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Stomisés en Algérie : le cri d’alarme du président d’une association

Stomisés en Algérie : le cri d’alarme du président d’une association

Rachid Mansouri, le président de l'association des stomisés de Bejaïa

Rachid Mansouri est le président de l’association des stomisés de Bejaïa. Il dénonce dans cet entretien la pénurie de poches de stomie en Algérie.

Pouvez-vous nous présenter votre association ?

Notre association a été créée en 2001 par des membres bénévoles, parents de stomisés. Nous ne fonctionnons pas uniquement en tant qu’association, nous avons un centre de stomathérapie. Nous avons des médecins, des psychologues, des stomothérapeutes. Nous assurons la globalité de la prise en charge des stomisés.

Au départ notre périmètre d’action devait se concentrer sur la wilaya de Bejaia mais comme il n’y a pas réellement d’autres associations à l’échelle nationale, nous prenons en charge les malades qui viennent de tout le pays.

Il y a une association nationale, mais nous ne voyons pas son mode de fonctionnement. Nous recevons donc tous les malades à notre niveau.

Vous assurez la prise en charge de combien de malades stomisés ?

Plus de 1400 malades. Notre association est connue des hôpitaux, des CHU, des EPSP et des cliniques. À chaque  fois qu’un malade est opéré, il est dirigé vers nous.

Nous préparons même les malades avant qu’ils ne se fassent opérer.  Pour la plupart cela relève souvent de pathologies lourdes comme des cancers colorectaux ou la maladie de Crohn, ou bien des stomisés temporaires, comme dans le cas d’une occlusion ou d’un traumatisme.

Comment se passe la prise en charge des personnes stomisées ?

Nous accueillons tous les malades qui viennent des quatre coins du pays. Nous les prenons en charge non seulement en termes d’appareillage, de poches de stomie, mais aussi sur le plan psychologique et l’hygiène de vie pour qu’ils puissent être autonomes.

Est-ce que vous recevez des aides publiques ?

Nous recevons des subventions de l’APW et de l’APC de Bejaïa.  Mais l’année dernière, avec la pandémie de covid-19,  nous n’avons reçu aucune subvention de l’APC.

Pour ce qui est de l’APW, c’est insignifiant. On recevait, il y a encore quatre ou cinq ans, en déposant un dossier à la DAS, une subvention du ministre de la Solidarité, mais plus rien aujourd’hui. Actuellement, on se retrouve en difficulté.

Recevez-vous des dons de particuliers ?

Pas beaucoup. Certaines entreprises nous ont aidés, notamment Cevital, mais c’est tout. Aujourd’hui, avec les subventions qui sont inexistantes depuis 2020, nous nous retrouvons dans une situation très difficile

Vous prenez en charge un nombre important de malades stomisés. Comment vous approvisionnez-vous en poches ?

 Avant, on achetait le matériel au niveau des laboratoires Convatec et Coloplast. Nous sommes un peu soulagés grâce à l’ONAAPH (l’Office national d’appareillage et accessoires pour personnes handicapées) qui prend en charge les assurés sociaux.

Mais l’ONAAPH, qui est un EPIC (établissement public à caractère industriel et commercial),  ne maîtrise pas forcément très bien le créneau. Elle se retrouve souvent en rupture de stocks.

À un moment, tout se passait bien, les patients étaient pris en charge par la CNAS et l’ONAAPH, mais ensuite, il y a des ruptures de stocks, parfois de quatre, cinq ou même sept mois.

Quand cela arrive, nous écoulons à notre niveau tout ce que nous avons en approvisionnements, en poches, et on se retrouve en rupture de stocks nous-mêmes.

Avant, on arrivait quand même à acheter des poches, mais maintenant, étant donné que l’entreprise Convatec n’arrive plus à importer des poches, c’est compliqué. Il y a d’autres entreprises, mais à cause de toutes les  procédures c’est difficile.

Que faudrait-il changer dans la prise en charge des stomisés en Algérie ?     

Pour les stomisés définitifs, la prise en charge doit être inscrite dans la carte Chifa et les officines pharmaceutiques doivent avoir tout l’appareillage, poches et accessoires. Le tout doit être remboursé par la CNAS et livré en pharmacie.

De quoi a le plus besoin votre association ?

Nous avons besoin de moyens, de quoi acheter des poches, ou bien qu’on nous achète directement les poches. Nous avons besoin d’un stock important de poches.

Tout le stock que nous avions, d’une valeur de plus de 3,2 millions de dinars, est épuisé alors que je l’ai acquis il y a un mois et demi seulement, et avec une dette. Aujourd’hui, je suis dépassé. L’ONAAPH est en rupture de stocks depuis plus de six mois, alors tous les malades se dirigent vers notre association. Mais nous n’avons pas les moyens de tous les prendre en charge.

Comment expliquer que l’ONAAPH soit en rupture de stock depuis plus de six mois ?

J’ai adressé un courrier au ministère de la Santé, on m’a indiqué que tout ce qui concerne l’approvisionnement relevait du ministère de l’Industrie pharmaceutique. Je viens donc d’envoyer un autre courrier au ministre de l’Industrie pharmaceutique…

Combien de personnes stomisées y a-t-il en Algérie ?

Nous n’avons pas réellement de données officielles. C’est le rôle de l’association nationale de recenser le nombre à l’échelle nationale. On avance le chiffre de 40 ou 50.000, qui représente le nombre de stomisés déclarés au niveau de l’ONAAPH, mais beaucoup de personnes ne sont pas déclarées et ne sont pas assurées. Je pense que le chiffre réel est largement supérieur.

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