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Une solution à la crise actuelle : le retour de Liamine Zeroual

Une solution à la crise actuelle : le retour de Liamine Zeroual

DÉBAT**Il est symptomatique de relever, depuis quelques jours, que certaines personnalités qui n’ont jamais collaboré avec l’ancien Président de la République, Liamine Zéroual, proposent son nom pour conduire la transition.

Des personnalités aussi respectables que Mokrane Ait Larbi ou l’ex- général M’Hand Tahar Yala considèrent que le retour de l’ancien chef de l’Etat, pour gérer la période de transition devant déboucher sur la mise en place d’institutions démocratiques et pérennes, est un gage de succès de cette phase cruciale de l’histoire de l’Algérie indépendante.

L’auteur de ces lignes qui avait décliné les avantages pour l’Algérie d’une candidature de Liamine Zéroual à la présidentielle de 2009, sans convaincre l’ancien Président de la République de briguer à nouveau la magistrature suprême, n’en est que plus à l’aise pour reprendre à son compte le vœu exprimé par ces personnalités.

La question qui se pose d’emblée est celle de savoir en quoi le pilotage de la transition, en amont, par Liamine Zéroual, serait de nature à garantir l’avènement d’une nouvelle République dans la paix et la sérénité générales. La réponse à cette question renvoie, en partie, aux qualités intrinsèques de l’ancien Président de la République et en partie à l’audience qui est encore la sienne auprès de la population, de l’administration d’Etat et de l‘institution militaire. Il ne s’agira pas pour lui d’y pourvoir seul, mais des hommes comme Mokrane Ait Larbi, Karim Tabou (qui possède l’envergure d’un homme d’Etat), Abdelaziz Rahabi, Rachid Benyelles, Djamel Zenati, Ali Kahlane, Fatima Oussedik, Fatiha Benabou, Louisa Ait Hamadouche, Daho Djerbel, Chérif Rezki (ces deux derniers faisant partie du groupe des 7 qui avaient demandé au Président Bouteflika de ne pas se représenter pour un cinquième mandat,  et cela dès le 7 septembre 2017), des journalistes (qui ont magnifiquement relayé le mouvement populaire) mais également d’autres, seraient sans doute les plus habilités à  lui apporter l’assistance dont il aura besoin tout au long de la phase transitoire.

Les qualités de Liamine Zeroual      

Rappelons les atouts dont peut se prévaloir le Président Liamine Zéroual. Il est le premier Président de la République du monde arabe à avoir été élu, à l’issue d’un scrutin parfaitement régulier, qui n’a donné lieu à aucune contestation.

  1. À rebours des exigences de la Haute Hiérarchie militaire, Liamine Zéroual a privilégié, jusqu’à la dernière minute, le dialogue avec les principaux responsables de l’ex-FIS, à seule fin d’arrêter la violence et les massacres de la population civile. Il l’a fait en homme de paix, tout en refusant de cautionner les GIA représentés à Sant Egidio. On lui doit la loi sur la Rahma (25 février 1995) qui avait préparé la loi sur la concorde civile (13 juillet 1999) puis la Charte pour la paix et la concorde civile (29 septembre 2005), ces deux textes ne procédant pas d’un phénomène de génération spontanée.
  2. Il a su gérer, avec stoïcisme, les conséquences de l’accord de rééchelonnement de la dette extérieure de l’Algérie et les effets économiques et sociaux délétères provoqués par l’Accord d’ajustement structurel. Ce faisant, il palliait la veulerie et la couardise de ses prédécesseurs qui avaient joué le pourrissement de la situation entre 1986 et 1994.
  3. Il est le seul Chef d’Etat, depuis l’indépendance, à avoir essayé d’institutionnaliser le régime politique algérien en pratiquant d’abord l’autolimitation ; c’est ainsi qu’il laissa une grande latitude à ces quatre chefs de Gouvernement successifs  (Réda Malek, Mokdad Sifi, Ahmed Ouyahia, Smail Hamdani), même s’il tolérait, ainsi, une certaine dyarchie au sommet de l’Etat. Par ailleurs, il avait instruit le Président de la Cour des comptes et le Gouverneur de la Banque d’Algérie de rester, en toutes circonstances, extrêmement  jaloux de leurs prérogatives, et de ne tolérer l’immixtion, dans leur office, d’aucune organe non habilité.
  4. Il est avec Houari Boumediéne et Mohamed Boudiaf, le seul Président qui n’a jamais mis un centime d’argent public dans sa poche, ce qui est proprement inouï dans un pays où 90% du personnel politique s’est enrichi à l’occasion de l’exercice de ses fonctions.
  5. Il a dû démissionner parce qu’il était en opposition frontale avec certains membres du Haut Commandement Militaire. Après son élection à la magistrature suprême, le 16novembre 1995, il entendait se donner un minimum de marge de manœuvre, notamment pour moraliser la vie publique et exercer les attributions à lui conférées par la constitution révisée de 1996. Le rapport de force étant en faveur de ceux qui l’avaient coopté à la tête de l’Etat, en janvier 1994, il a dû s’effacer pour épargner à l’Algérie une nouvelle épreuve.

