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Utilisation de la chloroquine en Algérie : « Nous avons constaté très peu d’effets secondaires graves »

Utilisation de la chloroquine en Algérie : « Nous avons constaté très peu d’effets secondaires graves »

L’Algérie a décidé de maintenir le traitement à base de chloroquine des patients infectés par le coronavirus. Le Dr Mohamed Yousfi explique les raisons, parle du déconfinement et de la décrue de la pandémie à Blida. Entretien.

Que pensez-vous de la décision de déconfinement total de quatre wilayas et le maintien du confinement pour les autres ?

Dr Mohamed Yousfi, chef du service des maladies infectieuses à l’EPH de Boufarik : Ce sont des mesures qui suivent l’évolution de l’épidémie (Covid-19) par wilayas et par régions. Comme cela a été le cas pour le confinement, c’est l’épidémie qui nous guide dans la prise de décision. Bien entendu, cela va de soi que le déconfinement obéit à des règles épidémiologiques et scientifiques. Lorsqu’on voit que certaines wilayas maintiennent zéro cas pendant plusieurs jours, cela veut dire que la situation épidémiologique permet un déconfinement même total. Mais toujours en insistant et en maintenant les mesures de distanciation sociale, le port du masque et le lavage des mains. Il faut désormais se mettre dans la tête que l’avant et l’après-épidémie ne seront pas les mêmes. Il faudra que pendant plusieurs semaines voire plusieurs mois on apprenne à vivre avec le virus. On doit aussi vivre avec le minimum de dégâts. À ce moment-là, les mesures barrières doivent fait partie du quotidien de l’Algérien. C’est un passage obligé pour protéger notre population, et éviter une autre flambée. Les autorités vont surveiller la situation sanitaire dans les autres wilayas et voir si d’ici le 13 juin le déconfinement pourrait toucher d’autres wilayas.

Comment prévoyez-vous l’évolution de l’épidémie en Algérie ?

C’est difficile à dire car il y a encore des inconnues. Mais sur la base de ce qu’on voit, on remarque que l’épidémie est au moins stable, même s’il y a une flambée dans certaines wilayas. Logiquement, l’épidémie devrait selon les projections des spécialistes disparaitre progressivement, mais ce temps qu’elle met pour disparaitre est tributaire de notre comportement. Plus on respecte les mesures de distanciation sociale, plus on se montre disciplinés, plus la courbe va descendre encore plus jusqu’à ce qu’il y ait des cas maitrisables et envisager un déconfinement. Encore une fois, la balle est dans le camp des Algériens.

Vous exercez à l’EPH de Boufarik, comment évolue la situation dans votre hôpital et plus globalement à Blida ?

Il y a une diminution de la pression surtout durant le mois de Ramadan, même si ces deux derniers jours on a constaté une légère augmentation des cas de contaminations qui n’est pas alarmante. J’espère qu’elle n’est que conjoncturelle, mais il y aurait un relâchement quelque part. On voit que dans une grande partie des wilayas, la situation est stable, avec très peu de cas. Alors que les grandes agglomérations où on remarque un certain relâchement, elles connaissent une augmentation des cas. Parallèlement, ce qui est rassurant c’est la diminution du nombre des décès et des cas en réanimation. Malgré la flambée constatée dans certaines wilayas, pendant le Ramadan et ces derniers jours, le nombre quotidien de décès est toujours inférieur à dix, et les malades en réanimation ne dépassant pas la trentaine. À Blida, la décrue a commencé juste avec le début du Ramadan. Il y a eu moins de pression sur les urgences, que ce soit à Boufarik ou au CHU de Blida, avec moins de fréquentation des services des urgences. Même le nombre de passages des sujets suspects au Covid-19 au niveau des urgences, a diminué. Idem pour le nombre de cas. Pour prendre le cas de l’EPH de Boufarik, le nombre de cas était autour de 10 à 15 par jour en mars, on est retombé à moins de 10 cas. Cependant, durant ces trois ou quatre derniers jours on a enregistré une petite augmentation des cas de contamination avec une dizaine de malades/jour.

Que pensez-vous de la polémique soulevée par l’étude de la revue The Lancet mettant en doute l’efficacité du protocole thérapeutique à base de chloroquine ?

En Algérie, il faut savoir que ce traitement a été instauré, dès le mois de mars, après une large concertation avec les experts dont je faisais partie. Nous avons étudié les expériences en Chine, l’étude menée par le Pr Didier Raoult à Marseille et les expériences menées aux États-Unis, et c’est sur cette base que nous avons décidé de mettre en marche ce schéma thérapeutique, à base de Chloroquine seule, ensuite avec la chloroquine associée à l’azithromycine. Nous avons obtenu de bons résultats. Nous avons, à l’EPH de Boufarik, plus de 500 cas qu’on a soumis à ce traitement et la majorité de nos malades sont guéris, ceux qui sont encore sous traitement évoluent bien. Nous avons constaté très peu d’effets secondaires graves. Même chose pour les complications cardiaques qui ont été très rares.

Quel sens alors donnez-vous à cette étude ?

Il y a beaucoup de zones d’ombre, d’intérêts qui sont en jeu. Beaucoup de spécialistes ont relevé des anomalies au niveau de la méthodologie. C’est une étude de Big data, ce sont des informaticiens qui ont pris des informations collectées de différents pays, qui ont traité des populations différentes…aussi, nous avons toujours dit que le traitement à la chloroquine doit être administré au début de la maladie pour leur donner le maximum de chances de guérison. Lorsqu’un malade est dans un état grave, le traitement ne sert à rien. L’étude a pris cette catégorie de malades.

Comment interprétez-vous la décision de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de suspendre les essais cliniques avec la chloroquine ?

Il convient de préciser que l’OMS a décidé de suspendre l’utilisation du traitement à base de la chloroquine seulement sur les essais qu’elle chapeaute. Elle n’a donc pas demandé aux autres pays de surseoir à l’utilisation de la chloroquine. L’Organisation mondiale de la santé n’a pas demandé à interdire la chloroquine. Les décisions des pays qui ont adopté le protocole de traitement à base de chloroquine sont souveraines.

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