Le régime marocain est en colère contre la presse française. Ce mercredi, il a expulsé deux journalistes français. Il s’agit de Thérèse Di Campo et Quentin Müller, envoyés spéciaux du magazine Marianne qui a dénoncé une expulsion « sans explications », « ni motifs ».
Les deux journalistes ont été appréhendés très tôt dans la matinée de ce mercredi dans leur hôtel, avant d’être renvoyés, manu militari, dans le premier avion vers la France, a indiqué Marianne.
À moins que ce soit ce dessin, paru dans nos pages la semaine dernière, qui nous a valu les foudres des autorités ? Il nous a en tout cas déjà valu une sympathique menace de mort sur les réseaux sociaux.https://t.co/fwqdO1kSjm
— Marianne (@MarianneleMag) September 20, 2023
Khaled Drareni, représentant de Reporters sans frontières (RFS) en Afrique du Nord, a réagi en dénonçant « des méthodes inacceptables envers des journalistes dont la seule mission est d’informer. »
La photojournaliste Thérèse Di Campo et le journaliste Quentin Müller du magazine Marianne arrêtés hier à 3h du matin à leur hôtel à Casablanca et expulsés du #Maroc vers la France.
Des méthodes inacceptables envers des journalistes dont la seule mission est d’informer.
Totale… pic.twitter.com/H0Yykvq56H— Khaled Drareni (@khaleddrareni) September 20, 2023
Après quelques heures passées dans les locaux de la police de l’aéroport de Casablanca, les deux journalistes de Marianne ont été mis dans un avion de la Royal Air Maroc « sans aucune forme de procès », a raconté la photographe Thérèse Di Campo.
Arrivés vendredi au Maroc, les deux journalistes voulaient enquêter sur ce que pensaient les Marocains du roi Mohamed VI, particulièrement discret depuis le tremblement de terre qui a endeuillé le royaume le 9 septembre dernier, selon Marianne.
Quentin Müller a affirmé sur le réseau social X (ex-Twitter) qu’il a reçu des menaces physiques après avoir annoncé la « sortie prochaine d’une longue enquête sur le Roi Mohammed VI, sa cour et ses services de sécurité ».
J’annonce donc la sortie prochaine d’une longue enquête sur le #Roi #MohammedVI, sa cour et ses services de sécurité.
Sur place, j’ai pu amasser des informations exclusives qui dépeignent un régime toujours plus dur, effrayé par tout élan de contestation locale. https://t.co/O0LaoUeOrk pic.twitter.com/iIBoHbnGYU— Quentin M. (@MllerQuentin) September 20, 2023
Reçu plusieurs menaces physiques de ce genre. Même si ce ne sont que des mots lancés en l’air, ce n’est pas anodin toutes ces intimidations. https://t.co/4ajPoTHgr8
— Quentin M. (@MllerQuentin) September 20, 2023
Depuis le tremblement de terre dévastateur du 8 septembre, les autorités et la presse marocaines sont vent debout contre la presse étrangère, particulièrement française, pour leur couverture de la façon avec laquelle le régime marocain gère cette catastrophe.
De nombreux médias en France ont rapporté la lenteur des secours, l’absence de Mohamed VI durant les premiers jours du drame et critiqué le tri politique de l’aide internationale par le Makhzen.
Le régime marocain n’aime pas les critiques de la presse française
Alors qu’il en a grandement besoin pour faire face aux effets du tremblement de terre qui a dévasté la région de Marrakech, faisant près de 3.000 morts, le régime marocain a étrangement refusé l’aide de plusieurs pays, dont la France.
En plus des réponses aux médias français orchestrés par le Makhzen, le Conseil national de la presse (CNP) marocain a porté plainte auprès du Conseil de déontologie journalistique et de médiation français au sujet de ce qu’il appelle les « dérapages » de Charlie Hebdo et Libération lors de leur « couverture du séisme du 8 septembre ».
Le CNP marocain reproche à Charlie Hebdo la publication d’une caricature de Mohamed VI bourrée d’argent alors que des appels sont lancés pour venir en aide au peuple marocain, endeuillé par un tremblement dévastateur.
Pour Libération, il est attaqué pour avoir publié, le 11 septembre en Une, la photo d’une femme victime du tremblement de terre avec ce titre : « Aidez-nous, nous mourrons en silence », indique le site 360.ma, réputé proche du Palais royal.
Le magazine Marianne a, lui aussi, publié une caricature montrant Mohamed VI allongé sur un lit avec à ses côtés une infirmière avec ce titre : « Coup de bol, moi, je me reposais en France ». Le souverain marocain était en France au moment du tremblement de terre dévastateur.
L’expulsion des deux journalistes de Marianne survient alors que les relations entre la France et le Maroc traversent une période de froid en raison de l’affaire Pegasus, nom du logiciel israélien avec lequel les services marocains ont espionné le téléphone du président Emmanuel Macron.
La crise entre Paris et Rabat est due aussi aux pressions de Mohamed VI pour obtenir de Macron la reconnaissance par la France de la marocanité du Sahara occidental.