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Taleb El Ibrahimi, Ait Aljet et Moudjahidine : les « mouches électroniques » dérapent en toute impunité

Taleb El Ibrahimi, Ait Aljet et Moudjahidine : les « mouches électroniques » dérapent en toute impunité

À toute révolution, une contre-révolution. La révolte pacifique des Algériens n’échappe pas à cette règle. Les « mouches électroniques », ces trolls qui se sont répandus en très grand nombre sur les réseaux sociaux algériens et dont beaucoup préfèrent s’appeler « les chats », mènent sur le web la contre-révolution de façon bête et vaine.

Certainement frustrés par le maintien de la mobilisation et le rejet massif par les Algériens de la feuille de route du pouvoir qui s’entête à organiser les élections avec les figures du régimes, les chats-mouches dérapent et s’attaquent, depuis peu, à des personnalités politiques, historiques et religieuses respectables car elles ont appelé à une période de transition ou ont rejeté les plans du pouvoir.

Toujours avec le pouvoir

Au début du mouvement, les « mouches » étaient du côté de Bouteflika et de son clan et s’acharnaient à dénigrer la protesta en lançant sur le web des rumeurs et informations erronées. La révolte était, selon eux, « une révolution colorée », téléguidée par des réseaux occultes impérialistes appartenant à a CIA américaine, la DGSE française ou au Qatar.

Les figures qui ont gagné l’adhésion d’une grande partie du peule comme Karim Tabou ou Mostefa Bouchachi, étaient, selon les mêmes « mouches », des « marionnettes » entre les mains de la France, « ennemi de toujours », ou, comble du ridicule, d’Israël. Abdelaziz Bouteflika, était, quant à lui, selon ces trolls, un président sage, généreux et de bonne foi, trompé par son entourage.

Ces activistes que beaucoup soupçonnaient de travailler pour des entreprises de communication proche du pouvoir ou même d’être domiciliés à l’étranger, notamment aux Émirats arabes unis, ont tour à tour tenté de diviser en exploitant la religion, l’amazighité, le régionalisme, puis ils se sont attaqués aux figures les plus populaires du mouvement et ont tenté de les dénigrer, ont relayé des rumeurs fantaisistes sur des complots de toutes sortes, avant de s’en prendre aux féministes et même aux femmes qui prenaient part aux marches.

Depuis que l’ex-président a été forcé à la démission de manière humiliante et ses proches accusés de haute trahison, de nouvelles mouches sont apparues, si ce ne sont les mêmes qui ont changé de positionnement. Elles envahissent le web algérien pour distiller leur propagande mensongère au point d’en devenir ridicules. Leur positionnement est toujours du côté du pouvoir du moment. Insultant et dénigrant des personnalités politiques respectables, ils font un forcing viral pour promouvoir les thèses du pouvoir en place. Après avoir échoué à contrer le mouvement anti-cinquième mandat, ils essaient de contrer la revendication quasi-unanime d’une période de transition sans le pouvoir.

Tous les opposants à la tenue des élections sous Bensalah et Bedoui, tous les partisans d’une période de transition sont des « zouaves », des « traîtres », des « agents de la France et du Qatar », des « vendus », ou des « comploteurs », selon ces trolls.

« Ait Aljet, imam des zouaves « 

Ces qualificatifs n’ont été épargnés à personne. Les millions d’Algériens qui continuent à manifester même pendant Ramadhan et qui maintiennent la pression sur le pouvoir pour qu’il s’en aille et redonne la souveraineté sont « manipulés », « naïfs », « ignares » ou « inconscients », selon cette propagande. Quant aux personnalités politiques qui rejettent les élections que veut organiser le système, ils sont livrés à une féroce campagne de dénigrement.

Ces « mouches » rappellent constamment leur attachement à « l’arabité et à l’Islam », se revendiquant de l’école de Ben Badis et de la déclaration historique du premier novembre. Ce qui ne les a pas empêchées de tirer à boulets rouges sur les oulémas musulmans qui ont lancé un appel à une période de transition présidée par une personnalité « qui a l’approbation de la majorité du peuple », à l’application des articles 7 et 8, le respect du « référendum fait par le peuple durant les vendredis du hirak ».

L’imam doyen Mohamed Tahar Ait Aldjet, un des plus éminents savants religieux en Algérie, un des plus respectés et plus connus a lui aussi été la cible des attaques et des mensonges des trolls. « Imam des zouaves », « Ouléma de l’État profond », « Savant de la dechra (dechra, qui veut dire village en arabe, désigne pour eux la Kabylie, le nid de tous les complots), ont commenté les trolls sur les pages Facebook des médias ayant relayé l’appel des imams. Certains iront même jusqu’à reprocher à Ait Aldjet ses origines kabyles, ce qui fait forcément de lui, selon les chats-mouches, « un personnage douteux ».

Les insultes proférées contre le vieil imam ayant reçu la désapprobation presque unanime des internautes algériens, les trolls ont vite changé de stratégie en essayant de discréditer le message signé par les oulémas. « Tahar Ait Aldjet est très malade et n’a plus toute sa tête, comment peut-il rédiger ou donner son approbation à un tel message ? », ont affirmé certains. Ce commentaire est massivement relayé sur de multiples pages Facebook et comptes Twitter par des profils anonymes créés, pour la plupart, récemment.

