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Tin Hinan, restaurée, reviendra au musée du Bardo à la fin de l’année

Tin Hinan, restaurée, reviendra au musée du Bardo à la fin de l’année

Au bout du boulevard Didouche Mourad, dans le centre d’Alger, entre le palais du peuple et l’ambassade de la République sahraouie, se trouve le palais du Bardo, un musée consacré à l’anthropologie et à l’ethnographie.

Jusqu’en 2009, année de sa fermeture pour restauration, le musée jouissait d’une grande notoriété, principalement grâce à la collection Tin Hinan, composée des ossements de la mythique reine targuie, de ses bijoux en or, en argent, en bronze et en os ainsi que d’armes attestant de sa qualité de guerrière, tel que rapporté dans la légende transmise de génération en génération chez les Touareg.

La dépouille de la reine et son trésor seront de nouveau exposés au musée dès la fin de l’année 2018, selon Zoheir Harichane, archéologue et directeur du musée du Bardo.

Ossements et bijoux de Tin Hinan avant restauration (TSA ©)


Un trésor inestimable

La collection Tin Hinan est « unique en son genre, c’est un patrimoine national d’une valeur inestimable », selon M. Harichane. Elle est composée de nombreux bijoux en or dont des bracelets, une fibule, un élément de collier, des perles ovales et des rosales, en tout, plus d’un kilogramme de bijoux en or ont été récoltés dans le tombeau. Un collier en argent, des bracelets du même métal, un anneau en bronze, des perles précieuses et semi-précieuses ainsi que des anneaux et bracelets en fer ont également été récupérés.

De la vaisselle a été retrouvée dans la sépulture, dont des poteries, des restes d’œufs d’autruches, des fragments de verre ou encore une lampe en terre.

Le squelette a été retrouvé au-dessus de fragments en bois, attestant que la dépouille de la reine défunte a été déposée sur un lit. Les fragments en cuir retrouvés mêlés au squelette laissent, quant à eux, penser que la reine était vêtue d’une tunique en cuir.

Le mythe de Tin Hinan veut que la reine fût une guerrière aguerrie et les pointes de flèches et la tête de lance en fer retrouvées dans le monument d’Abalessa corroborent cet élément de la légende. Tin-Hinan, ou du moins, le personnage d’Abalessa était une guerrière.

Une empreinte en or d’une pièce de monnaie romaine en bronze de Constantin Le Grand retrouvée dans le sarcophage a, selon le directeur du Bardo, permis de dater le trésor du 6e siècle.

Crâne de Tin Hinan en pleine restauration (TSA ©)


L’indispensable restauration

Le squelette de la reine amazighe, retrouvé dans le monument d’Abalessa, situé à 80 kilomètres du chef-lieu de la wilaya de Tamanrasset et fouillé pour la première fois en 1925, a été restauré par une équipe de conservateurs algériens, « hautement qualifiés et expérimentés qui ont pu restaurer les ossements à la perfection », a expliqué à TSA, M. Harichane.

Cette équipe de conservateurs n’a toutefois pas eu la tâche facile et pour cause ! Le squelette, dès sa découverte, a connu plusieurs mésaventures. Vendu plusieurs fois avant son retour au musée du Bardo dans les années 30, il a beaucoup voyagé et a même été exposé aux USA pendant les années 20.

Le squelette a été, pendant l’ère coloniale, trempé dans une solution de pétrole « à des fins de conservation », selon le directeur du Bardo, qui explique ainsi la noirceur qui caractérisait les ossements avant leur restauration.

En plus des dégâts infligés par le bain de pétrole donné au squelette de la reine et ancêtre mythique des Touareg, les ossements ont été maltraités par les méthodes archaïques de conservation des années 60 et 70 : tiges métalliques insérées dans les vertèbres, fils de fer utilisés pour solidariser les ossements, les restes de TinHinan ont souffert et leur restauration est arrivée à point nommé.

La restauration, achevée depuis peu, permettra l’exposition de Tin Hinan et de son précieux trésor dès la fin 2018, ou « au plus tard en janvier 2019 », promet M. Harichane qui explique ce délai par des « impératifs budgétaires et techniques ». Ce retour de la collection a de quoi réjouir le directeur du Bardo pour qui « la collection est le pilier du musée ».