Son aura auprès de la population et de l’armée

S’agissant à présent de sa crédibilité auprès de la population, aucun événement récent ne peut davantage  témoigner de sa popularité, que le défilé de milliers de jeunes devant sa demeure, à Batna, le 22 février dernier, scandant «Le peuple, l’armée te soutiennent tous deux  Zéroual ».

Pour l’anecdote, voici un homme qui a eu à gérer la période la plus atroce de l’histoire de l’Algérie indépendante qui peut se permettre de circuler sans gardes du corps dans les rues de Batna et faire son marché comme un citoyen ordinaire.  Au sein de l’Armée, Liamine Zéroual jouit d’une réputation sans faille et d’un crédit considérable. 98% des officiers supérieurs et des généraux (y compris les chefs de régions, les chefs d’état-major des régions, les commandants des forces terrestres, aériennes et navales ainsi que les officiers supérieurs du renseignement dégagés de tout lien avec quelque officine que ce soit) seraient disposés à le servir pour lui permettre de remettre le pays sur pied dans le cadre de la phase transitoire.

Djamel Zenati, militant démocrate avait opportunément suggéré, au cours du Forum de Liberté du 18 mars dernier, que le mouvement citoyen engage la dialogue avec la seule institution qui vaille, autremendit l’institution militaire, colonne vertébrale du régime algérien depuis 1962. Cette suggestion est imparable, car les partis politiques sont tous incapacitants. En acceptant d’être le Président de la transition, Liamine Zeroual, général d’armée de son état, serait le facilitateur de ce dialogue et même le garant de son aboutissement.

L’appel à son retour massivement relayé

Liamine Zéroual aura 78 ans, le 3 juin prochain. Il est en excellente santé et suit dans le détail, depuis sa maison de Batna, le déroulement des évènements.  Lecteur omnivore et travailleur infatigable, il se tient au courant de l’ensemble des dossiers internationaux.

Il ne souhaite pas redevenir Président de la République, car il a définitivement tourné la page. Mais diriger une transition qui doit permettre à l’Algérie d’aller, d’abord vers l’État de droit, ensuite vers une démocratie représentative, ce serait la plus éclatante revanche qu’il prendrait sur un destin qui lui a souvent fait la grimace.

Pour ce faire, l’appel lancé par quelques bonnes volontés ne suffira pas. Ce sont des centaines de milliers d’algériens ; voire des millions qui doivent relayer cette option et le convaincre que ce qui est attendu de lui, n’est pas de gouverner l’Algérie, mais de mettre en place des institutions solides et surtout non manipulables à discrétion par un autocrate.


*Ali Mebroukine, Professeur d’université, ancien collaborateur du Président Zéroual

**Les opinions exprimées dans cette rubrique « Débats » ne sont pas celles de la rédaction de TSA.

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