Un autre commentaire concernant l’imam est largement relayé. « Il y a deux mois, j’ai fait la prière Avec Ait Aldjet lors d’un mariage. Lorsqu’il a fini sa prière, il nous a demandé s’i la fait trois ou quatre rakâates. Je raconte ceci pour dire que le cheikh n’est pas en mesure de comprendre tout ce qui se passe et ce que demande le hirak et les forces politiques », écrivent les trolls à répétition. Pourtant, le même imam est apparu la veille de l’Aid à la télévision lors de la nuit du doute, en possession de toutes ses facultés mentales.

Pour les « mouches », tous les moyens sont bons pour discréditer les partisans de la phase de transition, même s’il faut relayer un commentaire qui laisse entendre que des milliers d’individus ont assisté au même mariage il y a deux mois et ont prié à l’occasion avec l’imam Ait Aldjet.

Ces attaques nauséabondes des mouches reflètent leur état de désarroi et d’exaspération. Que des autorités religieuses contredisent leurs thèses, à eux, qui se revendiquent de l’école de Ben Badis, de l’islam et de « l’authenticité algérienne », est un contre-coup terrible pour leur propagande.

Taleb El Ibrahimi déçoit les mouches

Il y a quelques semaines, ces trolls ont mené une grande campagne pour imposer Ahmed Taleb El Ibrahimi comme « figure consensuelle » du hirak et la proposer comme président d’une période de transition. Les arguments avancés dans les publications faisant la promotion de cette option étaient, comme toujours lorsqu’il s’agit des chats-mouches, teintés de racisme, de régionalisme et d’islamisme. « Ahmed Taleb El Ibrahimi est l’ennemi des zouaves et de la France », « il redonnera à l’islam et à la langue arabe leurs places », « Il ne fera qu’une bouchée des zouaves (comprendre des Kabyles) », « il effacera le drapeau de la fourchette (comprendre le drapeau amazigh) », disaient les trolls lors de leur campagne.

L’opération ayant eu un écho favorable auprès d’une partie de l’opinion, des portraits de l’homme politique et ancien ministre sous Boumediene ont commencé à apparaître lors des marches à Alger et d’autres wilayas. Lors des marches des mardis des étudiants pendant Ramadhan, les étudiants de l’école normale supérieure ont déployé à plusieurs reprises une banderole sur laquel était dessiné son portrait et qui appelait à le désigner comme chef de l’État.

Le 22 mai, les trolls déchantent. Leur « candidat » publie un appel conjoint avec Ali Yahia Abdennour et le général Benyelles. Les trois personnalités rejettent, dans leur message, les élections, appellent à une période de transition de courte durée « conduite par des hommes et des femmes n’ayant jamais appartenu au système » et parlent de « l’avènement inéluctable d’une nouvelle république ». Les thèses défendues par les trolls qui sont également celles du pouvoir en place sont balayées par le texte des trois personnalités. La réaction des chats-mouches ne s’est pas faite attendre.

Dès les premières heures après la publication du texte, des publications dénigrant le contenu du texte ou même les trois hommes sont massivement publiés. Sur les réseaux sociaux des médias ayant relayé l’appel, des commentaires sont postés à la chaîne pour discréditer les trois hommes et leur appel. « Depuis que tu t’es associé à ces deux zouaves (Benyelles et Ali Yahia Abdennour »), t’as perdu toute mon estime », commentent à la chaîne les trolls.

Ce changement rapide de la position des trolls vis-à-vis de Taleb Ibrahimi du soutien au lynchage révèle qu’ils ne sont pas motivés par une vision politique ou idéologique mais qu’ils n’activent que pour contrer la protesta et les revendications des Algériens pour, certainement, préserver les intérêts de leurs commanditaires.

Les mêmes violentes réactions ont été constatées lorsque l’Organisation nationale des Moudjahidine (ONM) s’est prononcée en faveur d’une période de transition. Le président de l’organisation Said Abadou à été à son tour qualifié de « traître », de « comploteur », ou encore, d' »ennemi de l’Algérie ». Zohra Drif Bitat et Louisette Ighilahriz, deux grades nationalistes de la Guerre de libération nationale n’ont pas été épargnées elles non plus. Leurs prises de position en faveur du mouvement populaire contre le pouvoir, leur présence dans les marches des vendredis et des étudiants à Alger, leurs appels au dialogue et à une période de transition leur ont valu insultes et calomnies. Sur les réseaux sociaux, elles sont attaquées jusque sur leur apparence.

Des dérapages en série, des attaques odieuses qui relèvent de la diffamation, du révisionnisme et qui cachent entre leurs lignes des appels à la violence à l’encontre de ces personnalités politiques, historiques ou religieuses. Le tout dans l’impunité la plus totale. Les services de police qui traque la moindre publication hostile au régime sur internet ne semblent toujours pas avoir remarqué cette déferlante de haine venant des partisans du régime.

 

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