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Visite de Macron, Sahara occidental, relations avec la Russie : Entretien avec Abdelaziz Rahabi…

Visite de Macron, Sahara occidental, relations avec la Russie : Entretien avec Abdelaziz Rahabi…

Ancien ministre et diplomate de carrière, Abdelaziz Rahabi revient sur la visite du nouvel envoyé spécial de l’ONU pour le Sahara occidental, la dernière visite du Premier ministre russe et de la visite du Président français dont la date n’est toujours pas fixée.

L’ambassadeur de France en Algérie a renvoyé encore une fois la balle dans le camp des Algériens en ce qui concerne la visite d’Emmanuel Macron qui n’a toujours pas eu lieu. Comment expliquez-vous l’absence de réponse à Alger ?

La tradition veut, depuis François Mitterrand, que le chef d’État français élu effectue sa première visite en Europe en Allemagne et au Maghreb en Algérie, d’autant que depuis décembre 2012 un cadre bilatéral fixe les conditions et le niveau des consultations avec les Français. Ceci a permis de favoriser le cycle positif le plus long dans les relations algéro-françaises mais l’absence de réponse algérienne à la demande du président Marcon peut ralentir le rythme de cette dynamique. À mon sens, cette visite se fera quand notre chef d’État sera en mesure de recevoir son homologue français. Il ne sert à rien d’en faire un sujet de débat ou de discorde entre l’Algérie et la France.

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Le Président a toutefois invité récemment la chancelière allemande Angela Merkel…

Elle a dû annuler à la dernière minute son voyage à Alger parce que notre Président ne pouvait pas la recevoir pour des raisons évidentes de santé. Comme cela arrive exceptionnellement dans les relations entre États, les usages diplomatiques recommandent de renouveler l’invitation dans les meilleurs délais possibles.

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Sur le fond, comme Merkel a été élue pour la quatrième fois. Sa présence pourrait suggérer aux Algériens, non avertis, que même l’Allemagne peut élire un chef pour la quatrième fois. Cela évidemment ne correspond pas du tout à la réalité. L’Allemagne est un État fédéral dans lequel les 16 Lands jouissent de pouvoirs étendus et la chancelière est élue par les députés, tout comme l’Espagne et la Grande-Bretagne. Faire le lien avec l’Algérie est contraire à la réalité et constitue une grossière manœuvre qui se répète d’ailleurs sans mesure ni retenue.

En réalité, nous sommes revenus aux premières années du président Bouteflika, quand il avait usé de la diplomatie notamment avec les puissances occidentales comme d’un contre-poids dans l’affirmation de son pouvoir auprès du commandement de l’armée. Mais les attentats de septembre 2001 avaient rétabli le pouvoir de l’armée car la lutte contre le terrorisme international s’était imposée comme une priorité pour les puissances occidentales.

Comment le chef de l’État use-t-il de la diplomatie aujourd’hui ?

Le chef de l’État, faute d’être porté par des forces politiques autonomes et loyales, a dû transformer la diplomatie en un levier de politique intérieure. La fin de règne répond à une autre nécessité pour le Président, celle d’avoir une sorte de légitimité diplomatique pour meubler son agenda, le reste se limitant à trois ou quatre conseils des ministres par an. Dans la réalité, en raison de son état de santé, il est le maillon faible de notre diplomatie. Et enfin comment peut-on parler à des étrangers et pas à son peuple ?

L’envoyé spécial de l’ONU pour le Sahara occidental effectuera une visite dans les camps de réfugiés les 18 et 19 octobre prochains. Est-ce qu’il pourra débloquer la situation et relancer les négociations bloquées depuis 2012 ?

L’ONU prend la mesure des risques sur la paix internationale du fait de la persistance de l’occupation du Sahara occidental, du désespoir des Sahraouis des camps de réfugiés et de l’intérieur, et de la radicalisation des plus modérés au sein de la direction politico-militaire sahraouie. Elle en porte la plus grande responsabilité car elle n’a pas respecté un engagement pris en 1991 d’organiser un référendum d’autodétermination, ni réussi à protéger les Sahraouis contre les violations des droits de l’Homme par l’extension du mandat de la Minurso, ni à remettre les Sahraouis et les Marocains autour d’une table de négociations. Horst Kohler a peu de marge de manœuvre, si à la présentation de son rapport dans six mois, le conseil de sécurité de l‘ONU ne lui donne pas les moyens d’enclencher une nouvelle dynamique pour donner de l’espoir à la dernière colonie en Afrique et à la paix dans notre région. Nous avons assisté à une politique de blocage délibérée des Marocains dont l’intransigeance est nourrie par le soutien inconditionnel de la France au sein du conseil de sécurité.

Après l’Algérie, Dmitri Medvedev s’est déplacé au Maroc. Plusieurs accords ont été signés entre les deux pays. La presse marocaine a même évoqué la volonté des forces royales à acquérir le système de défense anti-aérienne russe. Comment doit-on interpréter ce rapprochement ?

La Russie est un allié stratégique pour l’Algérie depuis de longues dates, pas seulement en tant que fournisseur presque exclusif d’armement mais également en tant que soutien diplomatique. À mon sens nous n’avons pas suffisamment exploré le réservoir de coopération entre les deux pays qui était plus diversifié il y a 30 ans et pas uniquement pour des raisons politiques ou idéologiques comme on veut le faire croire. L’Algérie avait rééquilibré ses relations avec le monde occidental sous Chali qui trouvait que notre diplomatie était excessivement marquée idéologiquement, mais cela n’a pas altéré la confiance qu’il y a entre les deux pays. Même si les rapports sont dominés par la coopération militaire, ceci n’est pas tout à fait conforme à la réalité car nous partageons beaucoup de positions diplomatiques à l’ONU et ailleurs.

Cela étant dit, l’Algérie n’a jamais considéré qu’elle a des relations exclusives avec la Russie qui interdisent quoi que ce soit à ce pays dans la région. Il y a une déviation dans la presse en Algérie et au Maroc qui consiste à nous comparer sur tout et sur rien alors que nous n’avons, ni le même parcours historique, ni le même agenda régional, ni les mêmes contraintes géopolitiques qui déterminent en bonne partie la nature de l’armement et nos alliances. Nous avons sept frontières communes en Afrique et cela impose une stratégie militaire qui réclame des moyens de défense appropriés que nous allons chercher essentiellement en Russie mais également en Chine ou en Allemagne. Le Maroc n’a de frontières qu’avec l’Algérie et le Sahara occidental. J’ajoute que la Russie a toujours eu une position conforme au droit international sur la question du Sahara occidental aussi bien au conseil de sécurité qu’en assemblée générale.

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