsqu’il s’agissait de rétablir les vérités, M. Ouyahia n’a pas hésité à se présenter à la barre pour apporter son témoignage et éclairer la justice. Chose que beaucoup de responsables n’ont pas faite. En ce qui concerne la politique de ponction sur salaire, il s’agit d’un acte de solidarité hautement apprécié dans les milieux des travailleurs !

Un acte de solidarité hautement apprécié par les travailleurs ?

 Absolument ! Il faut rétablir la vérité. Des prélèvements sur les salaires des travailleurs qui étaient encore rémunérés ont été effectués pour payer des travailleurs qui ne percevaient pas leurs salaires depuis six mois voire une année à la veille de l’Aïd. Ces travailleurs ont été par la suite remboursés avec des intérêts une année après. J’étais à la plus haute hiérarchie syndicale en tant que membre du comité exécutif national de l’UGTA et j’avais déclaré à l’époque que cette action devait être revendiquée par l’UGTA. Pour les licenciements, il s’agissait d’une centaine d’entreprises dissoutes parce qu’elles étaient dans une faillite totale. On a procédé à une forme de privatisation. Des travailleurs ont repris certaines d’entre elles. Pourquoi on ne le dit pas ? En fait, toutes les bonnes actions ont été décriées par les professionnels de l’indignation. Ces derniers sont tout le temps indignés mais ils ne mettent jamais la main à la pâte et ne donnent jamais de solutions.

C’est pour cela qu’Ahmed Ouyahia s’est autoproclamé « l’homme des sales besognes » ?

Il n’a jamais déclaré cela. Mais il n’y a pas de sales besognes lorsqu’on se met au service de son pays. C’est un homme du devoir. On essaie de lui coller des choses à tort.

Comme l’affaire anecdotique des yaourts…

Effectivement, lui-même a apporté un démenti clair. Lui-même a défié ceux qui disent cela de ramener une trace et de faire ressortir une preuve. En réalité, c’est un mensonge comme cette déclaration qu’on lui prête et qui consiste à dire : « Affamez le peuple, il vous suivra ». Ce sont des petites phrases bien étudiées et fabriquées dans des salons feutrés pour se jouer de la crédulité de certains.

Ses déclarations sur les migrants subsahariens ont choqué. Estimez-vous qu’il était là encore courageux par rapport à d’autres ?

Tout à fait ! S’il y a bien quelqu’un qui est sensible aux problèmes africains et qui connait bien l’Afrique, c’est Ahmed Ouyahia. Cet ancien ambassadeur d’Algérie au Mali était surnommé « M. Afrique » dans l’administration. Cela étant dit, il ne s’agissait pas de déclarations racistes. Certes, nous avons une responsabilité vis-à-vis de notre Continent et nous l’avions toujours assumé. Nous avons notamment effacé des dettes. Mais il fallait que quelqu’un parle de ce problème (de migrants clandestins) qui est sérieux. Dieu merci, le ministre Abdelkader Messahel qui connait aussi bien qu’Ahmed Ouyahia l’Afrique a expliqué, lors d’une conférence de presse, la complexité de la question. Ouyahia est un patriote qui dit les choses avec leurs noms et qui n’hésite pas à le faire au détriment de son image.

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L’Algérie est confrontée à une crise économique grave. Doit-on s’attendre à des mesures rigoureuses et sévères ?

La situation n’est pas aussi critique qu’on essaie de la présenter. Nous avons encore une marge de manœuvre pour pouvoir redresser notre économie et essayer de sortir de cet engrenage. Dieu merci, le pays n’est pas endetté. Il a encore plus de 100 milliards de dollars de réserves de change. En gros, il n’a pas la corde autour du cou. Je peux vous rassurer qu’il n’y aura pas de décisions sévères. Mais la rigueur est recommandée. Il est nécessaire de la réintroduire dans tous les actes de gestion et même dans notre comportement. Sincèrement, je pense que la Loi de finances 2018 ne sera pas comme certains essaient de la présenter. Elle sera ordinaire.

Cela veut dire qu’il n’y aura pas de hausse de taxes et d’impôts ?

L’Algérie n’a pas augmenté les taxes et les impôts durant treize ans. Elle le fait aujourd’hui parce que cela est nécessaire pour l’équilibre budgétaire. Donc il y aura quelques ajustements, un peu plus de rigueur dans les approches et beaucoup d’innovations. Les taxes et les impôts ne seront pas au niveau que certaines parties essaient de le faire croire au peuple. Nous avons beaucoup de niches financières à exploiter dont le recouvrement fiscal qui est à son plus bas niveau. Contrairement à ce que pensent certains, l’équilibre budgétaire ne se fera pas sur le dos du peuple. On n’ira pas chercher l’argent dans les poches du peuple. Ce dernier va seulement participer à l’effort.

Est-ce que Ahmed Ouyahia présentera un plan d’action du gouvernement ?

Oui, il présentera son plan d’action dès la rentrée devant le Parlement.

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