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Sur fond de crise avec l’Espagne, le Maroc a-t-il lâché sa bombe migratoire ?

Sur fond de crise avec l’Espagne, le Maroc a-t-il lâché sa bombe migratoire ?

Les images sont impressionnantes. Des milliers de migrants en provenance du Maroc foncent sur les deux enclaves nord-africaines de l’Espagne. En une nuit, 6.000 ont pu atteindre à la nage Ceuta.

Les autorités espagnoles ont déjà procédé au renvoi de quelque 2 600 migrants vers le territoire marocain, d’autres sont revenus de leur propre gré. Ceux qui restent devraient être transférés vers des camps situés en Espagne continentale, ceux des deux enclaves étant saturés.

| Lire aussi : Sahara occidental : le Maroc se fâche avec tout le monde

Les deux villes espagnoles enregistrent quotidiennement des tentatives d’infiltration de migrants, essentiellement marocains, parfois subsahariens. Mais c’est la première fois qu’un tel rush est enregistré en un laps de temps aussi réduit.

Les autorités locales ont été débordées et le gouvernement espagnol a dû dépêcher des unités militaires du continent. Plus de 6 000 migrants ont déjà pu franchir les murs et barrières qui entourent les deux enclaves, et nul ne sait ce qui se passera dans les prochains jours.

La simultanéité des tentatives d’atteindre le territoire espagnol laissent penser à une opération concertée et beaucoup ne s’empêchent pas de soupçonner une action délibérée, au moins un laisser-faire des autorités marocaines, dans une conjoncture de fortes tensions avec l’Espagne.

Cette vague migratoire inédite intervient en effet en pleine polémique entre les deux royaumes à propos de l’hospitalisation dans un hôpital espagnol du président de la République sahraouie, Brahim Ghali.

Atteint de Covid, celui-ci a été pris en charge dans un établissement espagnol, un geste humanitaire que les Marocains ont assimilé à une « trahison ».

Début mai, la diplomatie marocaine avait dénoncé « un acte grave et contraire à l’esprit de partenariat et de bon voisinage », et évoqué des « manœuvres ourdies derrière le dos d’un partenaire et d’un voisin ».

Les autorités marocaines ont reproché à leurs homologues espagnols leur « inaction » vis-à-vis du président sahraoui qui devait, selon elles, être convoqué par la justice ibérique.

Pour les Marocains, le fait qu’ils n’aient pas été informés de la présence de M. Ghali sur le territoire espagnol n’est pas « une omission », mais un « un acte prémédité, d’un choix volontaire et d’une décision souveraine de l’Espagne, dont le Maroc prend pleinement acte » et « en tirera toutes les conséquences ».

Un levier de pression

La mise en garde était claire et cette vague migratoire sans précédent peut bien être un passage à l’acte. D’autant plus que le Maroc n’était pas seulement fâché avec l’Espagne, mais aussi avec un autre grand pays de l’Union européenne, l’Allemagne.

Au pays d’Angela Merkel, il était reproché une politique « hostile » à travers sa position sur la question sahraouie, la non-invitation du royaume au sommet de Berlin sur la Libye en janvier 2020, l’hospitalité offerte à un opposant, Mohamed Hajib, que les Marocains accusent de « terrorisme »…

Submerger l’Europe de migrants peut bien être une manière de faire pression sur elle, notamment dans le dossier sahraoui. Le chantage à la migration clandestine est un levier auquel n’hésitent pas à recourir certains États aux portes de l’Europe.

Si le Maroc ne l’assume pas ouvertement, la Turquie de Recep Erdogan a négocié ferme en 2016 avant de conclure un accord avec l’Union européenne sur la gestion des flux migratoires.

Pour repousser les contingents de migrants venant notamment de la Syrie en guerre, Erdogan avait exigé et obtenu l’engagement de l’Europe à verser une forte contribution financière (3 milliards d’euros) pour la prise en charge des migrants présents sur le sol turc, et la levée des restrictions sur les visas pour les citoyens turcs.

En mars 2020, il n’a pas hésité à ouvrir le passage à des milliers de migrants, exigeant de l’Europe un soutien à son pays dans le dossier syrien face à la Russie.

Ce qui se passe entre le Maroc et l’Espagne peut bien s’inscrire dans cette logique de chantage aux migrants, une nouvelle arme aux mains des États qui contrôlent les passages stratégiques des flux migratoires.

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