
L’Algérie a décidé d’en finir avec les pertes liées aux surplus agricoles et a lancé la mise en place d’un réseau de chambres froides. Particularité : celles-ci s’adressent aux agriculteurs qui pourront bénéficier de prêts bancaires à taux zéro.
C’est en novembre 2024 à l’occasion du 50e anniversaire de la création de l’Union nationale des paysans algériens (UNPA) que le président de la République a requis l’intervention des banques.
A lire aussi : Air Algérie casse les prix avec une nouvelle promotion
Des prêts bancaires à taux zéro
Fin juillet, des accords ont été signés entre, d’une part, le ministère de l’Agriculture et du Développement rural et de la Pêche et d’autres part, plusieurs banques publiques.
Les prêts seront exclusivement accordés aux agriculteurs souhaitant investir dans les chambres froides et le stockage de produits agricoles qui constituent l’un des points faibles de l’agriculture algérienne.
A lire aussi : Algérie : la galère des importateurs de véhicules
Outre la Banque de l’agriculture et du développement rural (BADR), il s’agit de la Banque extérieure d’Algérie (BEA), de la CNEP-Banque, du Crédit populaire d’Algérie (CPA), de la Banque nationale d’Algérie (BNA) et de la Banque de développement local (BDL).
Le prêt « Tabrid » affecté à ce type d’opération s’élève à 150 millions DA, sans intérêts avec un délai de remboursement pouvant s’étaler jusqu’à une période de 10 ans.
A lire aussi : La France s’intéresse à la pomme de terre algérienne
Il devrait permettre la réalisation de chambres ou entrepôts frigorifiques d’une capacité de 300 à 5.000 m3 selon un communiqué du ministère de l’Agriculture.
Début août, à l’occasion d’une visite de travail dans la wilaya de Bejaia que Youcef Cherfa, désormais ex-ministre de l’Agriculture et du Développement rural et de la Pêche, a détaillé ce programme national, rapporte l’agence APS.
À cette occasion, Youcef Cherfa avait indiqué que la création de ce type de chambres froides devrait permettra le stockage des surplus de produits agricoles afin de les écouler en période de pénurie.
Plusieurs directions des services agricoles (DSA), dont celle de Béjaia, ont répercuté l’information aux agriculteurs en les priant d’entrer en contact, notamment avec l’entreprise FrigoMedit qui dispose d’une expertise en la matière.
Parmi les produits susceptibles d’être les plus concernés figurent les pommes de terre, les oignons, l’ail et les pommes.
Dans le cas des oignons, une pratique traditionnelle consiste à les stocker en bout de champs en longs tas recouverts d’une bâche en plastique. Un dispositif parfois amélioré par l’ajout de paille sous la bâche mais qui ne garantit pas une conservation optimale des produits.
Pertes mais aussi spéculation
Le renforcement des capacités locales de conservation devrait permettre de réduire le manque à gagner des agriculteurs lors de la pleine saison. Dans ces cas-là, les prix baissent à tel point qu’ils ne couvrent plus les frais de culture. Face à la mévente qui s’en suit, il n’est pas rare de voir des agriculteurs ou des commerçants jeter une partie de leurs produits invendus.
Le développement de ces moyens de stockage devrait permettre aux agriculteurs de ne plus brader leur récolte en bout de champ à des intermédiaires peu scrupuleux.
Ces dernières années, les capacités frigorifiques se sont développées tant au niveau d’entreprises publiques telle que FrigoMedit que privées. Dès 2012, des universitaires (1) se sont penchés sur la région de Mascara réputée pour le savoir-faire de ses maraichers.
Ils ont mis en évidence comment les chambres froides participent à la phase de diversification dans un souci de « fructification du capital accumulé et de gestion du risque » pour une catégorie bien particulière d’agriculteur identifié comme « entrepreneur gestionnaire de portefeuille d’investissements » et décrivent cette stratégie en prenant le cas de quatre frères agriculteurs.
En plus de la production sur plusieurs dizaines d’hectares, ces derniers se sont lancés dans une activité commerciale « consolidée par un investissement considérable dans les infrastructures de stockage sous froid, six chambres froides de 60 000 mètres cubes au total ». Les chambres froides sont louées à de grands producteurs de pomme de terre ou d’oignons ou utilisés à l’occasion de partenariats.
« En pleine période de récolte et lorsque les prix sont au plus bas, ils proposent à des producteurs, avec qui ils ont l’habitude, d’assurer le stockage de leur récolte et sa mise en marché, après redressement des prix. Le partage de la plus-value nette, après déduction des charges, se fait à parts égales entre les deux parties », notent ces universitaires.
Renforcement des techniques de conservation
Cette mesure à l’intention des agriculteurs présente donc plusieurs avantages dont la réduction des pertes des surplus agricoles et la réduction de la pression des intermédiaires indélicats.
Pour des startups, cette extension des capacités de stockage frigorifique pourrait créer un nouveau domaine d’expertise notamment pour le développement de l’utilisation conjointe au froid, de gaz anti germinatifs dans le cas de la pomme de terre, voire de l’utilisation d’huiles essentielles par thermo nébulisation ou des techniques d’ionisation fréquemment utilisées à l’étranger.
Note : (1) Les entrepreneurs agricoles itinérants dans les zones arides en Algérie. Disponible en ligne.