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Visites officielles dans les wilayas : les réflexes du passé ont la peau dure

Visites officielles dans les wilayas : les réflexes du passé ont la peau dure

La visite de Abdelaziz Djerad à Médéa, dimanche 20 décembre, fait couler beaucoup d’encre. Sur les réseaux sociaux, on n’en finit pas de partager images et commentaires sur tout ce qui a entouré la virée du Premier ministre dans l’ancienne capitale du Titeri, à une centaine de kilomètres au sud d’Alger.

[Crédits : Facebook – عبد العزيز جراد – Abdelaziz Djerad]

Pour beaucoup, le gouvernement a beau avoir la volonté de concrétiser la promesse d’une nouvelle Algérie, les réflexes de « l’ancienne » ont la peau dure.

Au programme de la visite du Premier ministre, des projets inaugurés, dont celui gigantesque de l’autoroute de la Chiffa, et d’autre lancés. Parmi eux, une cité de plus de 1200 logement.

L’image est éculée : un haut responsable entouré de tout ce que la wilaya compte comme « autorités locales », truelle à la main, scelle une brique au mortier, symbole du lancement officiel du projet.

Mais un détail ne passe pas aux yeux des internautes. La stèle érigée pour la pose de la première pierre est recouverte d’un marbre scintillant. Un marbre émeraude, visiblement de premier choix, donc forcément très onéreux.

L’image est mise en ligne sur la page officielle du Premier ministère et été largement partagée et commentée. Les internautes retiennent surtout le détail de la stèle et son marbre qui a dû coûter une fortune au contribuable, dans un contexte de grave crise économique. « Cela aurait pu servir à construire un logement supplémentaire », ironise un internaute. « Pourquoi tout ce marbre ? », s’interroge un autre.

[Crédits : Facebook – الوزارة اﻷولى الجزائرية]

Une dépense inutile, à la limite du gaspillage. Pourtant, dès février dernier, moins de deux mois après son investiture, le président Abdelmadjid Tebboune avait mis en garde contre le gaspillage des ressources publiques précisément lors de ces visites de ministres ou de walis.

« Il faut lutter contre le gaspillage, notamment à l’occasion des visites qui doivent devenir le slogan de la résolution des problèmes de développement. Les visites ne sont pas synonymes d’ostentation et de festins », a déclaré le chef de l’État lors de sa première rencontre avec les walis.

Autre pratique dénoncée par le président à la même occasion, les longs cortèges qui causent des désagréments aux citoyens. « Nous devons éviter les cortèges composés de 20 à 30 voitures et dont seulement trois ou quatre véhicules transportent les personnes concernées », avait préconisé Abdelmadjid Tebboune.

| Lire aussi : Développement local : Tebboune opte pour la thérapie de choc 

Beaucoup de promesses, peu de changements

Près d’une année après l’instruction présidentielle, il n’y a pas eu de changement notable dans ce registre. Lors de la visite de M. Djerad à Médéa justement, le même phénomène est constaté et largement dénoncé sur les réseaux sociaux.

La circulation automobile a été bloquée sur de nombreux axes routiers pour permettre à la très forte délégation qui accompagnait le Premier ministre de se déplacer facilement entre les quartiers de la ville et les communes de la wilaya.

« Nous avons mis trois heures pour entrer en ville », dénonce un internaute. Comble de l’ironie, au programme de la visite était inscrite l’inauguration du projet-phare de la nouvelle autoroute de la Chiffa qui met fin au calvaire que vivaient les habitants de la région sur l’ancienne route menant vers Blida et Alger.

Lors de l’inauguration de cette autoroute taillée dans les Gorges de la Chiffa, qui a été déjà ouverte à la circulation par le ministre des Travaux publics, le même protocole, remontant à l’époque des « démocraties populaires », est appliqué à la lettre : une jeune fille, portant une tenue traditionnelle, un ciseau et un ruban aux couleurs nationales. Le responsable arrive, prends le ciseau et coupe le ruban, pour inaugurer officiellement l’autoroute, sous les applaudissements nourris de l’assistance.

Une autoroute dont la réalisation a été faite par les Chinois et qui a duré plus de sept ans, soit un peu plus de 7,5 km par an, il n’y a pas de quoi se féliciter.

Les longs cortèges, forcément budgétivores et source de désagréments, ne se limitent pas aux visites du Premier ministre. Les ministres qui se déplacent dans les wilayas, ou même les wilayas qui inspectent les communes ou daïras sous leur tutelle, n’ont en fait jamais rompu avec les pratiques du passé, malgré la nouvelle orientation présidentielle.

La seule nouveauté, c’est la sur-médiatisation des visites et des festins sur les pages des ministres et des wilayas sur les réseaux sociaux avec, souvent le juste effet contraire de celui escompté.

Les citoyens ne comprennent pas que de telles pratiques puissent persister dans une conjoncture censée être de changement et de rupture. Des pratiques qui ne rappellent pas seulement les deux décennies de Bouteflika, mais toutes les différentes étapes de l’histoire du pays depuis l’indépendance, et même les temps révolus des « démocraties populaires » de l’est de l’Europe.

Ce n’est pas pour rien que malgré toutes les promesses de changement, la dénomination officielle de l’Algérie a été gardée dans toutes les Constitutions, contre tout bon sens.

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