Pendentif de Tin Hinan (TSA ©)


Est-ce bien Tin-Hinan ?

Depuis sa découverte, l’identité réelle du squelette suscite une vaste polémique parmi les chercheurs. L’étude anthropo-physique réalisée sur le squelette en 1968 conclut que c’est celui d’un homme alors que les bijoux et autres objets retrouvés dans la sépulture, notamment la statuette symbolisant le féminin, indiquent que celui-ci ne peut être que féminin.

L’étude des ossements révèle également que leur propriétaire présentait une claudication de son vivant, ce qui corrobore les thèses tirées par les récits touareg et par une des nombreuses interprétations du nom de Tin Hinan qui voudrait dire « la boiteuse ».

« Nous considérons que la morphologie du squelette ne peut être fiable à cent pour cent pour déterminer le sexe du personnage d’Abalessa, d’autant plus que beaucoup de femmes possèdent un bassin étroit et des épaules larges. Cela consolidera l’hypothèse de personnage féminin, basée exclusivement sur la parure trouvée à proximité du squelette, qui ne pouvait appartenir qu’à une femme importante, qui ne peut être que cette mythique Tin Hinan, grande dame du passé aux multiples facettes », écrit Houria Mahsas, chercheur au musée du Bardo, dans un fascicule dédié à Tin Hinan.

Une conviction partagée par le directeur du Bardo qui assure qu’« il y a plus d’éléments qui confirment que c’est bien le squelette de Tin Hinan que d’éléments qui démentent cette thèse ».

« C’est bien Tin Hinan, j’en suis convaincu », affirme le directeur du Bardo qui projette de réaliser un scan complet du squelette, afin de faire une reconstitution de son visage à partir de son crâne, ce qui permettrait de « lever une bonne fois pour toute le doute sur le sexe et l’identité du personnage ».

Le Bardo, palais de Tin Hinan mais pas seulement !

En l’absence de Tin Hinan, le musée du Bardo a su se refaire une jeunesse. Le palais qui date de la fin du 16e ou du début du 17e siècle a été totalement restauré.

Le palais du Bardo est en lui-même un trésor architectural à découvrir. La construction de style mauresque dispose d’un jardin riche de plusieurs dizaines d’espèces végétales et permet d’apprécier les subtilités de l’architecture algérienne précoloniale.

Pour ce qui est des collections, le musée d’anthropologie et d’ethnographie a d’autres richesses que le trésor de Tin-Hinan. Il dispose, selon son directeur, de plusieurs collections anthropologiques retraçant l’histoire de l’humain depuis plus de deux millions d’années.

Actuellement, le musée offre à ses visiteurs la possibilité d’observer de près des crânes, des bifaces, des pointes de flèches, des parures en os ainsi que d’autres éléments qui permettent de « retracer l’histoire de l’homme du paléolithique inférieur jusqu’au néolithique », explique le directeur du musée.

Du côté ethnographique, le musée regorge d’objets anciens, témoins de l’évolution du quotidien des Algériens à travers le temps. Les collections qui sont en réserve comportent des objets spécifiques à la vie citadine, d’autres à la vie rurale ou encore à la vie saharienne. Mais pour l’instant, seule la collection citadine est exposée dans le palais.

« C’est un palais citadin et nous avons aménagé ses espaces avec des objets retraçant la vie citadine des Algériens », explique M. Harichane qui promet néanmoins de futures expositions rurales et sahariennes.

L’ethnographie africaine occupe elle aussi une grande place au Bardo. Une exposition d’instruments de musique traditionnels et anciens originaires d’Algérie et d’Afrique sub-saharienne, est actuellement en projet, elle sera installée dans le palais et mettra en valeur des instruments rares, dont certains « rentrent dans le cultuel africain », promet M. Harichane.

Dans quelques mois, cette exposition d’instruments de musique laissera place à une autre attendue avec plus d’impatience par le public algérien et étranger : Tin Hinan et son trésor.

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